mardi 13 mars 2018

LE ROCK DANS SON JUS DE POMME


Je ne sais pas vous, mais moi j'ai toujours trouvé qu'il flottait à Zagreb un fond d'air électrique, une atmosphère rock'n'roll. Une impression qui m'a saisi dès ma première visite dans cette ville. Zagreb n'est ni Manchester, ni New York et encore moins Londres, et pourtant, aux seuils des façades jugendstil vieillissantes, à l'ombre des usines aujourd'hui désaffectées, où autrefois grouillait le peuple élu du socialisme, ou encore au pied des tours brutalistes fatiguées des quartiers dortoirs, on se les imagine aisément, les rockers locaux, posant crânement, comme leur modèles britanniques ou américains, dans ce décor où se mêlent, sans toujours une grande cohésion, les époques et les styles, la marque de l'histoire et celle du quotidien. Dans ces confins où se frottent l'Est réputé arriéré et l'Occident supposé moderne, le rocker local assume depuis toujours l'apparente schizophrénie que constitue sa passion musicale d'importation, qu'il affiche comme un trophée existentiel, et son destin de mauvaise graine ayant poussé du mauvais côté de l'Europe. Cette schizophrénie finit par faire fusion et façonne un esprit rock spécifique, où le tempérament frondeur local se marie à merveille avec le "vivre vite" que véhicule cette musique. Certes, Zagreb ne fut pas le seul pôle rock dans l'ancienne Yougoslavie, mais cette subculture s'y est néanmoins épanouie avec succès, et a su y garder une certaine forme d'authenticité et d'intégrité. Plusieurs facteurs ont contribué à cette situation. Un lieu, en particulier, a joué, modestement mais sûrement, un rôle indéniable de "prescripteur" et de catalyseur. 
Ce lieu c'est le club Jabuka ("La Pomme", prononcer "Yabouka"). Il vient de fêter ses 50 ans d'existence, et un lien personnel nous lie, lui et moi: un peu de ce blog a été inspiré par mes nuits passées à la Jabuka, au mitan des années 90. Tout cela vaut bien un post, et Yougosonic revient sur l'histoire de la Jabuka, qui rejoint, celle, plus globale, de la Croatie.

C'est en février 1968 que des membres de la "Ligue de la Jeunesse pour la Paix" investissent cet ancien bowling du paisible quartier de Jabukovac ("la pommeraie", prononcer "yaboukovatz"), sur les hauteurs de Zagreb. Un bowling où, pour la petite, ou plutôt la grande histoire, jouèrent successivement Ante Paveli
ć puis le Maréchal Tito, ainsi que les généraux du "Mouvement de Libération Nationale". C'est donc plus ou moins un ancien mess militaire qui devient, dans cette période de bouillonnement sociétal qu'est la fin des années 60, le lieu de promotion de la paix et de la non violence, sous la houlette d'une organisation de jeunesse para-socialiste. 

Les premières affiches du club, signées du designer
Boris Bucan

Le logo actuel : "GK" est l'abrégé de "Glazbeni Klub", club musical. 

Une promotion qui prend, dès le départ, la forme d'une programmation culturelle tournée vers le théâtre, le cinéma d'art et d'essai, et surtout la musique. C'est cette dernière discipline qui l'emporte au final, et dès les années 70, la Jabuka devient un lieu incontournable de concerts, où la scène rock locale, mais aussi internationale, se produit. On vient aussi s'y encanailler en after de concert, tels les Rolling Stones qui viendront y boire un coup après leur set à Zagreb, en 1979, et termineront la soirée dans une bringue se tenant dans une maison proche du club. 


Barbecue sur la terrasse du club, dans les années 70.


Celui-ci s'impose aussi très vite comme étant musicalement "dans le coup", diffusant dans ses soirées DJ's les dernières tendances du rock, souvent de manière pionnière. Le "flair" des DJ's maison n'est pas le fruit du hasard, il est alimenté par des "correspondants" du club à Londres, New York, Berlin, des yougos de l'étranger envoyant les dernières rentrées de leurs disquaires favoris à l'équipe de la Jabuka. En parallèle, celle-ci ne dédaigne pas de s'offrir une petite excursion à Trieste, la Mecque des produits occidentaux, pour y compléter sa phonothèque. L'anecdote veut que cette phonothèque soit devenue tellement conséquente qu'elle servira à alimenter celle de Radio 101, la station FM alternative, au lancement de celle-ci en 1984.



