Avec son sens légendaire du triple effet retard ;-) et à la demande de plusieurs lecteurs, Yougosonic revient sur la grosse mascarade des commémorations du centenaire de l'attentat de Sarajevo. A l'heure des bilans domine la sensation d'un rendez-vous manqué entre le passé, le présent et l'avenir de la Bosnie-Herzégovine et des Balkans, cette région, qui, d'après Churchill, "produit plus d'Histoire qu'elle ne peut en supporter". Prenant à la lettre cette formule toute faite, Yougosonic tente un voyage dans ce prétendu surplus d'Histoire, où, contrairement à la vision bedonnante et confortable de l'Occident - où les Balkaniques ont bon dos- , ce dernier a sa part d'excès et de surproduction historique. Road-trip un peu foutraque dans un centenaire électrique, c'est un peu, et sans prétention littéraire aucune, notre "roman du siècle". On y croisera quelques célébrités inattendues, on y ouvrira nombreux tiroirs et placards, on y fera quelques détours ou emprunterons certains raccourcis, à la recherche du temps, aussi perdu que présent. Déjà essoufflé-e-s ? Ce n'est qu'un début! Accrochez vous, on embarque!
C'est donc fait! Le 28 juin dernier, les huiles inessentielles de l'UE, de l'Occident, du monde "libre" et "civilisé", sont venues à Sarajevo pour commémorer le centenaire-sang tenaire de la première des grandes boucheries dont le XXe siècle fut coutumier... et que le XXIe semble bien placé pour concurrencer solidement, comme nous l'a prouvé, entre autres, et si besoin en était, cet été de plomb assez durci. Comme je l'écrivais début janvier, les huiles occidentales sont venues faire le coup aux locaux incrédules du "plus jamais ça!", sans doute pour mieux détourner les regards de leurs mauvaises pioches géopolitiques, leurs alliances erronées, leurs incapacités (absence de volonté?) à réduire les tensions, à défaut de les résoudre, et du fait que l'Union Européenne ne fait plus rêver grand monde, une fois sorti des bureaux désamientés de la Commission à Bruxelles ou des chemises décolletées s'exhibant aux terrasses de Saint-Germain des Prés.
Pour cet "anniversaire", on a ressorti des placards de l'Histoire quelques cadavres du programme de première-terminale pour faire passer certains messages plus ou moins subliminaux: d'un côté, François Ferdinand, figure pionnière d'une proto-construction européenne, dont l'Autriche-Hongrie aurait été le premier essai de fécondation in-vitro. Son pendant mythique, la Mitteleuropa, continent intellectuel plus que réel, devait, lui, prouver qu'on avait affaire à des gens instruits, raffinés voire modernes. De l'autre côté, la mine patibulaire de Gavrilo Princip, "terroriste" dont l'acte criminel devait nous rappeler la violence atavique du Balkanique fruste et brouillon, son incapacité proverbiale à s'exprimer par le dialogue et la négociation. Et derrière cette première couche de stéréotypes, la commémoration de "l'attentat de Sarajevo" devait nous suggérer que la merde commence toujours dans ces Balkans, aussi "complexes" qu'ingérables.
"Les Balkans produisent plus d'Histoire qu'ils ne peuvent en supporter" dit un vieil adage, attribué à Churchill, adage qui, de fait, enferme la région dans une approche où passé (l'Histoire) rime avec excès ("plus qu'ils ne peuvent en supporter"), sans parler du fatalisme que sous-tend cette affirmation définitive, où le verbe "produire" suggère une mécanique du chaos incontrôlable, dont les Balkans seraient coutumiers....
