mardi 9 octobre 2018

COPINAGE: GRENOBLE CAPITALE DU NSK


Dans les très prochains jours, à savoir du 11 au 14 octobre 2018, la capitale du Dauphiné sera, pour la deuxième année consécutive, l'épicentre du NSK en France. 

Le NSK, alias "Neue Slowenische Kunst" ("Nouvel Art Slovène", en allemand dans le texte), c'est ce mouvement artistique né au tout début des années 80 en Slovénie, autour du célèbre groupe Laibach, volontiers évoqué dans ce blog ou sur son pendant facebookien. Le NSK s'est posé au départ en miroir des tensions et contradictions de la Yougoslavie post-Tito, ainsi que de la société slovène d'alors, dévoilant les ambiguïtés et fractures d'un régime finissant, dont certains des acteurs allaient troquer le "socialisme antifasciste" pour le "nationalisme autoritaire" afin de se maintenir au pouvoir. Le tout sur fond de "détachement cynique" d'une population qui, majoritairement, ne croyait plus à l'idéologie (si tant est qu'elle y ait cru un jour), mais "faisait semblant", avant de se laisser tenter à son tour par la promesse de réalisation du grand rêve national, sensé remplacer la ringarde "fraternité et unité".

Le "NSK Rendez-vous" de Grenoble entend éclairer les différentes facettes de ce mouvement artistique, encore mal connu et parfois mal compris en France ...à la différence des pays germaniques, anglophones et slaves, où il fait l'objet de travaux universitaires, d'ouvrages, de conférences et d'expositions dans les musées d'art contemporains. Cette deuxième édition du "NSK Rendez-vous", dont vous découvrirez les détails de la prog sur le site dédié, revient entre autres sur le travail du collectif artistique slovène Irwin, ainsi que sur le récent concert de Laibach en Corée du Nord, un défi interculturel et géopolitique, autant qu'une aventure rocambolesque. On y abordera également un autre défi plus ancien que le groupe s'était lancé, à savoir son concert à Sarajevo, à la veille des accords de Dayton (on en avait parlé ici). Un événement considéré encore aujourd'hui comme l'un des plus importants de la vie culturelle durant le siège. C'est à Sarajevo qu'on été posées les bases de "l'Etat NSK", un Etat sans territoire, transcendant les cultures et fédérant une communauté d'individus libres-penseurs (pour faire très court), concrétisation des réflexions de Laibach sur la notion d'Etat, et possible pied-de-nez aux nouveaux Etats nés de la dislocation yougoslave. 


Si en apparence, le travail du NSK, mouvement né en Yougoslavie au début des années 80, peut sembler daté, il est en réalité, pour paraphraser une expression éculée, "d'une grande actualité". Tout en gardant son langage propre et son identité, les artistes du mouvement ont su évoluer au fil du temps. Au delà du contexte yougoslave et post-yougoslave, le NSK interroge aussi les ambiguïtés et contradictions de l'Occident démocratique et libéral, engoncé dans le confort bourgeois de ses certitudes, celles d'être "du bon côté" de l'histoire, de l'économie et de la politique, et ne devant à ce titre souffrir aucune critique ni questionnement. 
Par des détournements sulfureux d'affiches ou de symboles souvent totalitaires, le NSK éclaire les non-dits et mensonges cachés du pouvoir, qu'il soit de "là-bas" ou d'ici, qu'il s'agisse de politique ou de culture de masse. Il en révèle au final la part de farce et de grotesque.
C'est donc un processus émancipateur qui est à l'oeuvre, mais où, comme chez le psy, c'est le NSK qui pose les questions, alors que c'est à nous de trouver les réponses. 

En ces temps où politique et communication sont plus que jamais étroitement mêlés, en ces temps d'affrontements entre ce qui serait le "vieux monde" et ce qui serait le "monde nouveau", en ces temps où les uns réclament "moins d'Etat" et d'autres réclament "leur" Etat, en ces temps qui ont vu naître la bulle Macron et la baudruche Trump, etc ...le travail du NSK s'avère toujours utile et pertinent pour nous garder en alerte et nous inviter à penser par nous-même.

Le rendez-vous de Grenoble est une occasion rare de découvrir ce mouvement majeur de l'histoire de l'art yougoslave, et de l"histoire tout court, qui passionne aussi ceux qui s'intéressent à la philosophie et aux sciences politiques. Les organisateurs promettent une atmosphère conviviale, favorisant la rencontre et la découverte (un brunch avec les artistes est prévu le 14.10)

Chez Yougosonic, on soutient l'événement avec d'autant plus d'enthousiasme, que celui-ci,  en accueillant des expressions contemporaines originales et incisives, se bat pour "donner une autre image de la région via son histoire, ses artistes et ses problématiques - qui sont celles de toute l'Europe aussi, même si certains ont tendance à l'oublier", comme me l'écrivait il y a quelque jours l'infatigable Aurélie Dos Santos Duchesne, l'une des chevilles ouvrières du festival. J'applaudis des deux mains. Voilà qui va nous changer de Kusturica et de ses fanfaronnades! Autre aspect prometteur à plus long terme, le "NSK Rendez-vous" pourrait s'ouvrir à d'autres artistes d'ex-Yougoslavie et des Balkans...A suivre !


On invite donc notre estimé lectorat de Grenoble, de Lyon et pourquoi pas de plus loin encore, à répondre présent à ce rendez-vous auquel on souhaite un plein succès et une longue vie. 
Après le Dauphiné Libéré, il est temps d'essayer le Dauphiné Laibachisé !

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