On commémorait ces derniers jours les 52 ans de l'entrée, dans la nuit du 20 au 21 août 1968, des troupes du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie. L'intervention armée mit fin au "Printemps de Prague", et à la perspective qu'il esquissait d'un "socialisme à visage humain".
Avec ce qui se passe actuellement en Belarus, ces commémorations ont, cette année, un goût particulier, puisque le risque d'une intervention militaire russe flotte dans l'atmosphère, de Brest à Mahiliow/Mogilev, en passant par Minsk/Mensk (pour des explications sur ces doublons nominaux, lire ici). Contrairement à ce qu'affirment tant une certaine gauche campiste ou rouge-brune, que les néolibéraux, la Belarus n'est pas un des derniers régimes communistes et anti-impérialistes, à protéger vigoureusement pour les premiers, et à faire tomber pour installer le capitalisme, selon les seconds. Si le régime a conservé des ingrédients de socialisme, il est parfaitement au fait des subtilités les plus profondes du libéralisme globalisé, de l'usage des paradis fiscaux, pour enrichir le clan au pouvoir, aux achats d'armes. Il est aussi un satellite complaisant de l'impérialisme - économique et politique - russe, lequel considère l'ancienne URSS comme sa chasse gardée. Ce qui se joue aujourd'hui en Belarus n'est donc pas un ectoplasme bolchévique sorti des placards rouillés de la Guerre Froide, comme l'affirment les néo-libéraux, mais simplement le désir d'émancipation d'une population, fatiguée de souffrir à la fois d'un régime dictatorial et des calculs cyniques de Moscou, ainsi que parfois de ceux de l'Occident, qui parvient à faire ses "affaires", malgré les sanctions et les embargos occasionnels.
La menace d'une intervention militaire russe, si elle reste à ce jour hypothétique, rappelle bien, elle, en revanche, les procédés de l'époque soviétique. Et pour cause.
Le bloc soviétique n'était qu'un apanage, habilement recyclé, de l'impérialisme russe, qui, de surcroît, jouait la carte du panslavisme et du messianisme à l'égard des peuples slaves du bloc. La répression du Printemps de Prague était un sec et strict rappel que toute velléité d'émancipation de la sphère d'influence russo-soviétique, était, de la part des Tchèques et des Slovaques, une impardonnable trahison de la "fraternité slave" et du rôle de guide, quasi messianique, que la Russie devait y jouer.
Dans son édition du 22 août 1968, le quotidien "Oslobođenje" ("Libération") de Sarajevo, journal de référence dans toute la Yougoslavie à cette époque, consacrait l'intégralité de sa une à l'invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie (Photo ci-dessus):
- En haut: "Troubles graves en Tchécoslovaquie (pages 2,3, 4 et 12)"
- A gauche: "Les troupes du Pacte de Varsovie ont occupé la Tchécoslovaquie. Avant-hier soir, entre 22h et 4h15, les forces soviétiques, polonaises, hongroises, est-allemandes et bulgares ont pris possession de l'intégralité du territoire du pays // La Présidence du Parlement de la République Socialiste Tchécoslovaque demande le retrait des troupes étrangères // Réactions consternées dans le monde // Les Tchèques et les Slovaques soutiennent Dubcek"
- A droite "Déclaration du Président Tito: nous sommes profondément préoccupés par l'entrée de troupes étrangères en Tchécoslovaquie. Il faut conserver la paix et le sang-froid"
Le reste est difficile à déchiffrer mais Tito parle de non-respect de la souveraineté d'un pays socialiste, et de la nécessité de répondre aux menaces contre-révolutionnaire de façon démocratique. Une session extraordinaire du comité central de l'Union des communistes yougoslaves est également annoncée.
Cette une du grand quotidien de Sarajevo rappelle la position à part de la Yougoslavie dans le "monde communiste", et notamment sa ligne indépendante face à Moscou. Le pays fut l'un de seuls Etats socialistes à condamner l'intervention.
