samedi 28 mars 2020

LA DISCO EST ELLE SOCIALISTE ?

"Socialistički disko, Ples iza jugoslavenske baršunaste zavjese", en français "disco socialiste, la danse derrière le rideau de velours yougoslave", est le nom d'une compilation sortie en 2018 sur le label indépendant croate Fox & his Friends. Disco socialiste ? Accoler ces deux mots relève presque de l'oxymore, tant le pouvoir d'évocation de chacun semble renvoyer à des univers opposés. Ce binôme sémantique a probablement et avant tout une vocation marketing, celle de surprendre, de dérouter, voire de provoquer, et partant, de susciter l'attention et la curiosité. Mais le titre de cette compilation dépasse peut-être cet aspect purement marketing, pour faire véritablement sens, on le verra.



"Socialistički disko (...)", on l'aura deviné, explore la vague disco à la mode yougoslave. Derrière ce travail d'inventaire se cachent deux infatigables passionnés de la mémoire pop-culturelle de l'ancien pays: Leri Ahel et Željko Luketić. Le premier est un DJ de Rijeka, connu pour son excellent Mutant Disco Radio Show, un set hebdomadaire, diffusé sur soundcloud et de nombreuses radios dans le monde, où la musique électronique d'hier et d'aujourd'hui s'y affiche dans une grande diversité d'univers. Le second est plus connu des lecteurs de Yougosonic, car le blog a déjà rendu compte de son travail (ici et ): critique de cinéma, journaliste musical, programmateur d'événements, DJ, vidéaste, complice de nombreux projets undergrounds à Zagreb (où il vit), Luketić, également connu sous le pseudo de Konrad Medvedov, a déjà été le "curateur" et l'inspirateur de plusieurs compilations consacrées à la culture musicale yougoslave. On lui doit notamment la série des "Ex-YU Elektronika", autour de l'underground électronique, où la Yougoslavie, rappelons le, n'a pas démérité, ainsi que le fameux "Electronic Jugoton", dédié à la place de l'électronique dans la musique populaire yougoslave.

Ces différents projets discographiques ont rencontré un succès certain, y compris hors des frontières de l'ancien Etat: des collectionneurs américains, en particulier, se sont entichés de ces compiles dévoilant un "son yougo", à la fois familier, car dans l'ère du temps de ce qui se faisait en Occident à la même époque, mais en même temps différent, "exotique", par la langue ou par une façon particulière de s'approprier ces musiques.

C'est ce regain d'intérêt, en ex-Yougoslavie comme à l'étranger, qui a poussé Ahel et Luketić, complices de longue date, à passer à la vitesse supérieure et à lancer leur propre label, "Fox & his Friends" (F&HF), avec trois principes simples:
1) dénicher l'oiseau rare (morceaux oubliés, enregistrements inédits, faces B, bande-son d'une époque...)
2) pressage en éditions limitées
3) vinyl only!
Le concept cible très directement la niche des chineurs de vinyl, inlassablement curieux, et toujours prêts à musicalement se laisser surprendre. Une niche que connaît bien le duo, puisque, eux-mêmes collectionneurs affirmant posséder plus de 5000 disques, ils en font partie.
Leri Ahel (à gauche) et Željko Luketić (à droite),
le duo qui se cache derrière Fox and his Friends
Photo (c) Novosti

Le label n'en est pas à son premier essai avec "Socialistički Disko": F&HF a démarré très fort en 2017, en rééditant la BO du film "Les Visiteurs de la Galaxie" (1981), à priori unique film de science-fiction yougoslave, coproduit avec la Tchécoslovaquie, où des extra-terrestres venus de la planète "Arkan" débarquent sur terre. La BO, signée Tomislav Simovic, compositeur également des bandes sons du fameux dessin animé "Professeur Balthasar", était considérée comme perdue, avant que les enregistrements ne soient retrouvés et restaurés. C'est une perle musicale, oscillant entre Tangerine Dream, la musique électroacoustique et ce qu'on appelle aujourd'hui l'electronica.


Le label enchaîne ensuite, toujours en 2017, avec une réédition et un remix actuel de "Decadance" un morceau de 1989 de NEP alias Nova Evropa ("Nouvelle Europe"), un collectif d'artistes de Zagreb proche de la scène industrielle locale. Si à mon humble goût, la version originale a un peu vieilli et me semble relativement anecdotique par rapport aux travaux d'autres artistes yougoslaves de la même époque et dans le même genre, cela reste une curiosité écoutable. En revanche, la réadaptation qu'en fait DJ Snuffo envoie, elle, davantage le bois, et constitue un indéniable hit pour les dancefloors undergrounds.



