vendredi 23 septembre 2011

YOUGONOSTALGIE GAY FRIENDLY ?



La gay pride de Belgrade (prévue le 2 octobre prochain) se prépare dans une ambiance de veillée d’armes : les néofascistes serbes menacent de mettre la ville à feu et à sang et le pouvoir, comme toujours, botte en touche : le mur du çon – comme on dit au Canard enchaîné – a été franchi par le maire de Belgrade, Dragan Djilas, déclarant que « la Serbie a des problèmes plus préoccupants que l’organisation de la gay pride » (comprenez : le Kosovo, ce machin que l’on ressort dès qu’un semblant de contestation s’exprime), et la noix d’honneur par un syndicat  policier qui refuse d’envoyer ses adhérents affronter les brutes clérofascistes, au vu du salaire moyen des CRS locaux…Amusant, quand on sait combien à l’époque de Milosevic, la flicaille serbe allait bastonner du militant démocrate sans demander de prime de risque.  



Si aujourd’hui les gay prides qui se tiennent à Zagreb, Split et Belgrade, ou les festivals de Queer Culture de Sarajevo, suscitent la brutalité des éléments les plus réactionnaires qui se sont épanouis dans l’ambiance traumatique mal soignée des sociétés post-yougoslaves, il n’en a pas toujours été ainsi. Certes, ne rêvons pas, il n’y a jamais eu de quartier du Marais ou de Greenwich Village à Zagreb, Belgrade, ni même dans la très libérale Ljubljana, mais une (contre-)culture gay a néanmoins existé, avant que les vrais « enculés » ne prennent le pouvoir et niquent leurs peuples, hétéros et homos sans distinction. Yougosonic lève le voile sur quelques uns des visages de cette culture « yougayslave ».

Aperçu des "éléments les plus réactionnaires qui se sont épanouis dans l’ambiance traumatique mal soignée des sociétés post-yougoslaves" 
(ici lors de la gay pride de Split).

Pour commencer, et au lieu de fustiger dans un élan d’humanisme occidental ces « sauvages balkaniques » qui ratonnent aujourd’hui les homos, rappelons que dans un pays aussi « civilisé » que la France, des gays aussi se font tabasser, qu’ils doivent parfois se cacher, que l’homosexualité d’untel reste sujet de raillerie, même dans les milieux dits progressistes. Branchez sur le sujet « homo » avec des collègues de boulots ou faites votre « coming-out » lors du repas de Noël et vous verrez…
Je précise aussi que j’ai choisi de ne pas utiliser ici le concept de LGTB, qui est de création récente, vu que je couvre en gros la période allant de la fin des années 70 au début des 90, où ce terme n’existait pas encore. En revanche, je l’emploierai dans le prochain post qui sera consacré à la situation actuelle.



Dans les années 60 et 70, le monde gay en ex-Yougoslavie demeure dans un underground qui tient plus de la marginalité de facto, que du choix de vie assumé. La société titiste est certes non alignée et beaucoup plus ouverte que la froide Deutsche Demokratische Republik ou la rude URSS, mais l’homosexualité reste – comme à peu près partout, plus ou moins à la même époque - mal vue. Le cocktail de « bon ton » d’obédience austro-hongroise, de machisme décomplexé au soleil, de relents de rigueur ottomane, de conservatisme plouc, le tout remixé à la sauce fraternité-unité autogestionnaire, font que l’homoyougo est au mieux considéré comme une bête curieuse, au pire comme un malade mental à mettre sous camisole. La conscription obligatoire dans la prestigieuse JNA est une machine de détection implacable des gays, qui se voient proposer des « thérapies » à base d’électrochocs…

Comme dans beaucoup de pays, c’est vers la fin des années 70 et par la scène artistique que les gays yougos se sont frayés un passage dans une société où l’homosexualité était plus ou moins taboue. Les groupes punk et new wave qui se développent alors dans la fédération ne font pas que renouveler une scène musicale jusque là très variétoche, ils portent aussi des idées nouvelles. Sans être homos, des punks comme le groupe croate Psihomodo Pop (photo ci-contre) se travestissent sur scène ou dans leur clip, et les « Darkeri » (équivalent yougo de nos gothiques), par leur look androgyne, décoincent les codes vestimentaires et moraux.

