Oeuvre de Damir Radovic, publiée ici avec l'aimable autorisation de l'auteur.
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Plexiglass orange epoxy.
Dimensions variables.
L'oeuvre fait partie de la série "Territory of Madness".
A l'approche du second tour des présidentielles françaises, Yougosonic propose quelques réflexions, et un peu de déconnade, à travers le miroir que peuvent nous tendre certaines oeuvres et points de vue d'artistes de la Yougosphère, pour la plupart régulièrement convoqués dans ce blog. Hormis quelques rares exceptions, ce qui suit n'est aucunement un vade-mecum de ce qu'il faudrait faire, ni du prêt-à-penser au milieu du désarroi de nombreux citoyens face à un choix électoral de second tour aux allures de plante carnivore...
Je ne fais que partager de manière modeste et un rien ludique, quelques impressions et sentiments, avec l'aide de quelques témoins d'ex-Yougoslavie. Certains éléments feront peut-être débat. En raison de l'ambiance assez chaude-patate du moment, si j'en juge par les passes d'armes musclées en vigueur sur les réseaux sociaux, la vigilance sera à son maximum envers les commentaires, ici ou sur facebook, sur le plan de la courtoisie et de l'argumentation. Et n'oublions pas au passage que ce n'est pas sur le web que nous réglerons les problèmes de ce pays. Si il y a un message, c'est celui-là.
Nouveauté: des intertitres ponctuent ce post touffu, couché à l'arrachée cette semaine. C'est joli, pratique, et ça guide la lecture, que je vous souhaite excellente.
Il faut ici rappeler que ce morceau a été publié par le groupe slovène en 1987 sur l'album "Opus Dei" (allusion à la fameuse organisation intégristo-fascistoïde). A l'époque, personne ne se doutait que la Yougoslavie allait exploser dans le sang, mais néanmoins, les ingrédients de la dislocation se mettaient en place: un an avant "Life is life", l'Académie Serbe des Sciences avait sorti son tristement célèbre mémorandum, et l'ascension de Milošević était déjà bien engagée. En Croatie et en Slovénie, on commençait à penser à prendre le large, à la fois pour se mettre au chaud face à un mémorandum aux préconisations inquiétantes, pour protéger son économie de régions riches, et parce que là bas aussi, un début de "projet national" voyait le jour. C'est aussi en 1987 que Milošević, haranguant la foule fruste, donc manipulable, sur la morne plaine de Kosovo Polje, a prononcé sa célèbre phrase: "personne n'a le droit de frapper" les Serbes.
Laibach n'est pas le seul groupe dans le rock yougo à tendre des miroirs à notre jouissif contexte national actuel. En marche !, ce pourrait être aussi le message de cette vieille chanson du groupe free-funk-punk de Belgrade Disciplina Kicme, dont le nom ("la discipline de la colonne vertébrale") est déjà tout un programme. Un nom qui, on le voit, marche droit lui aussi. "Svi za mnom" signifie "Tous avec/derrière moi", c'est un peu notre "qui m'aime me suive!".
Les allusions au besoin d'un leader, d'un chef, d'un guide menant à quelque salut y est encore renforcé par les paroles qui reviennent en boucle: "Est ce que tu veux quelque chose de neuf ? Est ce que tu veux quelque chose d'autre ? Tous avec/derrière moi!". Comme Laibach et de nombreux autres artistes yougoslaves, le groupe belgradois se garde bien pourtant de préciser le fond de sa pensée, en l'occurrence qui est visé dans la chanson, sortie en 1986 : le groupe raille-t-il les vieux slogans socialistes ? Vise-t-il Milošević, alors en pleine ascension ? Pointe-t-il effectivement le besoin de père, de chef, de leader, de guide, qui serait l'une des pathologies des sociétés yougoslaves ? S'agit-il des "ténors" des oppositions naissantes cherchant à fédérer autour d'eux et de leurs promesses de nouveauté ? Ou peut-être le groupe lui-même s'érige-t-il en moteur de la nouveauté et invite le public en quête de nouvelles sensations à le suivre ? L'interprétation est ouverte.
L'ambiance festive et cuivrée du morceau en rajoute dans l'enthousiasme à suivre un chef nouveau, mais la répétition en boucle du texte et du thème musical indiquent le lavage de cerveau et l'hypnose des masses en vigueur. Les dissonances mélodiques, elles, nous placent bien dans le registre de l'ironie.