Enfin, très récemment (décembre 2019), F&HF a sorti "Sex, Crime & Politics", une anthologie de quelques unes des musiques de films des années 70-80, écrites par Alfi Kabiljo, compositeur croate toujours en activité, qui fut l'un des premiers en Yougoslavie à introduire des synthétiseurs dans le jazz, la disco, l'easy-listening, la variété, etc., en les utilisant souvent de façon inattendue. Une approche qui donne une couleur spécifique à ces oeuvres, ressorties des tiroirs de l'oubli par Ahel et Luketić. Des oeuvres sur lesquelles flottent ce parfum gentiment canaille, mais sexy, des nuits secrètes, mais interlopes, du Zagreb des années 70-80, avec ses tripots, ses boîtes et ses clubs privés, où se côtoyaient cadres du parti en goguette, businessmen, mafieux, prostituées, noceurs, homos, mythomanes, aventuriers et aventurières... Tantôt langoureuses, tantôt dansantes, ces pièces cinématiques sont délicieusement nostalgiques, et même parfois un rien mélancoliques, derrière les accents kitsch et le groove dopé aux gros synthés qui tâchent. Un beau voyage dans un espace-temps parallèle, qui illustre l'idée que la nuit est (ou était), pour ses oiseaux, l'une des dernières aventures du monde moderne.



Leri Ahel et Željko Luketić déploient leur travail sans parti-pris idéologique, ni même penchants yougonostalgiques péchant par idéalisation. Si les deux hommes éclairent indéniablement la richesse de la production musicale de l'ancien pays, ils sont aussi lucides quant au fait que bon nombre de ces expressions artistiques se sont souvent épanouies à la marge. Derrière le fait de déterrer des curiosités pour aficionados en mal de sensations musicales originales, le but de leur travail d'inventaire est aussi, en filigrane, de raconter une époque, d'esquisser les traits d'un pays et d'une société, avec leurs points de convergences et leurs contradictions. Une démarche qui nous habite aussi chez Yougosonic, ce qui explique que l'on suive les productions du duo avec autant d'intérêt que de bienveillance.

Et précisément, pour ce qui est de raconter une époque et d'esquisser les traits d'un pays, l'histoire de la disco en terres socialistes yougoslaves est particulièrement significative. Comme l'explique lui-même Luketić dans une passionnante interview au journal croate "Nacional" (à lire ici, si vous parlez la langue), la disco arrive avec un certain retard en Yougoslavie, dans la deuxième moitié des années 70, et s'y développe dans une période que Luketić situe entre 1977 et 1983. Aux Etats-Unis, le genre meure symboliquement en 1979, via la Disco Demolition Night, véritable autodafé du genre, même si celui-ci survit en mutant et en s'immisçant dans d'autres musiques, du hip-hop à la house, en passant par la Hi-NRG.

En Yougoslavie, la disco doit faire face à une double hostilité, relève Luketić: celle des autorités, qui voient d'un mauvais oeil l'hédonisme que revendique le genre, son strass et ses paillettes, dignes de la pire décadence bourgeoise, et celle de la presse musicale d'alors, où le background rock domine chez les journalistes. A cela, vient s'ajouter une troisième forme d'hostilité, plus subtile, non dite. En effet, comme l'explique encore Luketić, la disco véhicule une image de la femme et de la sexualité libres. "Dans la disco, c'est la femme qui choisit son partenaire, et non pas le contraire", poursuit le responsable de F&HF. De surcroît, l'homme "volontiers réduit à un objet sexuel" est choisi pour ce qu'on appelle familièrement aujourd'hui "un coup d'un soir", et non pour fonder une famille nombreuse.

