"Seulement 4 millions de personnes ont la chance de vivre en Bosnie-Herzégovine,
les autres n'ont pas cette chance...mais ils ont tout le reste."
Dans la société multimédiatique qui est la nôtre, les commémorations et autres anniversaires de faits d'histoire récente ont quelque chose à la fois d'irritant et de dérisoire. Des événements qui avaient complètement disparu des radars remontent à la surface et occupent l'espace médiatique, au point qu'il est impossible d'y échapper. Tout le monde y va de son dossier, reportage, enquête, retour, rappel, et l'on finit par se sentir soi-même obligé d'y apporter notre grain de sel, mû par ce vieil esprit de meute qui sommeille en nous, et à qui notre mode de vie hyper-connecté a donné une nouvelle dimension. Tout ça dure quelques jours, peut-être une semaine, puis s'efface et replonge dans l'oubli et le silence jusqu'au prochain "anniversaire", lequel sera à nouveau ressorti des placards sur des délais symboliques et faciles en termes de repères temporels : un premier point 5 ans après, puis on passe aux dizaines, quinzaines, jusqu'aux 20 ans où on fera un effort spécial dans le "buzz" commémoratif.
Certaines de ces commémorations multimédiatiques donnent l'impression qu'on rallume brièvement la lumière et qu'on dit "ah, tiens, vous êtes là, vous ? Dites donc, ça n'a guère changé chez vous! Vous auriez pu passer l'aspi et redonner un petit coup de peinture. Bon, allez, je vous laisse. Au revoir!".
Telle est la sensation qu'on peut avoir avec les 20 ans des accords de Dayton. Comme pour les 20 ans du siège de Sarajevo (relire ici mes réflexions d'alors), on a brièvement ressorti la Bosnie-d'Herzégovine des brumes d'indifférence dans lesquelles elle végète habituellement. On a rallumé la lumière pour constater que tout va mal, que rien n'est réglé, que rien n'a changé, et qu'il n'y a rien à faire.