Et si c'était notre approche des Balkans qui produisait plus d'Histoire qu'ils ne peuvent en supporter ? Et si nous avions été, nous aussi, les producteurs de cette Histoire excessive ? L'Histoire de l'Europe n'est elle pas une suite d'excès ? Et n'est ce pas précisément l'excès qui fait en grande partie l'Histoire (guerres, massacres, morts, attentats, etc.) ? Vastes questions, auxquelles l'obsession commémorative de "Sarajevo 2014" (petit nom marketing du raout en question) n'aura pas répondu. A part les poncifs précédemment évoqués, aucune réflexion n'a été posée sur le premier conflit mondial, sur les responsabilités, les appétits et les petits calculs cyniques des uns et des autres. Aucun travail d'inventaire d'une Histoire européenne et mondiale, qui, en cent ans, a produit beaucoup de sang et de larmes, des tensions et des rideaux de fer, du charbon et de l'acier, des winners et des losers, et où Gavrilo Princip n'est sans doute qu'un pion parmi d'autres, n'en déplaise à ceux qui l'idéalisent comme à ceux qui lui font porter le chapeau. Mais plus grave encore peut être, le 28 juin 2014, on n'a pas parlé du présent et encore moins de l'avenir.
Il y avait pourtant plus qu'une carte à jouer, alors que les Bosniens sont, deux fois en mois d'un an, descendus dans la rue pour demander, en gros, le droit de vivre une vie "normale" dans un pays "normal". A priori, personne ne les a manipulé. Aucune puissance étrangère ne les a noyauté. Aucun parti politique ne semble (à ce jour) être derrière. Non, de simples citoyens sont descendus dans la rue de leur propre chef, ils se sont organisés tous seuls comme des grands à travers des plénums, et ont tenté d'apporter des propositions pour résoudre les problèmes que rencontre leur pays.
Ce n'est pas la moindre de ses victoires, ce soulèvement a remis la Bosnie-Herzégovine dans le présent, voire dans l'avenir. Mais visiblement, dans les chancelleries occidentales, on n'est pas prêt à entendre cette "vox populi" (Valentin Inzko a menacé d'envoyer les troupes de l'UE), ni à regarder le présent et encore moins à se projeter dans l'avenir.
Le passé est tellement plus simple et "Sarajevo 2014" l'a prouvé de manière aussi éclatante que pathétique. Entre BHL revenu emmerder les Bosniens avec une Europe dont ils ne sont plus très nombreux à avoir envie (la chemise décolletée de Saint Germain des Prés, plus haut, c'était lui!), un concert de musique viennoise dans la Vijecnica fraîchement refaite, réservé aux VIP internationaux et à leurs vassaux locaux, un faux couple princier se baladant en calèche, et une grand'messe kitsch et pleine de bons sentiments orchestrée par un Haris Pasovic qui semble être devenu l'artiste "officiel" des superproductions à Sarajevo (et qu'on a connu plus inspiré il fut un temps), la programmation laisse pantois. La France, qui a mis de nombreuses billes dans "Sarajevo 2014", a prouvé de son côté que le ridicule ne tue pas, gratifiant les sarajéviens d'un succédané du tour de France, pour faire plaisir à la femme de Son Excellence Monsieur l'Ambassadeur, cycliste professionnelle, posant fièrement avec la star de variété locale Dino Merlin sur les affiches de cette course dont l'idée forte était de "relier" Sarajevo-ville et Sarajevo-Est, son pseudo-"doublon" serbo-serbe en Republika Srpska, qui se trouve dans sa banlieue immédiate (j'y reviens plus loin).
Dans cette image écornée de la France en Bosnie-Herzégovine, on relèvera aussi que les musées de Sarajevo sont toujours fermés faute de financements, et qu'une partie de l'argent de la Fondation "Sarajevo coeur de l'Europe", promis à certains d'entre eux, s'est évanouie....Où est passé cet argent ? Nul ne le sait, mais sans doute les "valeurs du cyclisme" ont remis un peu de moralité (rires préenregistrés) dans ce paysage très néocolonialiste....
Bref, "Sarajevo 2014" a été, on l'a dit, un rendez-vous manqué, d'autant plus manqué qu'il n'a fait que braquer et polariser les tensions politiques sur place. Pendant qu'on jouait à l'archiduc et à l'archiduchesse en calèche dans les vieilles rues austro-hongroises de Sarajevo-City, les Serbes de Sarajevo-Est, à quelques kilomètres de là, érigeaient une statue à Gavrilo Princip, devenu, du coup, un "srbski junak" ("héros serbe", voir ici pour plus de détails sur la notion de srbski junak). Puis, toute la grand famille serbo-serbe s'est retrouvée à Andricgrad , où Emir Kusturica offrait sa tournée générale aux Vucic, Dodik, au patriarche de l'église orthodoxe serbe, etc.
pour mieux répondre à ceux répandus "de l'autre côté".