Le thème de l’homosexualité s’immisce dans les chansons : l’un des moments fondateurs de cette tendance est le hit des « Rolling Stones croate » Prljavo Kazaliste (« Théâtre sale »), « Some Boys », dont le refrain proclame clairement «je suis pour l’amour libre entre hommes».




Prljavo Kazaliste et Idoli : 
du rock aux accents "stonesiens" à la new wave de Belgrade, 
l'homosexualité fait son "coming out" via le rock'n'roll

Le groupe de Belgrade Idoli (« Les idoles ») leur emboîtent le pas avec le célèbre « Je te vois rarement avec des filles », un morceau emblématique qui revient à la fois sur la pression sociale machiste (le fameux « t’as pas de nana, t’es pédé ou quoi ? ») et sur les non-dits que cette pression suscite. 

Tradition et modernité : 
alphabet cyrillique pour thèmes peu orthodoxes

Idoli sort ce hit sur un album dont la pochette est intégralement écrite en cyrillique, l’alphabet traditionnel des serbes et de l’orthodoxie…ce qui fera dire au Lexikon Yu Mitologije (« Lexique de la mythologie yougoslave », un remarquable abécédaire de la pop-culture yougo), qui relève avec malice ce détail, que c’est sans doute la seule tentative esthétique de rapprocher homosexualité et tradition orthodoxe…



L’impulsion décisive va venir avec Oliver Mandic. C’est un soir de janvier 1981 que ce chanteur pop encore inconnu débarque dans « Belgrade la Nuit », l’équivalent yougoslave des « Enfants du Rock », avec un look savamment étudié, jusqu’alors jamais vu dans les Balkans : minijupe, bas résilles, chaussures à talon, maquillage glamour…Quelques jours après, la télévision d’Etat reçoit des milliers de courriers scandalisés. Néanmoins un abcès est crevé, et l’audace du plus grand média de masse de l’époque prouve, si besoin en était, que cette période savait bousculer les certitudes. L’émission « Belgrade la Nuit » obtient d’ailleurs la Rose d’Or de Montreux pour le design audacieux du clip de Mandic.

Le clip diffusé dans "Belgrade la Nuit", par lequel le scandale est arrivé.


En réalité hétéro, mais entretenant à l’époque le doute sur sa possible homosexualité, Oliver Mandic devient rapidement l’icône gay de la Yougoslavie, un Boy Georges mâtiné de Bowie, à la mode des Balkans. Ses chansons pop kitsch alliées à ce look post glam-rock, lui valent un succès commercial qui tient de phénomène de société. Et certaines compositions, comme « Bobane » abordent très clairement la question de l’homosexualité. Malgré ce background plutôt sympathique, l’artiste pourtant ne fera pas mystère, durant les sombres années 90, de son amitié avec le criminel de guerre mafieux Arkan, et enregistrera une chanson avec la veuve de celui-ci, l’horrible Ceca.


"Probaj me" = "essaye moi"

Paradoxe ? Schizophrénie ? Ou peut être simplement reflet de deux époques différentes, l’une libérale et ouverte, l’autre obscurantiste et fermée ?
En dépit de cette part d’ombre, aujourd’hui encore la blogosphère yougonostalgique s’extasie sur la modernité de ce personnage et sur la façon dont il a décoincé une société somme toute assez conservatrice.



A cette époque, les « spots » de rencontre homo existent à Belgrade, Zagreb, et dans plusieurs villes de province, souvent au vu et au su des citadins qui globalement n’y prêtent guère attention.
Ce sont souvent les cafés ou restaurants ouvrant jusque tard dans la nuit, qui permettent officieusement aux homos de se retrouver. Certains jardins publics sont aussi des lieux de rendez-vous ou de prostitution. Enfin, dans les beaux quartiers des villes, certaines villas de notables du parti ou de la bourgeoisie socialiste abritent des soirées chaudes et très roses.



Max & Intro - "Ostavi sve"
Hit electro-pop aux accents crypto-gay, 
qui fit les beaux jours du clubbing belgradois.

