Le nom officiel de cette cité de pierre, sera « Andricgrad ». Un prétexte surtout pour le néoconverti à la cause grand-serbe et à ses amis de la République Serbe de Bosnie, d'entériner cette cause via un pseudo positionnement culturel. Décryptage.
Ivo Andric (prononcer « Ann’dritch ») est le seul écrivain yougoslave a avoir obtenu le prix Nobel de littérature, avec un livre, « Le Pont sur la Drina ». Pour ceux qui ne l’auraient pas lu, le « personnage principal » du roman est un pont, construit sur la rivière Drina, par Mehmed Pasa Sokolovic, au XVIe siècle à Visegrad.
Le livre conte l’histoire de ce pont, de sa construction sous l’empire ottoman, jusqu’à la Première Guerre Mondiale, où il est partiellement endommagé. Derrière cette histoire, c’est en réalité l’Histoire de la Bosnie-Herzégovine qui est contée, avec force documentation et détails (Andric est le spécialiste des grandes descriptions). Le pont est l’espace où se croisent et se rencontrent les communautés de la ville : musulmans, chrétiens et juifs. C’est aussi un passage entre l’Orient et l’Occident.
C’est en tout cas là qu’Emir Kusturica projette d’adapter le roman au cinéma, et pour se faire a décidé de construire une ville, à proximité du fameux pont, ville qui servira de décor à l’intrigue.
« Andricgrad », un nom qui sonne bien pour le marketing, et apporte cette note indispensable de « cultural credibility » qui permettra d’appâter le touriste dans ce Disneyland à la gloire de l’écrivain. Disneyland ? Les vues en 3D de la future cité, qui ont fait le tour du net dans la Yougozone, et la profession de foi du grand timonier de Küstendorf, semblent indiquer qu’on se dirige plus vers un parc à thème en toc, que vers un écomusée historique de la Bosnie à travers les siècles.
L’idée est de mélanger les époques et les styles, pour mieux faire ressortir « la diversité du territoire » et « apporter la paix » dans la région…A priori, sur le papier, des intentions louables donc. Sauf que cette diversité est morte aujourd’hui, et que de toute façon, si vraiment on voulait la défendre, cette diversité, on ne ferait pas une Republika Srpska dont la serbissime raison d’être est d’empêcher la Bosnie-Herzégovine de devenir un Etat digne de ce nom, et un Etat « multiethnique ». Bref, à moins d’être naïf ou malhonnête, personne ne voit en Dodik et Kusturica les champions de la paix et du multiculturalisme.
Selon ses propres dires, le but ultime d’Emir le bâtisseur est de permettre à cette terre balkanique de vivre enfin la Renaissance. Il ne s’agit pas ici d’une quelconque renaissance qui devrait, un jour peut-être éventuellement, « renaître » dans ce pays meurtri, mais de « LA » Renaissance…la vraie ! Celle de Rome, de Florence, de Michelange, de la perspective et des idées nouvelles…
Il se trouve que, pendant que, dans la future Italie, on vivait un bouleversement intellectuel et esthétique fondamental, les Balkans, eux, se tapaient un bouleversement beaucoup moins exaltant avec l’arrivée des Ottomans qui allaient dominer la région pendant 5 siècles. Putain, 5 siècles !
C’est ce qui, pour faire (très) court, a conduit de nombreux habitants de la Bosnie à se convertir à l’Islam, et ce fut le cas des ancêtres d’Emir Kusturica.
Il serait faux et malhonnête de dire que tout, dans la conquête ottomane, a été mauvais: les conquérants ont laissé des traces dans l’architecture, la cuisine, les arts, la culture et la vie sociale, qui sont loin d’être à jeter. Le problème, c’est qu’ils ont agi la plupart du temps avec violence et brutalité, kidnappant des garçons pour en faire des janissaires (Mehmed Pacha Sokolovic fut l'un d'eux), violant à l’occasion, razziant si besoin, et empalant ou coupant la tête au moindre audacieux osant défier leur pouvoir. Ils ont laissé leurs sujets non-musulmans, qu’ils méprisaient en tant qu’infidèles, dans l’ignorance et un certain retard économique et intellectuel…Bon, c’était bien sûr l’époque qui voulait tout ça, mais pendant ce temps là, on s’éclatait quand même un peu plus chez les Austro-Hongrois, qui, dosant subtilement bâton et carotte, laissaient quelques libertés aux Slaves qu’ils avaient en tutelle, et modernisaient leurs régions.