Dans une société où, derrière le vernis égalitariste et moderne, le conservatisme, le machisme et le patriarcat demeurent forts, un tel message déplaît. Autre problème, des notions qui relèvent du tabou dans la société d'alors, comme l'homosexualité, le transvestisme, l'androgynie, sont mises en avant dans la disco. Le rock, lui, fusse-t-il indépendant et alternatif, demeure correctement "genré". Même si on voit apparaître des groupes féminins et que l'homosexualité est abordée par certaines formations, le rock reste globalement une affaire d'hommes et d'hétéros. Exception faite du sulfureux Satan Panonski, surnommé le "Jean Genet Yougoslave", et dont j'avais parlé dans un post sur l'homosexualité en Yougoslavie, les chansons sur celle-ci restent, comme on l'avait vu dans ce même post, le fait de groupes masculins et hétéros (Psihomodo Pop, VIS Idoli, Oliver Mandić...), se servant de cette thématique dans un but de provoc ou de questionnement de l'ère du temps. Même si certaines chansons partent d'une bonne intention, cherchant "sincèrement" à briser les tabous, l'homosexualité y apparaît globalement quand même comme un problème, et n'y véhicule rien d'épanoui ou de festif, contrairement à la disco.

Enfin, autre aspect sulfureux, la disco attire les jeunes des minorités les plus défavorisées et dévalorisées de Yougoslavie, à savoir les Rroms et les Albanais, qui excellent en particulier dans les concours de danse qui s'organisent un peu partout à l'époque. L'un d'eux Hamit Đogani, d'origine albanaise, sera même sélectionné dans une compétition internationale à Londres, avant de devenir une star de la "dance music" commerciale en Serbie. Là encore, ce qui déplaît, c'est ce mode d'affirmation de certaines minorités, dans un pays où officiellement, "on est tous frères", et il n'y a pas de "problème ethnique". Officieusement, c'est une autre histoire, où Rroms et Albanais ne sont tolérés que s'ils restent à la place qui est considérée comme la leur dans la société. Nul besoin de préciser où se trouve cette place.


Vidéo du fameux concours international de danse où apparaît Hamit Đogani 
(à 3'00 environ dans la vidéo), qui, effectivement, assure le show.

Bref, à la lumière de tout ce qui précède, les 45 tours de disco yougoslave se verront décerner la fameuse étiquette de "Šund", dont on avait expliqué le rôle ici, et dont je rappelle brièvement le principe: cette étiquette, de l'allemand "Schund" (=camelote, daube, produit bas de gamme), désignait une production de "mauvaise qualité artistique" et rendait le prix d'achat du disque concerné plus cher que celui d'un disque "culturellement correct". Une sorte de commission culturelle liée au pouvoir décidait de ce qui était "šund" et de ce qui ne l'était pas, opérant une forme de censure subtile ...mais inoffensive: de nombreux disques de punk ou de rock indépendant seront aussi affublés de l'étiquette, qui deviendra au final, pour le public alternatif, un label de qualité. Un groupe punk slovène prendra d'ailleurs le nom de "Komisija za šund" ("Commission du šund").
Cette communauté de destin d'un certain rock indépendant et de la disco, via le šund, ne rendra cependant pas l'un solidaire de l'autre. Et la presse musicale, sauf quelques exceptions, ne défendra pas la disco, ce qu'elle fera pourtant avec le rock.

Il ne faudrait évidemment pas conclure de ce qui précède que la disco en terre yougo a vécu dans la clandestinité, ni que ses adeptes ont subi de quelconques pressions. Rappelons que, dès les années 60, les autorités ont libéralisé la diffusion culturelle: les Yougoslaves ont eu accès à tous les courants de la pensée et de la littérature mondiales, et les pop-cultures, musicale et cinématographique, en particulier, ont été perçues comme un potentiel "ciment", capable de "fondre" à terme des populations d'histoires et de cultures différentes. Hors quelques rares exceptions, la censure s'exprimait via le šund, et parfois par des invitations à revoir une pochette ou des paroles, mais aucun artiste n'a goûté à la prison. Le prolongement du titre de la compilation, "la danse derrière le rideau
de velours", fait d'ailleurs clairement allusion à "l'exception yougoslave", Etat ni à l'Est ni à l'Ouest mais non-aligné. Elle se veut clairement un pied de nez à l'idée, toujours tenace en Occident, que le pays aurait fait partie du "Bloc Soviétique", et se serait donc trouvé derrière le fameux "Rideau de Fer".
Corrolaire de la vague disco, comme dans nos contrées, 
les Yougoslaves ont aussi connu la vague de l'aérobic.