Cependant, affirmer que Princip est un "nationaliste serbe", précisément après la connotation qu'à pris ce terme à partir des années Milosevic, est malhonnête et dangereux. Toujours est il que, à l'autre bout du continent, dans cette Serbie toujours mal aimée, et dont les dirigeants actuels, derrière un peu de photoshop pro-européen, sont restés attachés à l'idéologie d'une Serbie forte, fière, incomprise, mais qui a raison, les origines serbes de Gavrilo Princip, son appartenance à l'organisation serbe la "Main Noire", permettent de le revendiquer comme "serbo-serbe". Ses origines modestes en font, de facto, un héros "populaire" au sens propre du terme, un "indigné", un insurgé, incarnant les "valeurs valeureuses" de résistance qui seraient propres au peuple serbe, qu'il s'agisse de résister aux Turcs, aux Autrichiens, aux Croates, aux Bosniaques, aux Albanais, aux USA... etc. Bref, un cocktail parfaitement maîtrisé entre exaltation, esprit frondeur et conscience populaire autant que nationale ("peuple" et "nation" se disent tous deux "narod" en serbo-croate), même si la réalité est probablement moins glorieuse. D'après différentes sources, Gavrilo Princip était un individu souffreteux, à la santé fragile et probablement atteint de dépression, terme évidemment inconnu à l'époque dans les villages montagneux de Bosnie-Herzégovine, et pathologie donc pas soignée (Freud arrive dans quelques paragraphes...).
C'est d'ailleurs comme un loser que Velibor Colic dépeint Princip dans son magnifique "Sarajevo Omnibus", ouvrage lui aussi porté sur le "surplus d'Histoire" de Sarajevo et de l'Europe. Un loser auquel le colonel Apis et son organisation "La Main Noire", qui, comme l'ont su les Obrenovic à leur dépens, ne faisaient pas vraiment dans la café "mit Sahne", ont fourni un antidépresseur toujours efficace, celui de l'exaltation nationale, du combat et, au besoin, du sacrifice.
A la fin des années 90, le bout de la rue Princip, précisément à l'angle de la rue Jug Bogdan, hébergeait un bar étrange, à la musique forte et dure, tendance Londres 1977 et ses dérivés, mais où, certains soirs, une frange de la clientèle portait le cheveu parfois un peu trop court et le bomber un peu trop kaki. Le nom de ce lieu cristallisait, à la fois le Zeitgeist sulfureux de ces années où la graine de faf commençait à bourgeonner au sein d'une jeunesse serbe enfermée et sous embargo, et qui allait sous peu se prendre les bombes chirurgicales de l'OTAN sur la gueule, mais aussi les mutations géopolitiques nées de la chute du communisme et de la dislocation yougoslave, et enfin le voisinage de l'assassin de François Ferdinand et de la chevalerie serbe: "New World Order".
Loin des clichés autour de la prétendue allégeance aveugle à Gavrilo Princip, ces discussions témoignent de la richesse et de l'intelligence du débat parmi les ex-Yougoslaves sur ce sujet, et prouvent que sur place aussi, l'approche est plus complexe que le blanc ou noir ou le pour ou contre.
Ton peuple* tire fierté"
*La version originale dit "zemljaci", c'est à dire "ceux de la même terre"... Il s'agit ici bien sûr de la terre de Bosnie-Herzégovine et de tous les peuples qui la composent.
Morceau choisi :
"Ce matin là, il s'est levé,
Il est parti sur une route sans retour,
Encore aujourd'hui, nous marchons dans ses traces (...)"