C’est l’une des clés du malentendu et des complexes encore à l’œuvre en ex-Yougoslavie : pour les Croates et les Slovènes, ça reste toujours assez sexy de se réclamer de la Mitteleuropa et de son riche héritage littéraire, architectural, scientifique et culturel…Prague, Vienne, Budapest, Cracovie, autant de villes mythiques dont Ljubljana et Zagreb sont les cousines, pas moins séduisantes pour qui se donne la peine de les approcher.
De l’autre côté du Danube et de la Save, là où on serrait les dents sous le joug turc, en Serbie, Bosnie, ou au Kosovo, on a « la tour des crânes » (dont je parlais ici), les histoires de vampire, la mémoire des ancêtres morts dans d’atroces souffrances, les villes ravagées quinze fois, les régions paumées et sous-développées, et le sentiment victimisant qu’on a « été baisé » par l’Histoire…c’est pas vraiment le truc avec lequel on peut briller dans les pages « culture » du Nouvel Obs ou attirer les cadres sup’ en goguette. De fait, les habitants de ces régions développent volontiers un complexe et un processus d’identification négatif, mêlés à toutes sortes de refoulements : dans la satire, ce processus se traduit par un sens de l’autodérision et de la farce grinçante qui fait tout le sel de l’humour local, dans la vraie vie, ça peut virer à la recherche de certitudes dangereuses…
C’est bien dans cette recherche de certitudes que semble s’être engagé Kusturica, lorsque, découvrant que ses lointains ancêtres, avant de se convertir à l’Islam, étaient Serbes, il a choisi d’embrasser l’identité serbe dans ce qu’elle a de plus rétrograde : orthodoxie pratiquante, apologie de criminels de guerre, anti-intellectualisme, et, last but not least, déni de son propre héritage orientalo-musulman…
Comprenons nous bien, revenir à certaines racines, qu’elles soient serbes ou autres, n’est pas en soi négatif. C’est même un cheminement qui a du sens et une certaine noblesse, si tant est qu’il permet à celui qui le pratique de mieux se connaître et de mieux assumer son histoire personnelle. A condition de ne pas devenir « plus royaliste que le roi »…et justement, Kusturica me semble « plus serbe que les Serbes », avec cet intégrisme typique des néoconvertis…
Renouer avec ses racines, lorsque ce cheminement se fait avec intelligence, modération et acceptation de ses contradictions, entraîne à mon sens un sentiment complexe, et au final plutôt intime, fait de superpositions identitaires, d’agrégat de cultures…Un mélange de « ni/ni » (« je ne suis ni ceci, ni cela ») et de « et/ou » (« je suis ceci et/ou cela »). C’est le syndrome du « Zinneke », du nom de ces Bruxellois qui assument et revendiquent avec humour et modestie d’être des bâtards de Flamands et de Francophones.
Mais dans les Balkans, où le viol n’a pas attendu le récent conflit pour être une arme de guerre, et où les conversions (nationales ou religieuses) ont été plus ou moins choisies selon les lieux et les périodes, le « Zinneke » à la belge, le bâtard bien dans ses pompes, est l’homme à abattre, le cauchemar que vomissent les tenants des grande Serbie, grande Croatie, grande Albanie, etc… D’où le rejet, entre autres, de tout ce qui est « yougoslave », cette identité transnationale infâme qui étouffa les « vraies nations » en place dans la région.
Peu importe si cette renaissance intervient avec 500 ans de retard sur « La » Renaissance. L’idée est de prendre une revanche sur le destin, sur l’Histoire. On notera au passage le symbole fort que Monsieur Plâtre et Ciment fait passer, notamment aux populations non-serbes : la Renaissance est serbe ou ne sera pas, puisque les ancêtres de Kusturica étaient serbes, que, donc, lui même est serbe, et que re-donc, il va de soi que tout le monde était serbe avant la parenthèse turque ! CQFD.
