mercredi 31 décembre 2014

LA NUIT DES MURS VIVANTS

Ivan Sinčić, souffle nouveau, 
ou trou d'air supplémentaire dans le vide politique croate?

La Croatie votait ce dimanche 28 décembre 2014, pour se choisir un président. La surprise de ce premier tour (*) n'est pas le déclin du sortant Ivo Josipović, sorte de "président normal" à la mode croate, finalement aussi terne et insupportable que notre version française. Ce n'est pas non plus la remontée du HDZ, et le poids toujours fort de la droite nationaliste, conséquence, à la fois de la déception qu'ont suscité les sociaux-démocrates et Josipović, et des nombreuses poussées de fièvres réactionnaires initiées sur le front "citoyen" par de relais comme "Au nom de la famille", l'église ou les anciens combattants. 

Non, la surprise, c'est la percée d'Ivan Sinčić et de son mouvement "Živi Zid" (littéralement: "Mur vivant", au sens figuré "Bouclier humain"), qui obtient 16,42 % des voix, contre toute attente et malgré un mépris commun, durant la campagne électorale, des médias et des instituts de sondage.

Bonne surprise, la percée de Živi Zid et de son jeune leader ?


samedi 20 décembre 2014

ICONOCLASMES #2 : FUREUR DE VIVRE DANS LES CARPATES


Belle gueule, non ? Ce pourrait être un écrivain ou un acteur célèbre dans ses jeunes années. Ce mélange de mélancolie et d'inquiétude, d'un côté, et de détermination romantique, de certitudes de l'idéalisme, de l'autre, typique de cet "entre deux" de l'adolescence finissante. 

Ce jeune homme, c'est Nicolae Ceausescu à 18 ans (1936). Après les 25 ans de la chute du mur de Berlin, voici venus les 25 ans de la "Révolution Roumaine", en son temps porteuse d'un engouement et d'un espoir incroyable, aujourd'hui hantée par de nombreux points d'interrogations, brèche sanglante dans lesquels s'engouffrent nombreux fantasmes, parfois conspirationnistes, invoquant à tort et à travers CIA, irrédentistes hongrois, KGB, Securitate, etc. Tout n'est pas complètement faux, loin de là, dans ces spéculations... Mais pas complètement vrai non plus...

lundi 1 décembre 2014

SUR LES RUINES DU JUGOTON

Si Deda/Djeda (*) Mraz, le Père Noël (**) yougo, figure parmi les lecteurs de ce blog, il trouvera ci-contre ma commande. Cette compil, dont le délicieux visuel devrait refroidir le buzz éculé des pires pochettes d'album yougoslaves, est sortie en novembre en Croatie (et dans le monde via le net, pour acheter c'est ici). 

Elle s'inscrit dans un revival electro qui agite la branche cybernostalgique de la Yougosphère en ce moment, revival qui s'est déjà illustré par d'autres compilations de musique électronique.  

L'impatience d'avoir en main "Electronic Jugoton" est d'autant plus grande que l'on sait que c'est l'infatigable Željko Luketić (Konrad Medvedov à la scène), mémoire vivante de la culture électro yougo des origines à nos jours, qui est aux manettes de la compil. On avait déjà brièvement présenté dans "Borghesia et le Zeitgeist" cet acteur phare de la scène zagréboises, qui a grandement contribué à ce que la capitale croate, passé certains errements durant les années Tudjman, renoue avec un certain héritage underground qui a toujours su cohabiter en bonne intelligence avec les palais jugendstil, les ruelles du vieux centre, les anciens fleurons de l'industrie où les tours de l'urbanisme socialiste. On avait aussi déjà brossé le portrait de cette scène électronique yougoslave d'hier et d'aujourd'hui dans le même post, et on n'y reviendra donc pas ici...

samedi 25 octobre 2014

SURPLUS D'HISTOIRE(S), PLUS QU'ON NE POURRA EN SUPPORTER


Avec son sens légendaire du triple effet retard ;-) et à la demande de plusieurs lecteurs, Yougosonic revient sur la grosse mascarade des commémorations du centenaire de l'attentat de Sarajevo. A l'heure des bilans domine la sensation d'un rendez-vous manqué entre le passé, le présent et l'avenir de la Bosnie-Herzégovine et des Balkans, cette région, qui, d'après Churchill, "produit plus d'Histoire qu'elle ne peut en supporter". Prenant à la lettre cette formule toute faite, Yougosonic tente un voyage dans ce prétendu surplus d'Histoire, où, contrairement à la vision bedonnante et confortable de l'Occident - où les Balkaniques ont bon dos- , ce dernier a sa part d'excès et de surproduction historique. Road-trip un peu foutraque dans un centenaire électrique, c'est un peu, et sans prétention littéraire aucune, notre "roman du siècle". On y croisera quelques célébrités inattendues, on y ouvrira nombreux tiroirs et placards, on y fera quelques détours ou emprunterons certains raccourcis, à la recherche du temps, aussi perdu que présent. Déjà essoufflé-e-s ? Ce n'est qu'un début! Accrochez vous, on embarque!


vendredi 26 septembre 2014

YOUGOSONIC GOES INTERGALACTIQUE


C'est avec beaucoup de joie, et un très léger soupçon de flatterie, que votre obligé, auteur de ce blog, a accepté l'invitation de l'association brestoise Canal Ti Zef à venir causer contre-cultures et ex-Yougoslavie lors du 13e Festival Intergalactique de l'Image Alternative, du 5 au 11 octobre 2014, à Brest. 