Je ne dis pas que Derrick parle ouvertement du nazisme, ce serait vrai si un Günther Grass était au scénario et un Visconti ou un Fassbinder à la caméra, mais cette série n'a pas de telles prétentions: elle se livre néanmoins à une forme d'exploration du côté obscur de l'âme humaine, qui prend des allures de parabole si on applique une certaine grille de lecture. La bourgeoisie munichoise de Derrick, c'est aussi une bourgeoisie "castrée", "amputée" par deux défaites du rêve national pour lequel elle s'est emballée, par idéologie ou par intérêt, en choisissant la mauvaise pioche du nazisme. Ses magouilles et ses affaires de moeurs sont un passe-temps pour tromper l'ennui, les frustrations voire la culpabilité. Les minables friqués de "Derrick", et leurs crimes tout aussi minables, c'est le déclin de la vieille Europe Centrale, la fin du mythe de la Mitteleuropa, et de son supposé bouillonnement intellectuel, où les non dits honteux sont masqués par la société de consommation et l'info-choc des journaux populistes d'Axel Springer.
La frustration nationale et les complexes mal digérés de la grandeur perdue vireront rapidement au brun, et "Vienne la Rouge" (ville qu'Hitler détestait, comme Berlin, autre cité jugée indisciplinée) sera priée de s'aligner et de troquer le point levé contre la main tendue bien droite en signe de bienvenue aux troupes de l'Anschluss, installant de façon durable l'idée que l'Autriche, à l'instar de son encombrante soeur allemande, est du mauvais côté de l'Histoire, et laissant de lourdes névroses aux générations futures, névroses que l'on tentera de soigner avec les dollars du plan Marshall et les mythes pop américains.
Bien avant Falco et ses hits, dont on a à mon sens négligé le côté miroir sulfureux, la remise en question avait déjà commencé à la marge, avec Schönberg et sa musique dodécaphonique. Comme si, après la première grande boucherie mondiale, la musique elle même - dont on aime à dire qu'elle adoucit les moeurs - ne pouvait plus être harmonique et mélodique mais devait porter le déséquilibre et les torsions de l'humanité. Le dodécaphonisme n'aura pas sauvé l'Europe Centrale.
Rostock et Hoyerswerda ne sont que le visage le plus visible des traumas mal vécus et mal gérés, d'une réunification, certes inéluctable (et d'ailleurs inscrite comme but à atteindre dans les constitutions des deux Allemagnes), mais bâclée et faite sur le dos des citoyens de la RDA à qui on a juste dit "votre pays, c'était de la merde, oubliez le! ...et bienvenue chez Lidl et Mediamarkt!". Personne ne prétend que c'était la fête en RDA et dans le bloc soviétique, mais un truc que peu de monde a compris de ce côté ci du mur, c'est que, malgré la Stasi ou la Securitate, il a bien fallu vivre, trouver un sens à sa vie, et se construire ses références dans ce monde là. Accessoirement, en dépit du flicage général, tout n'était pas à jeter non plus dans ce système. Du coup, le salutaire et légitime "Nazis raus!" de la jeunesse ouest-allemande s'est retrouvé noyé dans ce prêchi-prêcha de la "réunification" (les termes de "rattachement" ou de "mariage arrangé" seraient plus exactes), où l'Occident sûr de lui achète, vend, privatise, liquide, détruit, reconstruit... mais aussi sermonne et "droit-de-l'hommise" à outrance, distillant déjà subtilement le cliché de "l'homme de l'est" brutal, retardé, intolérant, qu'il faut civiliser.
Dommage qu'on l'ait aussi vite oubliée (...)
Entre RFA et Pologne, un pays a été volé"
"Berlin, le monde doit se guérir de toi" conclue le groupe.... Une suggestion qui pourrait convenir aux Balkans.
Les skinheads qui cassent du Turc ou du gauchiste dans le "nouveau Berlin", la spéculation immobilière effrénée qui en vire les "alternatifs" et les prolos, les villages de Saxe ou de Poméranie qui se vident, seront vite masqués par les images beaucoup plus marquantes de la Slavonie en ruine, de la Bosnie-Herzégovine en flamme, de l'horreur glaçante des camps de Trnopolje ou de Keraterm. Dans ce rêve européen virant au cauchemar, l'Allemagne réunifiée, du moins l'Allemagne "officielle", regonflée dans son égo, jugera bon de prendre partie, au nom de supposées valeurs communes et de lointains souvenirs mitteleuropéens, pour une Croatie dirigée par un pouvoir plus que douteux et une Slovénie qui, quoique plus discrètement que son voisin du sud, tire aussi quelques ficelles du conflit.