Mais les choses ne sont pas aussi simples. Certes, dans la Bosnie médiévale, il y avait une bonne proportion de Serbes (orthodoxes), mais aussi des Croates (catholiques), et enfin des bêtes curieuses nommées les Bogomiles…Ces derniers pratiquaient une religion dissidente (à l’époque on disait « hérétique »). C’était une sorte de secte mêlant des relents de paganisme slave (culte du soleil et des éléments), un certain manichéisme et un mode de vie dépouillé et modeste. On les rapproche souvent des Cathares, avec qui ils partageaient en effet de nombreuses similitudes.
Toujours est il que, parmi ceux qui se convertirent à l’Islam, outre des Serbes et des Croates, on eut un bon paquet de Bogomiles, certains historiens arguant – de façon assez convaincante selon moi – que leur ancrage dans une religion déjà « alternative » aux autres ait pu précisément faciliter ce processus de transfert vers une religion alors « nouvelle », et visiblement amenée à durer. Par ailleurs, certaines pratiques bogomiles (pas de viande ni de vin) étaient proches de celles de l’Islam. Un mélange donc de pragmatisme (« adaptons nous à ses temps nouveaux ! ») et d’une tradition spirituelle dissidente.
Les Turcs, contrairement aux pouvoirs chrétiens, ne convertissaient pas de force et ne tuaient pas ceux qui décidaient de ne pas changer de foi : le deal était en gros « ou tu deviens musulman et tu possèdes tous les avantages, où tu restes chrétien ou juif, mais tu payes le tribut ». Dans l’inconscient collectif serbe et croate, le choix de devenir musulman est assimilé à une attitude de collabos. Sur cette accusation vient se greffer aussi une lecture sociale : dans les villes, beaucoup de musulmans Bosniaques sont devenus – de fait – la bourgeoisie, l’élite, alors que les autres communautés sont restés dans la misère paysanne, puis ouvrière. Ce cocktail « trahison + pouvoir politique et économique » a joué à fond dans l’explosion de la Bosnie-Herzégovine. Ceux qui se sont convertis à l’Islam étaient des traîtres et des privilégiés, et la meilleure façon de les punir était de les liquider ou de les « reserbiser ». Telle fut la rhétorique revancharde des Serbes et des Croates, alliés sur ce coup là…
On a pu apprécier durant les année 90 comment les descendants de ces convertis, qui de toute façon n’y étaient pour rien dans le choix de leurs ancêtres, ont payé cette « infidélité religieuse » Quand à l’accusation de trahison, il est bien facile, 500 ans après les faits, les fesses bien au chaud sur les bancs de l’Académie des Sciences et des Arts de Serbie, de juger le choix d’une partie de la population d’alors, confrontés à une invasion oppressante et prévue pour durer.
Malgré les graves tensions que subit la Bosnie-Herzégovine de l’après-Dayton, et les crispations intercommunautaires actuelles, il est cependant troublant de constater, que c’est encore là, aujourd’hui, que l’on trouve souvent le plus de gens attachés à la Yougoslavie…en tout cas de gens qui l’affichent ouvertement. Certes, cette tendance tend à disparaître.
Les habitants de la Bosnie-Herzégovine auraient-ils été les « Zinneke » de la Yougoslavie ? Dur de répondre avec certitudes…Mais il semblerait qu’ils aient su pratiquer une sorte de syncrétisme culturel, qui constitua une identité plurielle, caractéristique de cette partie de l’ex-Yougoslavie.
Le choix de Kusturica de célébrer Ivo Andric surfe en apparence sur ce qui précède. Le cinéaste ne nie pas la complexité et la diversité du territoire bosnien, mais pour lui, un leader, un chef, un « moteur » doit venir l’organiser. Ce leader se trouve bien sûr quelque part sur l’axe Banja Luka - Belgrade, et Andric va servir de « joker » : outre que 2011 marque le 50e anniversaire de la remise du Prix Nobel à l’écrivain, celui-ci a aussi une particularité : il est né à Travnik dans une famille croate, a beaucoup écrit sur la Bosnie ottomane, mais s’est déclaré finalement comme serbe. Du pain béni pour le néoconverti Kusturica qui possède là une caution intellectuelle et littéraire de ses propres choix identitaires : « si un grand écrivain comme Andric a choisi d’être serbe, pourquoi moi je ne pourrai pas l’être ? » semble-t-il se justifier.