Pour les présidentielles de 2012, j'avais traduit la chanson "Cobane, vrati se!" de Rambo Amadeus, qui traitait précisément de ce besoin de guide.
A l'époque, j'avais clairement visé Sarkozy, et appelé à voter Hollande, bien que je n'étais guère séduit par ce dernier. Au vu de ce qui s'est passé durant ces 5 dernières années en France, me relire me donne un certain vertige et une profonde amertume, même si je maintiens ma vision de la chanson de Rambo Amadeus. On me répondra que cette fois ci, il n'y a pas de père en lice. D'un côté, c'est une mère. De l'autre, c'est le fils prodigue, celui qui a réussi.
Nouvelle donne ? Pas vraiment, en fait. La mère s'avère être une espèce de matrone qu'il nous faudra craindre et respecter. Quant au petit chéri qui joue très bien du violon depuis tout petit (c'est une image), il suffit d'écouter certains de ses fans complètement obnubilés pour voir que le besoin de figure rassurante et charismatique, même si relookée en mode "gala Sciences-Po", n'a pas disparu.
Quoiqu'il en soit, pour cette année, le vote du second tour s'annonce pour moi, quelle que soit ma décision finale, un déchirement ultime. Quelque chose me dit que je ne suis pas le seul.
"Mais qu'est ce vous m'emmerdez à la fin, bordel ? Avons-nous eu dans les années 90 des élections, démocratiques, multipartites? N'avez vous pas presque tous voté comme un seul homme pour le capitalisme ? Et pour le nationalisme, et pour que l'Eglise ait le dernier mot, et pour que les capitalistes vous prennent tout à votre nez et à votre barbe? Que voulez-vous maintenant? (...) Le peuple est bête, et maintenant il s'insurge qu'il est bête. Mais tu ne peux pas être bête puis t'insurger que tu es bête. On a voté pour le nationalisme, donc pour que l'on aille à la guerre. L'offre a consisté en partis qui tous menaient à la guerre. On a aussi voté pour la contre-révolution, on a voté pour que le bien public soit volé et pour que quelques individus seulement s'enrichissent. Et on a voté pour que l'église ait le droit de donner son avis."
En ex-Yougoslavie, vu la situation, les groupes engagés ne manquent pas. Le plus connu en nos contrées est sans doute Dubioza Kolektiv dont le succès dépasse de longue date les frontières de la Bosnie-Herzégovine, et même de la Yougosphère. "Dubioza", je n'ai pas envie de les critiquer à la base. Ce sont des gens sympathiques que j'ai eu l'occasion de rencontrer à la fin des années 2000 lors de l'un de leurs premiers concerts en France. Je sais que le groupe est actif dans certaines actions et projets, notamment via le mouvement citoyen "Dosta!" ("Assez!"), lequel est proche du SDP Bosnien, ce qui indique une indépendance quand même relative face au politique, même si je préfère le SDP aux partis "ethniques" et nationalistes. Les idées du groupe sont irréprochables et il a signé à ces débuts des morceaux très forts musicalement et au niveau des textes. J'ai pris mes distances sur le plan artistique lorsque la musique du groupe s'est faite moins tendue, moins urgente, pour tomber dans une sorte de resucée de No Smoking Orchestra mâtiné de Manu Chao. Cette évolution a été payante pour le groupe puisqu'elle lui a ouvert les ondes de MTV Adria, puis du succès international.
Ce n'est ni ce changement de registre ni le succès que je reproche au groupe. Au contraire, je suis même plutôt content pour eux et pour la Bosnie-Herzégovine, et tant mieux si la notoriété de Dubioza Kolektiv peut attirer un semblant d'attention sur ce pays.