Comme un signe supplémentaire, c'est l'ancien écolo-alternatif Joschka Fischer qui, bien qu'il dénoncera - alors qu'il est dans l'opposition - l'attitude de Kohl et Genscher, achèvera d'une certaine façon ce qu'ils ont commencé, en votant les bombardements sur la Serbie à grand renfort d'uranium enrichi. Les Français ne feront guère mieux. Irrités par cette Allemagne qui rebombe le torse, ils ressortiront des archives poussiéreuses le vieux logiciel de l'amitié franco-serbe, auxquels ils ajouteront l'extension récente d'une peur excessive d'un Islam Bosniaque, certes tenté par endroit par le fondamentalisme, mais bien loin à cette époque des délires saoudiens ou iraniens.
Paradoxe donc, les tenants de la réunification allemande, puis de celle de l'Europe, présentées déjà comme du "there is no alternative", contribueront en coulisse à précipiter l'éclatement de la Yougoslavie. A la réunion des deux Berlin, des deux Allemagnes, puis à l'intégration des "bons élèves" de l'Europe post-communiste, succéderont les séparations de Mostar, Sarajevo, Kosovska Mitrovica, durant les guerres yougoslaves. Elles sont toujours en partie ou complètement d'actualité. Comme un écho aux cicatrices de Berlin, un "Sarajevo-Est" s'est constitué dans la banlieue de la capitale bosnienne située en Republika Srpska, additionnée de quelques communes rurbaines comme l'ancien fief de Karadzic, Pale. Un territoire en vase clos, avec ses propres institutions, ses propres universités, ses propres commerces, ses propres produits, sa propre poste et son propre réseau téléphonique... à quelques kilomètres de Bascarsija.
Pas de mur ni de miradors. Raffinement de la modernité post-yougoslave, les murs sont dans les têtes.
Mais revenons un instant à la schnouf que traquait Der Kommissar: peut-être était elle le fruit d'un trafic orchestré par quelques mafieux yougoslaves? La Vienne moderne est depuis les années 50-60 le foyer d'une très forte immigration yougoslave, serbe notamment. Paradoxe ? Les descendants de ceux qui voulaient "tuer le père" (Sigmund encore) François Ferdinand sont venus en masse dans la capitale de l'ancien empire, profiter d'un niveau de vie et d'un "propre et en ordre" qu'on ne trouve pas dans les rues pauvres et sales de quelques miséreuses villes balkaniques. La majeure partie de cette communauté bosse, ne fait pas de remous, parle l'allemand en roulant les "r", élève des gamins qui parleront le dialecte viennois mieux que le serbo-croate, tout en cultivant, dans les nombreuses fêtes yougos qui agitent la nuit viennoise, la nostalgie d'un bled idéalisé et fantasmé... A côté, et aucun racisme derrière cette affirmation, une branche de la communauté est venue avec des intentions plus douteuses, faisant souche à Vienne, et dans d'autres villes de l'Europe germanique supposée si policée et calme, pour organiser ses petits et gros trafics, de la dope aux armes à feu et passant par la prostitution et le blanchiment d'argent. Accessoirement, cette mafia s'occupe si besoin des basses besognes pour les services secrets yougoslaves (intimidations voire assassinats d'ennemis politiques).
En réalité, des militants de l'indépendance du Kosovo.
Du trafic d'armes aux privatisations dans les Balkans"
Edition slovène d'une enquête publiée en Autriche.
A moment des commémorations du centenaire de "l'attentat", le personnel de l'Holiday Inn était en grève. Ses salaires n'ont pas été payés depuis plusieurs mois par le propriétaire, autrichien, vous l'aviez compris. De son côté, Valentin Inzko, l'archid... , pardon, le Haut Représentant des Nations Unis, un autrichien lui aussi (quoiqu'issu de la minorité slovène de Carinthie), a proposé d'envoyer les troupes de l'Union Européenne pour calmer la plèbe, comme seule réponse aux manifestations de Bosnie-Herzégovine.