Sauf qu’Ivo Andric a fait ce choix à une toute autre époque, où il était nettement moins connoté idéologiquement. L‘écrivain a passé une grande partie de sa vie à Belgrade et non en Bosnie. De surcroît, Andric a milité dans ses jeunes années, lorsqu’il vivait encore dans sa terre natale, dans des sociétés secrètes serbes, visant l’union des Slaves du Sud, qui allait donner la Yougoslavie. S’affirmer comme Serbe n’était pas un acte de rejet ou de domination des autres peuples yougoslaves, mais un moyen de conforter le sentiment national, en choisissant l’une des républiques qui se voulait le « moteur » de la Fédération et en abritait d’ailleurs la capitale, où Andric, donc, vivait.
Milosevic et les nationalistes instrumentaliseront très habilement cette confusion entre le sentiment yougoslave, légitime et sincère, de nombreux Serbes, et la propagande identitaire. Kusturica prétend lui-même avoir fait le choix de la Serbie, pour « sauver la Yougoslavie ».
Mais Andric, même dans son choix d’être serbe, est resté fidèle à la Bosnie. Son œuvre est une déclaration d’amour à cette terre, à sa complexité et à son histoire tortueuse.
Bref, en célébrant Ivo Andric via une cité à sa gloire en Republika Srpska, Kusturica et Dodik, d’une part, instrumentalisent à leur tour le choix de l’écrivain en confirmant son ancrage dans le camp serbe. D’autre part ils positionnent l’identité serbe sur le terrain culturel, comme le « moteur » d’une renaissance pour toute la région. Les autres cultures en place ont vaguement le droit d’exister, mais seulement dans la soumission et l’infériorité.
En réalité, ce « kulturkampf » dans lequel sont engagés Kusturica et plus globalement l’idéologie nationaliste serbe, dénote plutôt d’une profonde inculture. Ivo Andric avait parfaitement compris que la culture orientale, musulmane, était l’une des composantes de « sa » propre culture, à côté des influences judéo-chrétiennes et occidentales.
Le grand écrivain bosnien Predrag Matvejevic, rappelle dans la Postface de la réédition du « Pont sur la Drina » en Poche en 1994, que la « prose [d’Ivo Andric] a su s’approprier et, à sa façon, européaniser la narration orientale », à la manière « d’un conteur des Mille et Une Nuits ». Des spécialistes de l’œuvre d’Andric « ont souligné », rapporte Matvejevic, « le trait oriental de fantaisie exubérante et pourtant bien réglée ou les influences orientales de sources populaires ».
Et lorsque l’empire ottoman s’est écroulé, n’a-t-il pas écrit son fameux « Ostajte ovdje ! » (« Restez ici ! »), poème poignant invitant les musulmans à ne pas fuir pour aller en Turquie ? Aleksa Santic, poète serbe dont un village de Serbie (en Voïvodine) porte le nom, était donc attaché à la présence des musulmans, dont la culture le fascinait indéniablement.
Même dans la culture populaire contemporaine, l’attachement de certains Serbes de Bosnie aux influences orientales reste présent : le meilleur exemple reste Gino Yevdjevich, frontman de Kultur Shock, Serbe de Sarajevo, où il demeurera durant le siège, et dont de nombreuses chansons font référence à la culture ottomane.
Il ne faut surtout pas oublier ici, les nombreux serbes anonymes, qui durant la guerre en Bosnie, et au péril de leur vie, ont aidé, caché, sauvé, leurs « concitoyens » musulmans, ni éluder le faits que certains, comme Gino Yevdjevich, ont choisi de rester à Sarajevo durant le siège.
En Serbie même, la culture orientale des Ottomans a laissé des traces. De nombreux Serbes qui se rendent en vacances en Turquie (le pays leur a toujours été accessible, tant au niveau des visas que du pouvoir d’achat) sont frappés par les similitudes de comportements dans de nombreux domaines. On peut même penser que la place de la femme dans l’Islam traditionnel a très bien convenu à ces Slaves chrétiens, sachant que dans le monde slave traditionnel, la femme était beaucoup plus libre que chez d’autres peuples. Le machisme serbe a ainsi bien profité des traditions ottomanes. Plus sympathiques sont les traditions culinaires, où l’influence turque est indéniable, même si voisinant avec des éléments de cuisine d’Europe Centrale.
c'est à la musique ce que la malbouffe est à la gastronomie.