Cette prise de position courageuse aura pourtant des conséquences sur le destin de la Yougoslavie. Suite à la condamnation de l'intervention par Tito, les relations entre Moscou et Belgrade, déjà mauvaises, deviendront exécrables. En 1971, une réunion Brejnev-Tito fait éclater les divergences au grand jour, malgré le communiqué officiel qui fait état de conclusions très positives. Tito craint une intervention militaire soviétique, sous prétexte de soutien à la Yougoslavie minée par l'agitation liée au "Printemps Croate". L'inquiétude des autorités yougoslaves est telle qu'elles vont aux Etats-Unis s'assurer que Richard Nixon continuera bien de soutenir la voie à part de la Yougoslavie, et s'opposera à une intervention militaire soviétique en Yougoslavie. Ce dernier se voudra rassurant, tout en demandant des preuves à Tito qu'il tient le pays bien en main (les Américains ont des doutes sur la stabilité du pays dès cette époque). Pour priver les soviétiques de leur "prétexte" d'intervention, comme pour rassurer Nixon quant à sa maîtrise des problématiques du pays, Tito achèvera à son retour, la répression du Printemps Croate, procédant à de nombreuses arrestations et purges. Tout cela aura des conséquences par la suite, notamment dans une certaine frustration croate qui se muera en radicalisation. Nous avions développé l'ensemble de ces faits dans ce post là, je vous invite à le relire si la question vous intéresse.
On le voit, "l'indépendance" de la Yougoslavie entre l'Est et l'Ouest était fragile, et le pays n'échappait pas aux soubresauts géopolitiques du continent européen, ni à la complexité des forces et influences, malgré ses tentatives d'y tracer sa propre voie.
Restent aujourd'hui le souvenir et les symboles, ainsi que la gratitude, intacte, de nombreux Tchèques et Slovaques, gratitude qui explique peut-être que dans la très capitaliste et libérale Tchéquie d'aujourd'hui, Prague possède encore une "rue des Partisans Yougoslaves".
Aujourd'hui, la Serbie, pays héritier de la Yougoslavie, fait des courbettes incessantes à Moscou, au nom d'une pseudo fraternité orthodoxe qui sert surtout les intérêts économiques et géopolitiques de Poutine, et ceux de la classe dirigeante serbe. C'est une trahison honteuse d'un héritage historique et politique de la Serbie, et un mensonge anthropologique, les peuples russes et serbes étant relativement différents, au delà de l'aspect religieux. La Serbie soutient aussi sans état d'âme la Belarus de Loukachenka/Loukachenko, comme elle soutient bon nombre de salopards de part le monde. La Russophilie poutiniste progresse aussi en Croatie, dans les nébuleuses complotistes et extrémistes. Quant à "Oslobođenje", outre que la qualité du titre a baissé, au dire de ses lecteurs, son ancien directeur, Zlatko Dizdarević, est devenu un soutien du régime sanguinaire de Bachar Al Assad (et de ses alliés, donc des Russes), au nom d'une vision du monde "campiste" détestable, surfant sur une haine viscérale de l'Occident et sur des vieux mythes yougoslaves périmés (le non-alignement, les relations de Tito avec le monde arabe, etc. ). Nous reviendrons sur cette dérive du journaliste, connu pour son courage durant le siège de Sarajevo, dans un prochain post (en cours d'écriture).
On me répondra sans doute que Tito aussi était autoritaire, et qu'il entretenait des bonnes relations avec de nombreux dictateurs de par le monde (dont Hafez Al Assad). Certes oui, et loin de moi de défendre Tito sur ce point. Cependant, on ne peut enlever à l'intéressé d'avoir eu, dès les débuts de la Guerre Froide, le flair et la clairvoyance de comprendre que Staline et l'URSS considéraient l'Est de l'Europe (et en particulier les pays slaves) comme leur chasse gardée, et qu'ils prendraient possession de la Yougoslavie si elle demeurait dans leur giron. Tito a donc rompu avec Staline en 1948, et il se tiendra à cette rupture, non sans difficultés ni compromis, mais il s'y tiendra. Il épargnera ainsi à son peuple de vivre sous un joug ultra-répressif, lui permettant de voyager et de vivre dans une "relative" liberté dans de nombreux domaines. On ne peut donc pas non plus enlever à Tito d'avoir été cohérent avec sa ligne, et d'avoir ainsi exprimé son opposition à l'intervention soviétique en Tchécoslovaquie, malgré les risques que cette prise de position lui faisait courir.