La disco connaîtra le même engouement populaire qu'elle a connu ailleurs dans le monde, stimulant, toujours d'après Luketić, l'émergence des discothèques en Yougoslavie, favorisant la démocratisation et le rajeunissement de la vie nocturne. Les boîtes de nuit achètent alors les disques pour le compte de leurs DJ's, et ces derniers bénéficient d'un contrat de travail et d'un salaire, "contrairement à aujourd'hui", où règnent le black et la précarité, relève, non sans ironie, le boss de F&HF. Ce développement de ce qu'on n'appelle pas encore le "clubbing" s'accompagne aussi d'un changement sur les dancefloors, tel que déjà évoqué plus haut, avec l'arrivée des minorités, et un nouveau codex de la danse, où les femmes s'autonomisent et où l'individu s'affirme (les danses à deux, où l'homme mène la bal, s'effacent). Ca et là, et en toute discrétion, s'ébauchent des débuts de "clubbing gay".


Ticket d'entrée au "Sly", bar-discothèque de Subotica, actif dans les années 80.
A l'instar de nos Wizz, Fuse, Dream, Paradise, Palm Beach, Drop's, 

et autres Starflash Laser Light Action Club, l'anglais était là aussi chez les Yougos, 
pour assurer la "saturday night credibility".


Pour revenir à l'opposition entre disco et rock, on aura finalement en Yougoslavie deux communautés pop-culturelles distinctes qui cohabiteront sans se fréquenter, et parfois en se méprisant: la majorité vibrera au son de la disco, alors qu'une minorité se passionnera pour le punk, le rock indépendant et leurs dérivés. La situation n'était pas forcément différente en Occident, avec là aussi des niches subculturelles se développant dans le sillage du punk et de la new wave, et n'ayant que mépris pour la disco et ses mutants que sont l'Eurodance ou l'Italo-disco. La "réconciliation" se fera pendant un temps autour de la house et de la techno, avant que le mouvement ne soit récupéré par l'industrie musicale et ne perde sa dimension politique, utopique et libertaire, mais c'est une autre histoire...

L'équipe de F&HF propose elle aussi à sa manière une réconciliation. Si le duo a indéniablement forgé son oreille musicale du côté des musiques alternatives des années 80, en particulier dans leur versant électronique, ce background ne les a pas empêché de trouver de l'originalité et de ressentir le frisson de la subversion dans d'autres genres, fussent-ils jugés plus "commerciaux". Leur travail réhabilite indéniablement une musique qui, derrière la facilité, le kitsch et l'insouciance de façade, véhiculait un message émancipateur, féministe et favorable aux minorités. Des valeurs plutôt socialistes, non ? D'où l'idée que le titre de la compile fait finalement sens, au delà du marketing.

Coïncidence ou filiation? On observe depuis peu un discours similaire autour du turbofolk, musique encore plus honnie que ne l'était la disco, en raison de ses connivences politico-mafieuses, et de son épanouissement lors de l'écroulement de la Yougoslavie. D'après certaines analyses récentes, le turbofolk distillerait, sans en avoir l'air, des messages féministes et gay-friendly. La thèse peut désarçonner les plus farouches opposant(e)s à cette culture kitsch, vulgaire et tapageuse, mais elle ne manque pas de quelques arguments pertinents. A mon niveau, j'avais déjà observé que certaines stars du turbofolk, comme Jelena Karleuša, ont pris publiquement fait et cause pour les LGBTIQ, ainsi que pour une "Serbie normale et tolérante". Et depuis quelques années, l'underground serbe se réapproprie le genre dans des détournements et emprunts, qui se sont illustrés dans la compilation et le film Turbotronik. Je laisse cette vaste question, qui nécessiterait un post à elle toute seule, ouverte. Peut-être aurons-nous l'occasion de la creuser ultérieurement?

This is the new cool!


En revanche, le point de vue de Luketić sur une éventuelle filiation du turbofolk et de la disco me semble intéressant à partager: pour le patron de F&HF, le turbofolk s'est développé dans un contexte politique particulier, et a été, à sa manière, l'émanation d'une volonté politique, au contraire de la disco. Pour Luketić, c'est davantage un certain rock yougoslave qui a servi de base et d'influence pour le turbofolk, à savoir ce qu'on appelait le "pastirski rock", littéralement "le rock des bergers", incarné entre autres par Goran Bregović et Bijelo Dugme. Ce sont eux qui, les premiers, ont introduit des thèmes musicaux folk et et tout un imaginaire ploucoïde et vulgairement tapageur dans le rock. Combattant de longue date la Bregomania et le monopole qu'elle exerce sur la culture des Balkans, et en particulier sur l'export de celle-ci, je ne puis résister à partager avec enthousiasme ce point de vue avisé.

