Vous le savez probablement, le 22 mars dernier, Zagreb a été frappée par un tremblement de terre particulièrement violent, suivi d'ailleurs par un certain nombre de répliques de moindre intensité. Les dégâts matériels sont considérables, dans une ville où le maire, Milan Bandić, adore bâtir du neuf rutilant et clinquant, pendant que l'ancien est négligé, "l'ancien" pouvant être des bâtiments de la période socialiste. De fait, une bonne partie du centre-ville a souffert de dégradations plus ou moins graves selon les bâtiments. La cathédrale de Zagreb, un des symboles de la capitale, a été endommagée, ainsi que des hôpitaux, des institutions publiques, sans oublier de nombreux appartements et maisons de particuliers. Tout cela s'est déroulé sur fond de crise du Covid-19, laquelle frappe aussi la Croatie, où des mesures de confinement sensiblement proches de celles de la France ont été prises. De fait, ce tremblement de terre est venu aggraver la situation d'une population déjà fragilisée par la situation sanitaire et déjà précarisée par des années de "transition économique" dont les bienfaits ne profitent qu'à une minorité. On compte de nombreux sans abris, des gens qui ont tout perdu, ou qui se retrouvent à devoir engager des réparations coûteuses.
Ne parlons pas bien-sûr des traumatismes que cette tragédie a fait resurgir auprès de celles et ceux qui ont connu les guerres des années 90, les images de Zagreb ravagée par le séisme évoquant des "scènes de guerre". Les mesures de confinement liées au Covid-19 avaient déjà rappelé de bien mauvais souvenirs à bon nombre d'habitants de toute l'ex-Yougoslavie, revivant les "confinements" liés aux conflits sus-mentionnés. Contrairement au locataire de l'Elysée, qui a utilisé le mot "guerre" jusqu'à la l'indécence, on sait, dans cette région d'Europe, ce que ce mot signifie concrètement.
Pour le milieu culturel zagrébois, la combinaison séisme + confinement est particulièrement lourde: les lieux culturels sont fermés et beaucoup ont été endommagés par le tremblement de terre. Dans une ville où la pulsation artistique a de longue date été forte, rayonnant depuis toujours sur tout le pays et même sur l'ensemble de l'espace yougoslave, cet arrêt de l'activité est particulièrement mal vécu. Nul ne sait quand celle-ci reprendra, et encore moins si cette reprise connaîtra le souffle d'antan.
Heureusement, la solidarité et l'entraide sont au rendez-vous, de nombreux Zagrébois s'étant mobilisés pour venir en aide à leurs concitoyens. Parmi les nombreuses initiatives solidaires, notons celle, dont je viens d'avoir connaissance, de Rïka Muzïka, label basé entre Londres et Zagreb. Ce label, qui fédère les excellents groupes d'ethno-free-jazz Mimika Orchestra et Truth vs Tribe, vient de sortir sur Bandcamp une compilation de groupes de Zagreb, intitulée "ZGB 2020". Tous les bénéfices de cette compilation iront à des associations de la capitale croate, actives dans le soutien aux populations les plus fragilisées par le séisme: elles redistribueront cette aide à celles et ceux qui en ont le plus besoin.
La compile coûte 7 livres sterling (environ 8 euros) ou plus. Je sais que les temps sont durs pour beaucoup d'entre nous, mais si vos finances le permettent, achetez cette compile, vous ne serez pas déçus! La sélection de groupes est excellente, et il y en a pour tous les goûts: funk, jazz, world, chanson, rock indé, punk, électro, klezmer, dub, festif, etc... tous ces styles sont abordés avec la petite "Zagreb touch" qui va bien, c'est à dire avec un souffle, des accents et des tonalités particulières dans la façon d'aborder la musique: par exemple, l'introduction de free-jazz et de prog'rock dans la musique klezmer ou balkanique, une très légère mélancolie (slavisante) dans la pop et le groove, ou encore un travail singulier sur les sons et les atmosphères... La "Zagreb touch", c'est un peu une tradition dans une ville qui a vu naître quelques fleurons de la new-wave yougoslave, et où l'héritage sonore de l'Europe Centrale, transversal, cosmopolite et insoumis, du folk yiddish à la musique dodécaphonique, a laissé son empreinte.
Pas d'inquiétudes, tout est musicalement accessible, et pas prise de tête pour un sou! Au contraire, le disque constitue une très belle bande-son de cette ville. Et l'énergie, l'espoir, le soupçon de mélancolie, qui émanent de la compilation, collent parfaitement à une écoute en mode confinée. Un délicat frisson de musiques, en réponses aux tremblements du temps et de l'espace!
Vous pouvez la découvrir en intégralité sur le site croate Ziher, et pour l'acheter, c'est par là. Si vous ne pouvez pas investir, merci en tout cas de partager et de relayer l'info!
Bon courage et amitiés à mes lectrices et lecteurs de Zagreb et de Croatie!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les commentaires sont modérés avant publication. Au vu de l'Histoire récente de la Yougoslavie, et étant donné que je n'ai pas envie de jouer à EULEKS ou à la FORPRONU du web entre les suppôts de la Grande Serbie, les supporters de la Grande Croatie, ceux de l'Illyrie éternelle ou les apôtres de la guerre sainte, les commentaires à caractère nationaliste, raciste, sexiste, homophobe, et autre messages contraires à la loi, ne seront pas publiés et l'expéditeur sera immédiatement mis en spam.
Les débats contradictoires sont les bienvenus à condition de rester courtois et argumentés. Les contributions qui complètent ou enrichissent les thèmes abordés seront appréciées. Merci