Ce qui me pose souci, c'est ce qu'ont relevé à juste titre un certain nombre de chroniqueurs musicaux de la Yougosphère qui ont osé se démarquer de l'enthousiasme général autour du groupe. Ce que disent ces chroniqueurs, c'est que le groupe en réalité n'apporte rien que l'on ne sache déjà: le public local du groupe est déjà conscient que les politiciens sont corrompus, que le nationalisme leur sert à dissimuler leurs magouilles, que la plupart des gens vivent sous le seuil de pauvreté, que tout va mal... Est il nécessaire de le dénoncer à longueur d'albums et de chansons ? Ne faudrait-il pas plutôt réfléchir à comment contrer ces problèmes ? Et d'ailleurs est-ce que vraiment TOUT va mal ? Un de ces chroniqueurs va plus loin en accusant le groupe d'utiliser, comme les politiques, des paroles vides, du prêt-à-penser, fusse-t-il un prêt-à-penser de révolte, et de ne développer aucune réflexion. La musique festive et l'engagement du groupe, émaillés de plaidoyers consensuels pro-ganja, deviennent une sorte contestation marketée, un produit. Un autre encore pointe le vrai problème du groupe, concomitant des précédents: le groupe ne pousse au final aucunement à l'action, mais au contraire provoque l'inaction de son public face à la situation du pays. La dénonciation que le groupe fait de celle-ci sert plus de thérapie, de catharsis, de défoulement, de moyen de supporter ce qui se passe, que d'impulsion à agir. Pourquoi pas, certes ? Mais l'engagement ne doit-il pas être avant tout une démarche active et mobilisatrice?
Bref, le groupe est sympa et reste préférable à un Thompson ou à une Ceca, mais il ne fait ni réfléchir ni agir. "La jeunesse emmerde le Front National" en 2017 sur facebook, c'est un peu pareil, et dans tous les cas, ce qui est devenu un slogan de manif, certes sympathique et galvanisant, s'est montré d'une efficacité très limitée.
Le Bosnien Damir Avdic évoque dans "imam 51" ("j'ai 51 ans"), le fascisme, dont on nous dit qu'il "serait de retour ...comme s'il avait toujours été ailleurs tout ce temps", constate le chanteur, perplexe. La chanson prodigue quelques conseils à l'attention de ceux qui voudraient s'opposer à ce fascisme soi-disant sur le retour: "Oubliez donc une bonne fois les réseaux sociaux!", suggère Avdić, parce que "l'ennemi y connaît à l'avance chacun de vos mouvements".
Une organisation bien structurée s'avérera plus pertinente que les "petits festivals subventionnés" et les professions de foi idéalistes scandées à qui veut les entendre, poursuit-il.... "Mais putain, mec, ils vont venir avec des tanks!", avertit Avdić.
On est ici dans le contexte post-yougoslave, avec ses tensions et les souvenirs encore saignants des guerres des années 90. Nos fachos n'arriveront sûrement pas avec des tanks, mais l'arrivée ne sera pas franchement courtoise ni habitée par le respect qu'implique le dialogue républicain. Il faudra être prêt, et sur le terrain, semble conclure la chanson, dont le clip et la mélodie lancinante évoquent la gueule de bois de la fin des illusions. (Traduction de cette chanson dans le blog sous peu)
*** Les valeurs de la République ***
Plutôt que de lutter contre le fascisme en marche, la majorité de la classe politique, du milieu médiatique, du monde économique, parfois du monde culturel, mais aussi bon nombre de citoyens, ont préféré maintenir l'illusion de stabilité, d'équilibre et de progrès, cultivant les formules creuses et toutes faites, invoquant "les valeurs de la République" tout en les vidant de leur substance.
Sur quel niveau voulons nous danser/jouer ?
Plutôt que de se regarder dans un miroir et de combattre les difficultés, la société a continué à organiser le spectacle masquant sa propre vacuité, à travers ses rituels: les commémorations, les inaugurations, les sommets, les grands projets, les courses à l'image, et bien-sûr, les élections, devenues un grand show, avec ses hit-parades (les sondages), et ses bêtes de scène que l'on convoque sur les plateaux. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien qu'on parle de "ténor" de tel ou tel parti.