Terminons par quelques lignes sur cette compilation dont je partage ici des extraits disponibles sur youtube. Les aficionados du genre y trouveront leur compte. Tous les ingrédients sont là: les rythmiques "prêtes à danser", les mélodies faciles à mémoriser, les violons qui suintent, les lignes de synthé hypnotiques, et bien-sûr toute la grandiloquence et les envolées lyriques surjouées d'une musique dont on sous-estime parfois la dérision et l'ironie. Une grandiloquence qui se marie à merveille avec une certaine théâtralité dont les artistes de variété yougoslaves sont coutumiers. Car c'est aussi bien-sûr la touche "yougo", la couleur locale, qui donne à cette compile son parfum d'originalité, du moins pour nous, auditeurs occidentaux. La langue apporte ses tonalités particulières, même si certains artistes font le choix de l'anglais, mais l'originalité réside aussi dans une certaine façon d'aborder le genre, dans les ambiances, les orchestrations, le grain de folie qui émane de certains titres.

Sauras-tu reconnaître ce grand hit disco, ici traduit en serbo-croate ?


A ce sujet, on relèvera le très déjanté "Disko" de Rok Hotel, avec sa base funk et ses breaks aux relents de rock progressif, où le chant se mue en cri primal, rappelant de loin quelques chaudes montées d'acide du rock psychédélique.


Notons aussi la reprise de "Vamos a la Playa" en croate, hit dont on a oublié la dimension anti-nucléaire, mais où la version yougo, signée "Les Souvenirs d'Opatija" (Opatijski Suveniri), dont le nom est tout un programme à lui tout seul, vient ajouter la présence de mutants et de robots.


On retrouve aussi l'excellent Arian (dont j'avais parlé ici), l'Albanais de Macédoine qui groove en jekavski avec son étonnante voix aux frontières de l'androgynie, et curiosité, le joueur du "Hajduk Split" Ivica Šurjak avec un superbe "Julija", mélancolique et cinématique, très "Joe Dassin", avec son texte parlé et non chanté... J'aime aussi beaucoup le "vent du sud" ("Južni vjetar") de Krunoslav Slabinac, qui souffle de belles effluves de groove, à la fois élégantes, nostalgiques et pleines d'emphase.




Plein d'autres choses à découvrir dans cette compilation qui réhabilite un genre musical parfois pris de haut, et lève un voile de plus sur les passionnants visages de la culture populaire d'un pays qui, bien que disparu, reste indéniablement vivant dans cette mémoire sonore, et n'a pas fini de nous surprendre!


Prolongements et compléments:
- On peut écouter l'intégralité du catalogue de Fox & His Friends sur la chaîne youtube du label. Ne vous privez pas, il n'y a que du bon ! Merci au duo pour ce beau cadeau, qui, bien- sûr, n'empêche pas de s'offrir les disques du label (voir ci-dessous)!
- Justement, pour les "chineurs/-euses de vinyl", DJ's et autres collectionneurs/-euses de musique rare, tous les disques de Fox & His Friends peuvent être achetés sur le site internet du label. Outre l'inimitable "grain" sonore du vinyl (imperceptible sur les vidéos youtube), les disques du label sont accompagnés de notes (en anglais) et de photos qui documentent très richement l'objet musical.
- Les amateurs/-trices de groove pourront aussi relire le post que j'avais consacré au funk en Yougoslavie. Un post qui, outre des réflexions socio-politiques sur la mémoire pop-culturelle de l'ancien Etat, propose plusieurs extraits musicaux.
- Au fait, pourquoi "Fox & au His Friends" ? Il s'agit sans aucun doute d'une référence au film éponyme de Rainer Werner Fassbinder, qui s'explique par le fait que Željko Luketić est aussi un cinéphile averti. Ce centre d'intérêt se retrouve dans les choix artistiques du label, qui, on l'a vu, a déterré plusieurs musiques de films oubliées. Le nom du film de Fassbinder, qui, pour être schématique, conte la relation homosexuelle entre un prolo et le riche fils d'un industriel, peut aussi éclairer, métaphoriquement, les liens, troubles et ambivalents, entre culture "populaire" et "haute culture". Une mise en lumière que réalise à merveille le label croate, dont on attend avec impatience les prochaines galettes !
- Photo en ouverture de post: pochette d'un disque du groupe Rok Hotel


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