Ce très chouette événement propose chaque année de découvrir cinéma et documentaire sur un thème donné, avec un accent particulier sur les films undergrounds, les autoproductions, les sujets non traités ailleurs, et les travaux qui éclairent des réalités méconnues. Agrémenté de concerts, offrant des temps de rencontres, ouvert aux Bretonnants et aux sourds ou malentendants, le Festival Intergalactique s'affiche convivial, antisnob, enraciné tout en restant tourné vers le monde, à l'image de cette région de Bretagne où Yougosonic a d'ailleurs quelques racines et attaches personnelles. 
C'est dire si l'on piaffe d'impatience d'être à "Brest même", où cette édition consacrée aux Balkans s'annonce 1000 fois plus excitante que le jeune cinéma russe pro-Poutine, montré cette année au festival de Kustendorf .

samedi 2 août 2014

ESSAI DE SURVIE AU COEUR DU KOMSILUK


En France, nous avons la  Fête des voisins. Cette sympathique initiative visant à recréer du lien dans notre société individualiste n'a à priori pas d'équivalent chez nos amis yougoslaves. A moins que cette fête là bas n'ait lieu tous les jours... comme va nous le démontrer ce post estival qui se penche sur la délicate question du voisinage en ex-Yougoslavie. Certes il faut tempérer le mélange de saine misanthropie et d'ironie subtile qui va suivre, lesquelles ont été formées à bonne école sur place, pour rappeler que le (bon) voisinage n'est point chose facile en nos contrées non plus. L'ex-Yougoslavie possède cependant quelques spécificités locales, que le francophone fraîchement débarqué, souvent naïf, et carrément béat après trois verres de rakija, celle du voisin, justement, ne détectera pas forcément à temps, alors qu'il doit se prémunir dès son arrivée de cette funeste engeance qui peut considérablement lui gâcher son séjour, et empêche déjà des milliers d'ex-Yougoslaves de vivre normalement.

Qu'il se nomme komšija (prononcer "kom'chiya", mot utilisé en Serbie et chez les Bosniaques, d'après le turc "komsu") ou susjed (prononcer "soussiède", terme plutôt croate...quoique le serbe "sused" existe aussi), le voisin est un être dont l'affabilité souriante, l'humeur joviale et la serviabilité généreuse, masquent en réalité l'hypocrisie, le double langage, le goût des intrigues, le ragot facile, la langue de vipère, et l'opportunisme dangereusement intrusif.

dimanche 11 mai 2014

PRIERE BALKANIQUE POUR AUTODAFE DES TEMPS MODERNES

Journée particulière que celle de vendredi dernier à Sarajevo, qui a vu se téléscoper plus ou moins bruyamment le passé et le présent de la Bosnie-Herzégovine. On y célébrait à la fois la "Journée de la Victoire sur le fascisme" (=nom officiel de la fin de la seconde Guerre Mondiale en Yougoslavie), et une "marche de la liberté", partie de différentes villes du pays, y convergeait avec le but de faire entendre les revendications toujours non satisfaites des citoyens en colère contre l'incurie des politiques... Mais aussi, et certains diront surtout, le 9 mai 2014 voyait la fin de l'interminable reconstruction (18 ans de travaux) de la Vijećnica, et sa réouverture au public. La Vijećnica (prononcer "Viyètch'nitsa"), calque serbo-croato-bosnien de l'allemand "Rathaus", en français "Maison du Conseil", auquel on préférera le terme d'hôtel de ville, a en effet abrité pendant longtemps l'administration communale et les réunions du "conseil" ("vijeće") municipal, avant d'abriter la grande bibliothèque universitaire de Sarajevo. 

samedi 22 mars 2014

D'AMUSEMENT ET DE POLITIQUE

Avec un peu de retard, Yougosonic souhaite un heureux anniversaire au Politikin Zabavnik, qui fêtait ses 75 ans le 28 février dernier. 

Le premier numéro du Politikin Zabavnik, 
communément raccourci en "Zabavnik", 
paru le 28 février 1939

Le Politikin Zabavnik est le supplément jeunesse du quotidien serbe Politika, offrant chaque semaine BDs, nouvelles, histoires vraies, anecdotes, vulgarisation scientifique, articles historiques, jeux, documentaires, questions des jeunes lecteurs et réponses de la rédaction... le tout illustré par de nombreux imagiers locaux voire étrangers. Cette véritable institution a fait la bonheur de plusieurs générations de yougoslaves petits ...et grands, car qui commence à lire le Zabavnik en devient accro toute sa vie, et l'arrivée du journal à la maison suscite disputes et affrontements sur qui le lira en premier. 

vendredi 21 février 2014

BOSNIAN RESET (2) : LIVE IN YUGOSLAVIA?