On est loin aujourd'hui de cette voix à part et de cette indignation courageuse. Le "nouvel ordre mondial" consiste finalement à louvoyer entre les différents champs de forces et sphères d'influence, à naviguer dans le vague et les approximations, sans avoir de ligne ou de volonté de tracer un chemin à part, sans vouloir épargner à son peuple des vassalités coupables dont il ne profite pas.
Je ne sais pas ce qui s'est cassé en route pour qu'on en soit là, et cette question demanderait sans doute un post à elle toute seule. Mais je constate, non sans amertume et pessimisme, que j'ai connu un temps où, face à un soulèvement populaire légitime dans un pays et face à la répression de ce mouvement, l'indignation était quasi unanime et le soutien relativement inconditionnel. Aujourd'hui, on regarde d'abord combien de fascistes et combien de néolibéraux, on cherche la main de l'Occident, de Bilderberg ou de George Soros, et on voit dans celles de pays comme la Russie ou la Chine, une résistance louable à l'impérialisme... Je ne dis pas que certaines précautions ne s'imposent pas face à certains mouvements, mais on est arrivé à un stade où, du "Printemps arabe" à l'été biélorusse, chaque désir d'émancipation est étouffé dans l'oeuf par un bruit virtuel qui finit toujours par profiter à l'oppresseur...
Qui êtes-vous, d'ailleurs, vous qui vous autorisez à juger les révolutions ou les insurrections à l'aune de vos grilles schématiques? Qui êtes-vous pour décider et juger à la place des premiers concernés, vous qui vous affirmez anti-impérialistes ?
N'en déplaise à un certain discours néolibéral qui s'est attribué la mémoire et l'héritage du Printemps de Prague, et n'en déplaise à ceux qui n'y virent qu'une contre-révolution bourgeoise, celui-ci fut aussi un vrai projet de démocratie socialiste, avec une mobilisation forte de la classe ouvrière, aux côtés des étudiants et des intellectuels (lire ici et là sur le sujet).
Je n'ose imaginer ce qui se dirait sur le Printemps de Prague si celui-ci avait lieu à notre époque présente...
Avec ce qui se passe actuellement en Belarus, ces commémorations ont, cette année, un goût particulier, puisque le risque d'une intervention militaire russe flotte dans l'atmosphère, de Brest à Mahiliow/Mogilev, en passant par Minsk/Mensk (pour des explications sur ces doublons nominaux, lire ici). Contrairement à ce qu'affirment tant une certaine gauche campiste ou rouge-brune, que les néolibéraux, la Belarus n'est pas un des derniers régimes communistes et anti-impérialistes, à protéger vigoureusement pour les premiers, et à faire tomber pour installer le capitalisme, selon les seconds. Si le régime a conservé des ingrédients de socialisme, il est parfaitement au fait des subtilités les plus profondes du libéralisme globalisé, de l'usage des paradis fiscaux, pour enrichir le clan au pouvoir, aux achats d'armes. Il est aussi un satellite complaisant de l'impérialisme - économique et politique - russe, lequel considère l'ancienne URSS comme sa chasse gardée. Ce qui se joue aujourd'hui en Belarus n'est donc pas un ectoplasme bolchévique sorti des placards rouillés de la Guerre Froide, comme l'affirment les néo-libéraux, mais simplement le désir d'émancipation d'une population, fatiguée de souffrir à la fois d'un régime dictatorial et des calculs cyniques de Moscou, ainsi que parfois de ceux de l'Occident, qui parvient à faire ses "affaires", malgré les sanctions et les embargos occasionnels.
La menace d'une intervention militaire russe, si elle reste à ce jour hypothétique, rappelle bien, elle, en revanche, les procédés de l'époque soviétique. Et pour cause.
Le bloc soviétique n'était qu'un apanage, habilement recyclé, de l'impérialisme russe, qui, de surcroît, jouait la carte du panslavisme et du messianisme à l'égard des peuples slaves du bloc. La répression du Printemps de Prague était un sec et strict rappel que toute velléité d'émancipation de la sphère d'influence russo-soviétique, était, de la part des Tchèques et des Slovaques, une impardonnable trahison de la "fraternité slave" et du rôle de guide, quasi messianique, que la Russie devait y jouer.
