L'an dernier à la même époque sur le net circulaient les bons voeux de Stéphane Hessel. "Indignez vous !" est devenu dans la foulée le pensum "in" de la nouvelle bonne conscience de gauche.
"On", c'est moi aussi, bien-sûr, et je n'essaye pas ici de me tenir au dessus du lot.
Aujourd'hui, le FN est toujours présent, plus que jamais. Sa forme UMPisée, juste vaguement plus cosmétisée que l'original, est déjà à l'oeuvre au sommet de l'Etat. Mais son simplisme, son populisme, son anti-démocratisme se sont immiscés bien ailleurs : Mélanchon fraye avec Loukachenko et Castro, comme le fait Kusturica, et les autres utilisent habilement le rhétorique vide de notre société du spectacle. A part ça, en ce début 2012, le monde roule à droite, trèèès à droite, l'UE est à vendre (on peut payer en yens), Bachar El Hassad tue, et Poutine réprime. De notre côté, presque plus personne ne croit dans notre démocratie représentative, ni dans le projet européen, pas complètement à tort, il est vrai, mais, hormis une minorité d'entre nous, on ne propose rien d'autre.
Non, tout va bien, "business as usual", du pain et des jeux : on peut acheter "Indignez vous!" à la FNAC, on peut danser sur de la tech' ou headbanguer sur du métal dans nos salles subventionnées, cet été on ira au Festival Sziget de Budapest, où, pété à la Palinka en écoutant Rage Against The Machine reformé, on ne verra sans doute pas que la Hongrie est en train de devenir une dictature. On prolongera à Guca, où pété à la Sljivovica en reluquant les pouff' dansant sur les tables, on ne prêtera pas attention au merchandising grand-serbe et à la nébuleuse facho qui y a pignon sur rue.
Nationalisme exotique et sexy
En ex-Yougo aussi, on se disait que tout irait bien, que "ça" n'arriverait pas, au seuil des 90's, quand le premier ministre d'alors, Ante Markovic (photo ci-dessus), décédé le 28 novembre dernier, a stabilisé le dinar et rehaussé le niveau de vie : une "golden year" où - d'après les témoignages - les Yougos se sont éclatés, dans l'insouciance généralisée, avant que Milosevic et consorts ne sifflent la fin de la partie. Quelques mois après la récréation, les routards qui s'étaient tapés l'Europe en stop l'été passé, les jeunes rock'n'roll ivres de punk et de techno naissante, se sont retrouvés au casse-pipe dans l'enfer de Vukovar, puis dans celui de Sarajevo...
Le Kosovo s'enlise dans son statut de non-Etat, dans l'indifférence à peine voilée des puissances qui ont pourtant voulu sa création. La Serbie, toujours obsessionnellement bloquée sur le même Kosovo, continue son destin de démocrature où la presse indépendante se meurt et où les néo-fascistes dictent leur loi. Comme en France, des élections à haut risque s'y déroulent au printemps, avec la perspective de voir l'extrême droite de Tomislav Nikolic s'emparer du pouvoir. On devine cependant ça et là l'émergence d'actions civiques, notamment en Voïvodine...A suivre.
En effet, risque de haute tension !
Photo (c) Yougosonic
En Bosnie-Herzégovine, les leaders des trois "peuples constitutifs" ont, après plus d'un an de laborieuses négociations, réussi fin décembre à se mettre d'accord sur la constitution d'un gouvernement fédéral...On les a vu pavoiser devant les caméras, avec ce sourire radieux de ceux qui ont la satisfaction du devoir accompli. Presque au même moment, le Musée National Bosnien à Sarajevo fermait ses portes, fautes de moyen, et le Musée Historique en fera de même début janvier. Rappelons que la Galerie Nationale avait également fermé l'été dernier...peu de temps après l'ouverture en grande pompe du premier Macdo de Sarajevo. Dans ce tableau sombre du désert culturel qui avance brille cependant la lumière, entre autres, des courageux acteurs du club Abrasevic de Mostar, devenu après la guerre un ilot de tolérance et le ferment d'une contre-culture bien vivante malgré tout dans cette ville divisée.
C'est en Bosnie-Herzégovine que brille aussi la poésie de Damir Avdic, barde hardcore de ces temps post-traumatiques, seul avec sa gratte, seul avec ses mots. Sa parole est sombre et vitriolée, son cynisme n'est pas une posture, mais un engagement, sa pensée est sévère, mais juste.
Voici un extrait de son nouvel album "Mein Kapital" : la chanson "2012", traduite par Yougosonic, et qui résume bien tout ce qui précède. Prémonitions ?
Trade centre nacional liberalnoga fašizma.
Religije sa happyend-om i proroke sa mp3-ica.
2012 ne sera pas la fin du monde. Nous aurons tout ce que nous avions déjà.
Le trade-center du fascisme national-libéral.
Les religions avec happy-ends et les prophètes en format MP3.
Sve ce biti na svom mjestu: na arktiku bijeli medo, u Italiji Berluskoni, na Kubi Mekdonalds, na biralištima moroni.
Jurišacemo po forumima, pucat s tastatura, mrzit život što živimo i sliniti za onim prije.
Tout sera à sa place : dans l'Arctique, un ours en peluche blanc, en Italie, Berlusconi, à Cuba, des Mac Donalds,
dans les bureaux de vote, des crétins.
On fera l'assaut des forums, on ouvrira le feu avec nos claviers, on haïra la vie qu'on mène et on pleurnichera celle d'avant.
Dvijehiljadedvanaesta bice samo godina u nizu.
Spasenje daleko, Bliski istok blizu.
AIDS ce biti kucna bolest, širice se ko karijes.
Svaka zemlja bice Deutschland.
Svaka himna Uber Alles.
Dva Nula Jedan Dva. Dva Nula Jedan Dva.
2012 sera seulement une année de plus.
Le salut sera loin, le Proche-Orient très proche.
Le SIDA sera le mal intérieur, se répandant comme une carie.
Chaque pays sera la Deutschland.
Chaque hymne sera Uber Alles.
Deux Zéro Un deux. Deux Zéro Un deux
Dvijehiljadedvanaeste gostice se samo crvi.
Za barel nafte sto barela krvi.
Dvijehiljadedvanaeste ustace sirotinja.
Poslije hljeba i igara cekace ih giljotina.
Oni što ih povedoše položice mermer, poklonit se najboljim sinovima i otici na dernek.
En 2012 seuls les asticots auront à bouffer.
Pour un baril de pétrole, cent barils de sang.
En 2012 les pauvres se soulèveront.
Après le pain et les jeux, la guillotine les attendra.
Ceux qui les enverront au casse-pipe dresseront une belle plaque en marbre,
offerte en l'honneur des fils les plus valeureux,
puis ils repartiront faire la noce.
Dva Nula Jedan Dva. Dva Nula Jedan Dva.
Uplati tiket, kvota je dobra.
Deux Zéro Un deux. Deux Zéro Un deux.
Paye ton billet, le cours est bon.
Bon ben j'ai plus qu'à me foutre en l'air avec des pljeskavice avariées... Ton billet m'a donné envie d'écouter un bon punk des familles. Bonne année !
RépondreSupprimerNe fais pas ça, Vlad !
RépondreSupprimerOn aura besoin de râleurs dans ton genre en 2012. Bonne année et bon punk !