Bref, pour le côté pur slave orthodoxe que revendiquent les « vrais bons Serbes », il faudra repasser, d’autant que physiquement, c’est plutôt le type "brun/basané" qui domine, loin de « l’aryenne blondeur » des ancêtres proto-slaves venus des steppes marécageuses situées vers ce qui est aujourd’hui l’Ukraine !
Dans la Serbie actuelle, tout le monde heureusement ne refoule pas cette dimension orientale (il s’agit bien d’un refoulement, puisque cette dimension, est, on l’a vu, bien présente, mais pas assumée). Il existe à ce titre à Belgrade un ensemble musical très intéressant nommé « Beogradska Calgija » (Prononcer « Béogradska Tchalguiya »). Une Calgija était un orchestre, au début du XXe siècle, qui se produisait dans les tavernes et jouait des airs traditionnels.
Beogradska Calgija réhabilite la cold wave ottomane du début du XXe siècle
Un bien bel exemple de cette part d’Orient que les artistes, à l’image d’Ivo Andric et Aleksa Santic, ont su intégrer.
Le choix de Kusturica et Dodik de célébrer l’écrivain à travers leur cité en toc, relève donc plus de la « Guerre du Faux » que raillait Umberto Eco dans son ouvrage éponyme, que d’une vraie compréhension littéraire et historique de son œuvre.
Pour conclure ce long exposé, je laisserai le mot de la fin au cinéaste et journaliste bosnien Boro Kontic (Prononcer « Konn’titch »). Interrogé par le portail indépendant « Zurnal », alors qu’il vient de tourner un film sur Ivo Andric, Boro Kontic déclare : « Sans vouloir tomber dans les séances de spiritisme actuelles, du type « qu’aurait dit [Ivo Andric] s’il était vivant ? », je peux affirmer avec certitude, après tout ce que j’ai lu [de lui], qu’il aurait (…) été dégoûté par le kitsch qui s’étale en son nom ».
« Une église orthodoxe va être construite. [Mais Andricgrad] ne sera pas complet sans un cloître franciscain, sans la cour d’une mosquée, sans la présence des Sépharades et des Ashkénazes. Tout cela me rappelle les célèbres propos » du chef des forces serbes à Dubrovnik, répondant à ceux qui déploraient le bombardement de la célèbre cité : « Bah ! Nous reconstruirons un Dubrovnik encore plus ancien et plus beau ».
Et c’est, cruelle ironie du sort, exactement ce qu’a dit Kusturica lors de la conférence de presse inaugurant les travaux : « nous ferons un Visegrad encore plus ancien et plus beau ». Le champion de la renaissance (avec un petit « r » !) serbe connaît ses classiques.
Les écrits d’Ivo Andric sont disponibles en français…c’est un passionnant éclairage sur les Balkans, qui aide à en comprendre la complexité et l’Histoire.
Voici le commentaire, éclairant, publié sur Facebook d'une amie qui a vécu en BH. et en connait parfaitement l'histoire récente :
RépondreSupprimer"Je pense que ça vaudrait le coup de rappeler (dans un petit appendice ?) ce qui s'est passé sur ce pont lors de la dernière guerre, que Visegrad était l'épicentre des milices serbes, Arkan avait son siège à l'hotel Visegrad, des centaines et des centaines de citoyens de Visegrad ont été exécutés sur ce pont et balancés dans la Drina. Les commémorations restent extrêmement tendues là bas, les exhumations ne sont pas finies et se font toujours avec la protection de la police. La construction de ce truc n'est qu'un coup de gomme sur le passé récent de la ville et ce qui me fait largement autant vomir que Kusturica c'est l'hypocrisie de Sarajevo qui se tait. Que font les institutions communes ? que fait le parlement ? où sont les soit disant intellectuels sarajéviens pourfendeurs du nationalisme quand ça concerne leur ville mais terriblement muet quand il s'agit de la "province"? ou est la commission pour les monuments nationaux qui nous a tellement cassé les oreilles avec l'UNESCO pendant des années ? Cette commission devrait savoir que la construction de ce truc dénaturera à jamais le pont, mais là, y a personne pour l'ouvrir. J'aurais jamais du lire cet article si tôt dans la journée..."