Dans son édition du 22 août 1968, le quotidien "Oslobođenje" ("Libération") de Sarajevo, journal de référence dans toute la Yougoslavie à cette époque, consacrait l'intégralité de sa une à l'invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie (Photo ci-dessus):
- En haut: "Troubles graves en Tchécoslovaquie (pages 2,3, 4 et 12)"
- A gauche: "Les troupes du Pacte de Varsovie ont occupé la Tchécoslovaquie. Avant-hier soir, entre 22h et 4h15, les forces soviétiques, polonaises, hongroises, est-allemandes et bulgares ont pris possession de l'intégralité du territoire du pays // La Présidence du Parlement de la République Socialiste Tchécoslovaque demande le retrait des troupes étrangères // Réactions consternées dans le monde // Les Tchèques et les Slovaques soutiennent Dubcek"
- A droite "Déclaration du Président Tito: nous sommes profondément préoccupés par l'entrée de troupes étrangères en Tchécoslovaquie. Il faut conserver la paix et le sang-froid"
Le reste est difficile à déchiffrer mais Tito parle de non-respect de la souveraineté d'un pays socialiste, et de la nécessité de répondre aux menaces contre-révolutionnaire de façon démocratique. Une session extraordinaire du comité central de l'Union des communistes yougoslaves est également annoncée.
Cette une du grand quotidien de Sarajevo rappelle la position à part de la Yougoslavie dans le "monde communiste", et notamment sa ligne indépendante face à Moscou. Le pays fut l'un de seuls Etats socialistes à condamner l'intervention.
Cette prise de position courageuse aura pourtant des conséquences sur le destin de la Yougoslavie. Suite à la condamnation de l'intervention par Tito, les relations entre Moscou et Belgrade, déjà mauvaises, deviendront exécrables. En 1971, une réunion Brejnev-Tito fait éclater les divergences au grand jour, malgré le communiqué officiel qui fait état de conclusions très positives. Tito craint une intervention militaire soviétique, sous prétexte de soutien à la Yougoslavie minée par l'agitation liée au "Printemps Croate". L'inquiétude des autorités yougoslaves est telle qu'elles vont aux Etats-Unis s'assurer que Richard Nixon continuera bien de soutenir la voie à part de la Yougoslavie, et s'opposera à une intervention militaire soviétique en Yougoslavie. Ce dernier se voudra rassurant, tout en demandant des preuves à Tito qu'il tient le pays bien en main (les Américains ont des doutes sur la stabilité du pays dès cette époque). Pour priver les soviétiques de leur "prétexte" d'intervention, comme pour rassurer Nixon quant à sa maîtrise des problématiques du pays, Tito achèvera à son retour, la répression du Printemps Croate, procédant à de nombreuses arrestations et purges. Tout cela aura des conséquences par la suite, notamment dans une certaine frustration croate qui se muera en radicalisation. Nous avions développé l'ensemble de ces faits dans ce post là, je vous invite à le relire si la question vous intéresse.
On le voit, "l'indépendance" de la Yougoslavie entre l'Est et l'Ouest était fragile, et le pays n'échappait pas aux soubresauts géopolitiques du continent européen, ni à la complexité des forces et influences, malgré ses tentatives d'y tracer sa propre voie.
Restent aujourd'hui le souvenir et les symboles, ainsi que la gratitude, intacte, de nombreux Tchèques et Slovaques, gratitude qui explique peut-être que dans la très capitaliste et libérale Tchéquie d'aujourd'hui, Prague possède encore une "rue des Partisans Yougoslaves".
Rue des Partisans Yougoslaves, dans l'arrondissement de Bubeneč à Prague.
Le texte qui accompagne est très clair sur le rôle de Tito et du Parti communiste Yougoslave dans la lutte contre le fascisme et l'écrasement de l'Allemagne nazie.
Le texte qui accompagne est très clair sur le rôle de Tito et du Parti communiste Yougoslave dans la lutte contre le fascisme et l'écrasement de l'Allemagne nazie.