Vers la fin des années 80 se développe dans les grandes villes, et notamment à Belgrade, un clubbing gay. Les homos serbes aiment rappeler encore aujourd’hui que la capitale fut l’un des fiefs, avec Ljubljana, d’une culture gay à l’est, qui favorisa entre autres l’arrivée en terre yougo de la house et de la techno. Paradoxalement, alors que le pays se désagrégeait lentement mais sûrement, cette petite communauté vivait et festoyait dans l’indifférence générale. Il est vrai qu’à l’époque, le réarmement identitaire se situait encore sur le terrain des idées, et n’avait pas viré à l’hystérie sur le terrain tout court : il squattait les rubriques « débats » ou « courrier des lecteurs » des journaux, gagnait peu à peu les étalages des libraires, s’installait dans les studios de radio ou de TV. Les apôtres de cette reconquista idéologique étaient encore trop occupés à pondre leurs brûlots fascisants pour s’intéresser aux fêtards homos qui faisaient la noce au milieu d’eux. 

Le théâtre Bosko Buha : 
derrière cette banale façade de bâtiment communiste, 
le temple du clubbing gay de la fin des 80's !

L'arrière salle du « Bosko Buha », théâtre pour enfant ( doux Jésus !) en plein centre de Belgrade, était cet Eden où les gays et leurs amis hétéros s’éclataient dans l’insouciance la plus totale et avec leur sens de l’hédonisme légendaire, sur fond de disco, de « pop homo » (Marc Almond, Bronski Beat), et de techno-acid house séminale…

L’arrivée en tête des nationalistes, lors des premières élections multipartites de 90, dans les différentes républiques yougoslaves a sifflé la fin de la « party ». La branche de la « scène » qui a compris que la situation allait mal tourner a profité des derniers mois sans visas ni embargos pour filer, qui à Londres, qui à New York, qui à Amsterdam…en tout cas loin de l’ambiance virile et kaki qui était en train de s’installer, et des bruits de bottes qui commençaient à défiler, dans des parades de la fierté pas franchement gay. 

Ogi B, figure de la scène gay de Belgrade chantait encore début 91 
"We live our life with no sense of shame" 
("nous vivons notre vie sans ressentir de honte")...avant de s'envoler pour Londres. 
La mélancolie sous jacente de la chanson annonce clairement la fin d'une époque.


Même de son exil londonien, Ogi B reste fidèle à sa ville natale...

C’est le cas notamment du producteur Ogi B (Ognjen Bogdanovic), l’une des figures du « Bosko Buha », et dont la house a influencé une bonne partie de la scène électronique de Belgrade. Il officie désormais depuis la capitale britannique. Les autres qui, par manque de moyens, par naïveté, ou par fatalisme, sont restés, s’ils ne sont pas morts au front ou devenus fous, serrent salement les fesses et les dents encore aujourd’hui.
Les principaux leaders de la communauté homo yougo étant partis, le réseau gay a été de fait décapité. On notera que beaucoup étaient actifs dans les arts, la mode, le design ou la vie nocturne. C’est donc aussi une partie du milieu « créatif » yougoslave qui a disparu.
Ce n’est que depuis les années 2000 que les réseaux LGTBI tentent de se reconstituer et de militer pour leurs droits et pour un changement des mentalités (on y reviendra sous peu)…


Punk, homo, interné, drogué, sado-maso :
Satan Panonski,  Jean Genet meets GG Allin !

A côté de Oliver Mandic et de ce courant hédoniste et insouciant, la culture gay Yougo s’est exprimée aussi dans un underground radical, peut être en réponse au conservatisme rampant, qui allait se muer en nationalisme violent quelques années plus tard. Le Croate Ivica Culjak alias Satan Panonski en est la branche écorchée et déjantée. Evoquant un mélange de Jean Genet, Pasolini et GG Allin, « Satan le Pannonien » est surtout connu pour son destin tragique et ses performances ultraviolentes. Adolescent modèle issu de la bourgeoisie, il découvre le punk lors d’un séjour chez un cousin en Allemagne. Une révélation.
De retour en Croatie, il fonde le groupe Pogreb X. C’est à l’occasion d’un concert de celui-ci que son destin bascule à jamais. Agressé par un mafieux local, qui n’apprécie pas la musique, il le tue, sans parvenir à prouver la légitime défense. Condamné à 10 ans de prison, il obtient d’être transféré en asile psychiatrique, grâce aux relations de son père psychiatre. C’est là qu’il commence à écrire de nombreux poèmes et chansons, sous le pseudo de Satan Panonski. Il bénéficie de permissions pour donner des concerts. 