Face à tout cela, Princip, "l'homme qui a fait basculer le monde" a bon dos. Il est le coupable idéal, accusé de porter un nationalisme serbe, qui en 1914, n'était pas franchement le même que celui qui se développera à la fin des années 80, ou que celui qui s'exprime en 2014. En 1914, les Slaves du Sud se rêvaient une unité. Même si l'idéologie panslave avait aussi sa part d'ombre, et que le lobby militaire serbe, incarné par le machiavélique colonel Apis, avait déjà quelque ambition dominatrice, le projet yougoslave affichait des ambitions modernes pour leur temps, pas éloignées des projets que portèrent bien plus tard les apôtres de la décolonisation ...et ceux de l'Union Européenne. Je ne partage aucunement l'idolâtrie qui entoure le personnage mais les procès qui lui sont faits sont volontiers exagérés et ne se penchent pas sur le contexte. Une fois de plus on retire aux Balkaniques leur droit à leur Histoire, non content de les accuser d'en produire de trop, et non content de les avoir souvent laissé dans leur mouise, une fois que cette Histoire avait produit son surplus insupportable. L'ex-Yougoslavie n'a pas eu de plan Marshall, comme en a bénéficié la future UE, mais un néocolonialisme teinté de paternalisme qui n'a apporté ni démocratie réelle, ni "welfare state". Après ça, facile de demander aux intéressés de faire introspection et travail sur la culpabilité. Les jeunes ex-Yougoslaves n'ont pas, comme les jeunes Allemands des années 60, le monde baba-cool épanoui et en pleine croissance des Trente Glorieuses. C'est un miracle, que, ça et là, ils tentent et parviennent à recoller quelques morceaux.
Gavrilo Princip figurait peu ou pas du tout dans l'iconographie ou le discours des manifestants de Bosnie-Herzégovine, qui, dans leur récente "révolution" aux accents post-modernes, n'avaient pas vraiment de leaders "forts", de chefs, ni d' "icônes", du moins jusque récemment. Comme je l'ai dit plus haut, les Bosniens qui marchent pour changer leur pays sont dans le présent, pas dans un passé mortifère et peut être périmé où s'affrontent Gavrilo Princip, François Ferdinand et les Empires. Le passé est en fait du côté de ceux qui, officiellement, se posent en incarnation du progrès et de la modernité (L'Empire moderne que se rêve d'être l'UE), d'où leur obsession de la commémoration qui - sous couvert de soigner les névroses héritées du XXe siècle - justifiera leur présence et leur occupation (comprenez: l'UE ultralibérale ou le chaos). Le passé est du côté des pouvoirs locaux, vassaux complaisants de l'empire actuel. Comme un signe qui ne trompe pas, l'ancienne Caserne François Joseph construite par les Autrichiens du temps du protectorat abrite aujourd'hui la présidence de Bosnie-Herzégovine.
Pendant que l'Occident et ses vassaux se sont offerts un surplus d'Histoire, autosatisfait, coûteux et à côté de la plaque, le seul rendez-vous qui fut ce jour là honoré entre passé, présent et futur, c'était celui de tous ces Gavrilo Princip en colères. CQFD.
Bonjour
RépondreSupprimerA propos des commémorations sur la radio publique française: on a pu entendre dans l'émission ''on parle musique'' Edin Zubvcevic l'organisateur du Jazz fest de Sarajevo. Il organisait un concert de Sevdah pour le 28 juin.
Il dit ne pas comprendre pourquoi on célèbre le début d'une guerre et il en rajoute une couche en disant que c'est une grosse gaffe d'inviter l'orchestre de Vienne pour le Vivovdan. Il prend soin de dire qu'il n'a rien à voir ''avec les gens compétents qui ont organisé cet évenement'' (vers 31 min 52 s).
Dans la même émission Amira Medunjanin explique comment elle a décidé de faire le métier de chanteuse après avoir travaillé pour l'UE en tant qu'économiste: elle en avait assez de devoir fermer sa bouche et d'entendre les expatriés déblatérer sur son pays(si on écoute entre les lignes).
On entend aussi une référence à Rambo Amadeus à propos du turbofolk de la part de Bojan Z. Cela explique peut être pourquoi ce dernier est si réticent à utiliser le terme ethno jazz!
Salutations et merci pour ton travail
http://www.franceinter.fr/emission-on-parle-musique-on-parle-musique-depuis-sarajevo