En 1988, le groupe oi!/punk britannique Angelic Upstarts sortait un album intitulé "live in Yugoslavia", suite à une tournée dans ce pays dont personne encore ne soupçonnait l'effondrement, et dont une partie de la jeunesse vibrait au son d'un underground tissant ses liens à la fois entre les grands pôles culturels de la fédération, et vers les autres territoires européens et américains où s'inventaient les contre-cultures. La venue des keupons britons s'inscrivait dans cette dynamique, dont on a déjà fait état dans ce blog (notamment ici).

mercredi 5 février 2014

CARTE BLANCHE A L'ETOILE NOIRE (8 ET FIN) : (K)RAJ NA ZEMLJI

Nous arrivons au terme de notre carte blanche à l'Etoile Noire.

En fait de conclusion définitive, cette fin semble plutôt porter le goût de l'inachevé. Pas dans la forme ni sur le fond de notre feuilleton (même si on ne se lasserait pas d'en lire encore sur Mostar), mais dans cette relation "compliquée", comme peuvent l'être certaines relations amoureuses du même nom, entre l'auteure et cette ville. La carte blanche se termine non avec le point final définitif des certitudes ou du devoir accompli, mais avec les points de suspension des non-dits ou du "à suivre", les points d'interrogation des réponses jamais trouvées ou des questions jamais posées, et, ça et là, les points d'exclamation de la colère et de l'amertume...
Le titre est un un jeu de mot : raj na zemlji (prononcer "raï na zemlyi") signifie "le paradis sur terre". Kraj na zemlji (prononcer "kraï") signifie "la fin sur terre". Ambivalence de la relation avec Mostar, ironie cruelle face à une ville située dans des paysages racés et magnifiques mais minée par une guerre sourde et froide, les deux à la fois ou autre chose ? Je vous laisse décider en lisant ce dernier texte...

J’ai mis du temps à me repérer dans la ville. J’ai mis du temps à rentrer à la maison au bord de la rivière, et maintenant, c’est l’hiver.

samedi 18 janvier 2014

CARTE BLANCHE A L'ETOILE NOIRE (7) : LA GUERRE N'EST PAS FINIE

Avant dernier épisode (soupir!) de la Carte blanche à l'Etoile Noire. L'étau se resserre dans notre parcours à Mostar, mené par la plume à géométrie variable de notre guide, tantôt pleine de dérision, tantôt grave, tantôt recentrée sur soi, tantôt habitée par le poids des Histoires récentes de ce territoire. A géométrie variable comme cette ville et cette Bosnie-Herzégovine qui concentrent beaucoup de géo-ceci et de géo-cela dont elles aimeraient tant se libérer: lignes de fractures "géo"politiques, intérêts "géo"stratégiques, "géo"graphie physique comme ces montagnes et ces rivières qui furent parfois des lignes de front, "géo"graphie humaine, peut être la plus oubliée de tous.
L'étau se resserre car ces réalités, souvent dormantes et tapies dans l'ombre comme la peur que suscitent les ruines de Santiceva, parfois rejaillissent et explosent. Cet épisode raconte ces résurgences, leur brutalité, leur violence, et l'implacable conclusion qu'elles sous tendent: "la guerre n'est pas finie", elle continue par d'autres moyens...


Lorsque nous avons fêté les 80 ans d’Abrasevic en décembre 2006, j’avais été chercher une cassette VHS, à la télévision fédérale à Sarajevo, sur laquelle était enregistré un documentaire sur Mostar. Je crois qu’il datait de 1976. On y voyait la ville présentée sous toutes les coutures. Ses gloires comme la Neretva et Stari Most, l’intégralité de la Vieille Ville, l’hôtel Ruža à l’architecture si moderne puis Abrašević.

jeudi 2 janvier 2014

ICONOCLASME #1 : NELSON SRBSKI JUNAK!


"Cent ans de combat altruiste par le Congrès National Africain". C'est en tapant "Jugoslavija Nelson Mandela" sur google image, le jour du décès de l'ancien patron de l'ANC, comme ça, pour voir, que je suis tombé sur ce timbre édité en 2012 par la Poste serbe pour commémorer les cent ans de l'organisation en question.

Les Serbes qui nous jouent la carte du combat pan-africain et de la lutte contre l'apartheid,  sympa, n'est il pas ? Je suis sûr que ça en bouche un coin à certains, et c'est précisément pour cette raison que je trouve, au premier degré, ce timbre fondamentalement sympathique. Exactement parce qu'il donne une image de la Serbie rafraîchie, inattendue, presque incongrue, loin de sa mauvaise réputation souvent définie en termes godwiniens, réputation il est vrai encouragée par quelque brutaux supporters, un cinéaste néo-féodaliste, et les "Seselj Srbski Junak"(1) et autres "Smrt pederima" (2) qui constituent une bonne part de l'expression graffitesque sur les murs des villes serbes, leur conférant ce parfum suranné rappelant le Munich du début des années 30.