En contact avec d’autres allumés, il tourne dans le circuit punk de toute la Fédération, et devient l’un des fers de lance de l’underground yougoslave. Ses performances habitées, où Culjak recourt volontiers à l’automutilation, se brise des bouteilles sur la tête, se jette par terre ou se déshabille, font de Satan Panonski, encore aujourd’hui, l’un des projets musicaux les plus borderlines qu’ait enfanté le pays. 

 

Il meurt au front en pleine guerre serbo-croate dans des circonstances mystérieuses jamais élucidées : pour les uns, il se serait tué en glissant, déclenchant un coup de feu accidentel, pour d’autres il aurait été abattu par ses compagnons d’arme suite à un différent financier. 


Satan Panonski soldat, peu avant sa mort, en Slavonie Orientale.

Contrairement à ce qu’on peut lire ça et là sur le net, il n’a jamais embrassé la cause du nationalisme croate, et ne torturait pas les prisonniers serbes dans des orgies sado-maso.  Là encore, les explications divergent : il serait allé volontairement défendre son village natal de Slavonie Orientale. Pour d’autres, il aurait été envoyé en première ligne par le régime de Tudjman en raison de sa toxicomanie et de son comportement marginal… 


"Lepi Mario"

 Cette vidéo de (très) mauvaise qualité est intéressante en tant que document. 
Nous sommes début 91, le croate Satan Panonski se produit au club Akademija de Belgrade. Quelques mois plus tard, le pays s'embrase, Satan Panonski finit au front, où il aura peut être combattu des gamins qui étaient là, dans le public !

Bien que n’étant pas « gay » dans un sens militant et engagé, Satan Le Pannonien n’a jamais caché son homosexualité, qu’il exprime dans un look androgyne, mi bonne sœur/mi paramilitaire, et certaines chansons et poèmes comme « Lepi Mario » (« le beau Mario ») ou « Sexualni Distonalitet » (« Détonalité sexuelle »), à écouter ici (attention images parfois dures, âmes sensibles s’abstenir). Ses textes chantent une homosexualité déjantée, violente, volontiers sado-masochiste. Elle fait partie du théâtre morbide et provoquant que développe l’artiste. Cependant, la passion, la complicité, le plaisir n’en sont pas absents.


"Comment un punk a défendu la Croatie" : 
dernier album de Satan Panonski, publié à titre posthume par son label.
Les brutes qui terrorisent les homos lors des gay prides de Split ou de Zagreb seraient bien inspirées de se souvenir du sacrifice d'un "pédé" qui n'avait rien demandé et n'aura que ce disque comme monument au mort.

Mais sans doute la peinture de cette homosexualité déviante et dure fait que Satan Panonski ne figure que rarement au panthéon homo yougoslave. Probablement trop dérangeant, et confirmant donc la vision stéréotypée de la société, où l’homo est forcément vu comme un pervers aliéné. Mais on a déjà vu avec Laibach, Rasa Todosijevic ou même certains rappers serbes (dont je parlais ici) que la contestation en ex-Yougoslavie consiste parfois à tendre un miroir grossissant à l’adversaire et à surjouer les fantasmes qu’il projette.


On ne peut pas non plus séparer l’œuvre de Satan Panonski de son destin tragique : l’homme avait vécu dans sa chair la violence et l’injustice du monde, et son art n’était que le reflet brutal de ses blessures profondes et d’un fatalisme dépourvu d’espoir, qui forcément n’allait pas engendrer une version locale d’Elton John ou Army Of Lovers




Borghesia

Plus accessibles, mais tout aussi impliqués, les rockers electro-indus slovènes de Borghesia sont sans doute l’un des visages les plus connus de l’underground gay yougo à l’étranger. Fondé au début des années 80 à Ljubljana, le groupe n’a jamais fait mystère de ses orientations sexuelles, de surcroît complétées là aussi d’un tropisme sado-masochiste ouvertement affiché dans ses clips. Borghesia fusionne certains codes de la musique industrielle électronique (manipulation/démanipulation, sampling, images choc) et un engagement citoyen fort. 



Une démarche qui résume bien certaines tendances de la Yougoslavie de l’après-Tito, où les contre-pouvoirs qui se développent à la marge, qu’ils soient culturels, politiques ou sociaux, interagissent dans une dynamique globale qui n’exclue pas les vases communicantes. Etre musicien underground, gay et SM n’empêche pas d’être un militant pour des élections libres, au contraire. Et Ljubljana, capitale de la République la plus occidentalisée de la Fédération, donc plus perméable aux nouveaux courants, est à la pointe de ce bouillonnement. 