Aujourd'hui, la Serbie, pays héritier de la Yougoslavie, fait des courbettes incessantes à Moscou, au nom d'une pseudo fraternité orthodoxe qui sert surtout les intérêts économiques et géopolitiques de Poutine, et ceux de la classe dirigeante serbe. C'est une trahison honteuse d'un héritage historique et politique de la Serbie, et un mensonge anthropologique, les peuples russes et serbes étant relativement différents, au delà de l'aspect religieux. La Serbie soutient aussi sans état d'âme la Belarus de Loukachenka/Loukachenko, comme elle soutient bon nombre de salopards de part le monde. La Russophilie poutiniste progresse aussi en Croatie, dans les nébuleuses complotistes et extrémistes. Quant à "Oslobođenje", outre que la qualité du titre a baissé, au dire de ses lecteurs, son ancien directeur, Zlatko Dizdarević, est devenu un soutien du régime sanguinaire de Bachar Al Assad (et de ses alliés, donc des Russes), au nom d'une vision du monde "campiste" détestable, surfant sur une haine viscérale de l'Occident et sur des vieux mythes yougoslaves périmés (le non-alignement, les relations de Tito avec le monde arabe, etc. ). Nous reviendrons sur cette dérive du journaliste, connu pour son courage durant le siège de Sarajevo, dans un prochain post (en cours d'écriture).
On me répondra sans doute que Tito aussi était autoritaire, et qu'il entretenait des bonnes relations avec de nombreux dictateurs de par le monde (dont Hafez Al Assad). Certes oui, et loin de moi de défendre Tito sur ce point. Cependant, on ne peut enlever à l'intéressé d'avoir eu, dès les débuts de la Guerre Froide, le flair et la clairvoyance de comprendre que Staline et l'URSS considéraient l'Est de l'Europe (et en particulier les pays slaves) comme leur chasse gardée, et qu'ils prendraient possession de la Yougoslavie si elle demeurait dans leur giron. Tito a donc rompu avec Staline en 1948, et il se tiendra à cette rupture, non sans difficultés ni compromis, mais il s'y tiendra. Il épargnera ainsi à son peuple de vivre sous un joug ultra-répressif, lui permettant de voyager et de vivre dans une "relative" liberté dans de nombreux domaines. On ne peut donc pas non plus enlever à Tito d'avoir été cohérent avec sa ligne, et d'avoir ainsi exprimé son opposition à l'intervention soviétique en Tchécoslovaquie, malgré les risques que cette prise de position lui faisait courir.
On est loin aujourd'hui de cette voix à part et de cette indignation courageuse. Le "nouvel ordre mondial" consiste finalement à louvoyer entre les différents champs de forces et sphères d'influence, à naviguer dans le vague et les approximations, sans avoir de ligne ou de volonté de tracer un chemin à part, sans vouloir épargner à son peuple des vassalités coupables dont il ne profite pas.
Je ne sais pas ce qui s'est cassé en route pour qu'on en soit là, et cette question demanderait sans doute un post à elle toute seule. Mais je constate, non sans amertume et pessimisme, que j'ai connu un temps où, face à un soulèvement populaire légitime dans un pays et face à la répression de ce mouvement, l'indignation était quasi unanime et le soutien relativement inconditionnel. Aujourd'hui, on regarde d'abord combien de fascistes et combien de néolibéraux, on cherche la main de l'Occident, de Bilderberg ou de George Soros, et on voit dans celles de pays comme la Russie ou la Chine, une résistance louable à l'impérialisme... Je ne dis pas que certaines précautions ne s'imposent pas face à certains mouvements, mais on est arrivé à un stade où, du "Printemps arabe" à l'été biélorusse, chaque désir d'émancipation est étouffé dans l'oeuf par un bruit virtuel qui finit toujours par profiter à l'oppresseur...
Qui êtes-vous, d'ailleurs, vous qui vous autorisez à juger les révolutions ou les insurrections à l'aune de vos grilles schématiques? Qui êtes-vous pour décider et juger à la place des premiers concernés, vous qui vous affirmez anti-impérialistes ?
N'en déplaise à un certain discours néolibéral qui s'est attribué la mémoire et l'héritage du Printemps de Prague, et n'en déplaise à ceux qui n'y virent qu'une contre-révolution bourgeoise, celui-ci fut aussi un vrai projet de démocratie socialiste, avec une mobilisation forte de la classe ouvrière, aux côtés des étudiants et des intellectuels (lire ici et là sur le sujet).
Je n'ose imaginer ce qui se dirait sur le Printemps de Prague si celui-ci avait lieu à notre époque présente...
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