Les images en noir et blanc, d'archives, accentuent l'effet miroir face au contexte d'aujourd'hui, et rappelle que nous n'avons pas changé depuis l'élection d'Eisenhower et les funérailles de Paul VI que l'on voit dans le clip. "Nous" n'avons pas changé. Je dis bien "nous" car la vidéo montre la complicité du public, de la masse devenue troupeau, face aux spectacles et aux rituels que le pouvoir lui tend en pâture. Comme chez Damir Avdić, c'est la responsabilité de tous qui est pointée. Au delà du besoin d'un père, d'un guide ou d'un chef, c'est notre besoin de spectacle si typique de notre époque qui est dénoncé. La référence à Pasolini peut s'expliquer par les positions du cinéaste et écrivain italien sur la société moderne, dans laquelle il voyait une forme aboutie d'autoritarisme, le consentement s'obtenant par la sollicitation permanente, la consommation, et même par l'instrumentalisation/intégration de la subversion (liberté sexuelle, mouvement hippie, à l'époque).
Le texte disait en résumé quelque chose comme "Où es tu, prolétaire ? Où est ton fusil [de partisan communiste]? Où est ton combat pour lequel nous brandissons encore le drapeau?". Le texte se voulait ironique envers les icônes du socialisme yougoslave finissant. C'était une remise en question du système d'alors, système dans lequel la jeunesse avait la sensation d'étouffer. Cette jeunesse ne se doutait pas bien-sûr, ni ne souhaitait à ce stade, que la remise en question se terminerait sur les champs de bataille et dans une économie de compétition, où le "prolétaire", dans son sens socialiste, aurait disparu. Il a cédé la place au chômeur, au précaire, à l'intérimaire, à l'employé, à l'uberisé.
Le mot "ouvrier" a presque disparu du vocabulaire. On ne dit d'ailleurs plus "jardins ouvriers" mais "jardins familiaux" pour désigner ces terrains gérés par les communes ou des associations, attribués à l'origine par un patronat un brin paternaliste à ses employés. Ouvrier est presque devenu un terme honteux ou péjoratif, mais surtout, aujourd'hui, c'est à l'autre bout de l'échiquier politique qu'on l'invoque et qu'on s'en réclame. L'ouvrier ne vote plus, ou si peu, pour le PC ou la gauche, mais pour l'extrême-droite.
"Où es tu prolétaire?" - en marche peut-être, en marche autoritaire.
La question des électeurs du FN est aussi posée parfois. Faut-il leur parler ? Les entendre ou entendre leur message de souffrance ? Vaste débat. Il ne s'agit évidemment pas ici d'excuser ou de justifier en quelque façon leur choix, fusse-t-il dicté par des difficultés et une colère légitime, mais de savoir ce qu'on fait avec ces gens, au delà du rejet et du mépris à l'égard de leur vote...
A l'époque de Milošević et des guerres au nom de la Grande Serbie, le groupe punk serbe Trula Koalicija ("Coalition pourrie") avait brisé un tabou en mettant en musique les paroles d'un sympathisant de Vojislav Seselj dans "Zašto me mrziš, što volim Šešelja?/Pourquoi me hais tu parce que j'aime Šešelj?".
L'origine de la chanson vient du terrain, des bas-fonds de la Serbie: le chanteur du groupe est dans un bistrot de province quand un homme ivre entre et se met à hurler "Pourquoi on me hait parce que j'aime Šešelj?" puis se met à déblatérer une suite de phrases toutes faites à fort relent nationaliste. Le chanteur note tout et ce corpus extrémiste constitue les paroles de la chanson, avec la question comme refrain:
"SPO (1), SPS (2), démocrates, libéraux, SDA(3), HDZ(4), traîtres, généraux, Karlobag (5) et Ogulin (5), c'est là notre frontière, Karlovac(5) [nous appartient], tout comme Virovitica-la-Serbe (5)!".
Mais pour d'autres, c'est bien une apologie du nationalisme, et l'ironie du sort voudra que les "vrais" nationalistes finiront par s'approprier la chanson et à l'utiliser pour plaider leur propre cause. Ce destin de la chanson démontre si besoin les limites de l'art ironique ou de la provoc', lorsque ceux-ci finissent par sortir du giron balisé de leur intention première et du cercle des "bien-nés" qui en maîtrisent les codes et les clés. Cela ne veut pas dire qu'il faut cesser de faire de l'art provocant, loin de moi une telle idée, mais il faut être conscient que la compréhension du message bien souvent ne touchera pas forcément, ni ne fera réfléchir ceux qui seront visés par le message.