Au milieu des 80’s, la ville possède déjà un festival de cinéma gay et lesbien, « Magnus », et une revue gay, « Revolver », y est éditée : elle circule – souvent en toute discrétion – dans les autres républiques. Borghesia est donc le parfait produit de cette dynamique fédérant les militants gays, l’underground artistique, les anars, la presse d’opposition, les squatters et les démocrates qui tentent d’avancer leur pion à Ljubljana, alors que le pays se cherche de plus en plus (On connaît la suite…). 

"Brak - Obitelj - Domovina" = "Mariage - Famille - Patrie"
Borghesia : remise en question homo du dogme yougo-hétéro.

Pour revenir à l’imagerie du groupe, il est intéressant de s’interroger si Borghesia n’affichait pas cette identité SM en guise de métaphore des fascismes qui se dévoilaient lentement dans l’espace yougoslave, tel un écho à Laibach. Peut être le groupe voulait il aussi exprimer de façon symbolique les souffrances, la violence, morale ou physique, que subissaient les gays, et qu’ils allaient subir de façon beaucoup plus dure, dans les société post-yougoslaves, livrées aux beaufs et aux petites frappes d’extrême-droite. Comme chez Laibach, l’aspect visionnaire, même si pas prouvé, reste troublant. Le clip de « young prisoners » est en tout cas un bon résumé de l’engagement de Borghesia, face à la dérive nationaliste et homophobe : aux mantras totalitaires tel « le Parti vous parle ! » ou « La nation vous parle ! » ils opposent un jouissif et triomphal « We are fucking !», et font la nique aux skinheads. 


"We are fucking !"

Hélas, les choses se sont beaucoup moins bien passées en réalité...

Cet aperçu de la scène homo yougo ne serait pas complet sans évoquer Merlinka (en allusion à Marylin Monroe), ce prostitué transsexuel (de son vrai nom Vjeran Miladinovic) qui tapinait sur le pavé de Belgrade au début des années 90 et durant les sombres « années de plomb » du règne de Milosevic et des guerres en Croatie et en Bosnie. 

 
Merlinka (à gauche) dans "Marble Ass"

Témoin direct de la déliquescence morale et humaine de la société serbe, Merlinka a accueilli dans ses bras les nombreux désaxés de ce pays implosé, ainsi que nombreux notables et élus politiques en mal de sensations homos et SM. Cette époque n’était elle pas, comme avec les SA sous le nazisme, « diablement » homo-érotique ?


Le doux visage d'une Sainte ...dans un monde de brutes !

Merlinka est ainsi devenu symboliquement une sorte de personnage christique, par ce sacrifice de sa chair afin de réconforter les hommes revenus du front traumatisés. Il en parlera dans une émission sur la Sept/Arte consacrée à la Serbie (celle-là même qui me fit découvrir Rasa Todosijevic), et le réalisateur serbe Zelimir Zilnik conte cette histoire, véridique, dans son film « Marble Ass » (Littéralement « Cul en marbre »), où Merlinka joue son propre rôle.

 
Extraits de "Marble Ass"
(Désolé pour la VO, pas de VOST disponible sur youtube)

Forgé dans cette époque violente et dure, le destin de Merlinka ne pouvait être que tragique comme le fut celui de Satan Panonski : il meurt sauvagement assassiné en 2003 dans l’indifférence générale. Le crime reste non élucidé, tant en raison de la lenteur des autorités que par manque de preuves…
C’est un paradoxe de plus de ce territoire, que l’un des symboles de cette époque délétère soit un transsexuel prostitué. L’acharnement actuel envers les homosexuels résonne comme un douloureux écho au rôle cathartique qu’a joué ce personnage.
Les mouvement LGTBI qui se développent aujourd’hui en Serbie n’ont eux pas oubliés Merlinka : le festival de cinéma gay et lesbien de Belgrade lui rend hommage en ayant repris son nom.


L'affiche du festival "Merlinka" 2011

(Suite dans quelques jours, avec un regard sur les mouvements et la culture LGTBI actuelle…)

1 commentaire:

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