Cette limite pose aussi, hélas, la limite ou la difficulté du dialogue possible avec les extrémistes, qui sont, bien souvent, dans une vision délirante et très premier degré des problématiques politiques, vision qui par définition ne permet pas de points de vue réfléchis et de second degré. Je ne parle pas des extrémistes qui ont une vision construite et théorisée, des écrivaillons du déclin blanc et autres théoriciens du grand remplacement. Je parle des gens frustrés, paupérisés, et difficulté, qui font le choix du FN par colère et désespoir.
On peut leur reprocher tout ce qu'on veut, mais ces électeurs existent, vivent, aiment, mangent, dorment, là, partout, parmi nous, et il faut bien en faire quelque chose et tenter de les inciter à faire des choix moins dangereux. Nous sommes à priori démocrates et ne pouvons ni ne voulons les éradiquer physiquement, sauf si les choses évoluent en mode "guerre civile" et qu'il faut se défendre. Mais sinon, que faire ? L'idéaliste espère toujours arriver à les convaincre et à les changer, le pragmatique se contentera d'essayer de capter leur colère pour la faire converger vers un projet plus modéré.
Directeur du Théâtre National de Rijeka, Frljić est le partisan d'un théâtre engagé, bousculant les non-dits et la face sombre de l'histoire croate, le tout dans des mises en scènes brutes et dépouillées, où la violence et la provocation sont volontiers de la partie. Frljić avait entre autre abordé le lourd tabou de l'assassinat d'Aleksandra Zec, une adolescente serbe de Zagreb tuée fin 1991, car témoin de l'assassinat de son père, un notable opposé à l'indépendance de la Croatie, par des milices proches du pouvoir. Un crime d'Etat que la Croatie n'a jamais formellement reconnu, se contentant d'excuses et d'un dédommagement aux survivants de la famille Zec, et que personne n'aborde dans les médias ou dans la sphère publique.
Frljić est donc un peu "l'enfant terrible" du théâtre croate actuel, un artiste au parfum de scandale. Précisons encore que ses mises en scènes font débat, même auprès d'autres gens de théâtres progressistes et plutôt favorables à un questionnement du passé récent. Je n'ai jamais vu aucun des spectacles de Frljić et me garderai donc de juger son travail, mais j'adhère à priori à l'intention derrière.
Certains de ces protestataires, une dizaine, sont allés jusqu'à payer leur place, non pour vendre leur âme au diable, ou constater de visu le bolchévo-satanisme à l'oeuvre sur scène, mais pour perturber et empêcher le spectacle. C'est donc ce qu'ils ont fait, hurlant et agitant leurs calicots depuis les bancs du fond. D'abord décontenancé et inquiet, le public a fini par réagir, à l'initiative d'un spectateur qui s'est mis à chanter la chanson "kad bi svi ljudi na svijetu" d'Arsen Dedić, une star croate de la variété yougoslave, encore très populaire de nos jours.
Cette chanson des années 70 dit quelque chose comme "si tous les gens dans le monde disaient ça suffit, qu'il y a eu assez de larmes versées et qu'il est temps pour le bonheur, alors il n'y aurait plus de guerres". Une belle chanson idéaliste comme les 70's savaient en produire, que tous les spectateurs ont repris en choeur, finissant par couvrir les voix des agitateurs qui se sont sentis un peu ridicules, sensation qui sera interrompue par l'arrivée de la police, permettant au spectacle d'avoir lieu.
Dans ce concert de satisfecits, une voix discordante s'est pourtant exprimée, celle du metteur en scène Borut Separovic (photo, ci-contre) de la compagnie zagréboise Montazstroj. Šeparović est bien-sûr un progressiste convaincu qui lui-même n'a pas hésité à interroger les faces sombres de la Croatie, en particulier l'attrait d'une partie de la jeunesse pour l'oustachisme (on l'avait évoqué ici). Il soutient évidemment la liberté artistique et le droit de Frljić à l'expression.
Cependant, il n'y a pour lui aucune raison de pavoiser:
Le fascisme sera là comme il a toujours été, mais galvanisé par sa présence au second tour et enragé d'avoir perdu, donc sur les dents, prêt à mordre tel un pittbull mal dressé...
Il n'y aura rien à fêter, il n'y aura pas de victoire. Il sera en revanche grand temps d'agir...
Excellent post. Mention spéciale pour les intertitres, un vrai festival de punchlines.Du grand Yougosonic!
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