Câblages et meubles rudimentaires, tourne-disque de chaîne hi-fi, et bien-sûr l'incontournable cendrier à proximité du matériel... Alen Kosanović, l'un des DJ's phares du club dans les années 80, en pleine action.



Dans les années 80, le club franchit un nouveau cap en s'imposant comme l'épicentre des musiques undergrounds nées dans le sillage du punk. Il est l'un des premiers clubs du pays à passer des groupes comme Joy Division et autres Cabaret Voltaire, et contribue à ce titre à l'émergence des "darkeri", cette tribu musicale toute de noire vêtue, adepte de musique sombre et de spleen existentialiste (en français, les "gothiques" et autres "corbeaux"). Zagreb deviendra ainsi le coeur névralgique de cette scène en Yougoslavie, au point d'ailleurs d'inquiéter les autorités locales qui ne goûtent ni son excentricité, peu en phase avec le nivellement égalitariste socialiste, ni ses penchants nihilistes, récusant la promesse progressiste de l'idéologie officielle. Elles tenteront alors de la dynamiter de l'intérieur en colportant, suite au suicide d'une adolescente, la rumeur que le mouvement est une secte, "la Rose Noire" ("Crna Ruža", pron. Tseurna Rouja), adepte d'orgies dans les cimetières, de pratiques satanistes et de suicides rituels. Cette campagne de manipulation est aussi l'occasion d'essayer de faire tomber Zeljko Malnar, une figure de la bohème zagréboise d'alors. L'homme, un aventurier baba-cool ayant roulé sa bosse de par le monde dans les 70's, dirige une communauté artistique néo-hippie à Zagreb. Il a donc peu à voir avec le milieu "darker", mais son indépendance d'esprit dérange, et il est accusé d'être le gourou de la secte. 



La "Rose Noire" n'a en fait jamais existé (l'adolescente s'est suicidée en raison de problèmes personnels), et Malnar sera finalement innocenté, mais le mythe de la secte a perduré jusqu'à nous jours, et ressort parfois encore au détour d'un article de la presse à sensation, surfant sur le goût de l'étrange qui habite volontiers l'inconscient collectif local, et jouant à faire peur avec quelques vieux mystères, soi disant non résolus, du temps de l'ancien Etat. Dans le milieu rock, la "rose noire" fait désormais partie de la légende urbaine zagréboise. On aime aussi à la ressortir ça et là, pour rappeler, non sans nostalgie, le parfum de soufre que portait en elle la subculture musicale du moment, dans le climat doucement "fin de règne" de cette époque où le vernis du régime commençait à craqueler, et où l'attitude de ce dernier face aux jeunes, épris d'alternatives musicales, n'était qu'un signe de nervosité parmi d'autres.



Même si la presse de l'époque pointe du doigt les "darkeri" et leurs soirées, intitulées "dark dance", se tenant à la Jabuka, le club ne sera au final pas véritablement inquiété par les autorités, qui se contenteront d'insuffler rumeurs et fantasmes, plutôt que d'attaquer frontalement cette jeunesse et son repère.


Paradoxalement d'ailleurs, par un naturel retour de boomerang, il est plus que probable que les délires propagés par la presse et les autorités aient finalement contribué à gonfler le mouvement darker local comme la notoriété de la Jabuka, leur conférant ce goût du fruit défendu largement surfait par rapport à la réalité.



En effet, quoiqu'on en dise aujourd'hui, cette communauté musicale reste à cette époque relativement anecdotique en termes d'importance, constituant une "niche" de quelques centaines de personne, davantage qu'un mouvement de fond. Les soirées "dark dance" ne s'étalent que sur deux ans, et à raison d'une fois par semaine. Quand à la Jabuka elle-même, elle est et demeure un brin excentrée dans la géographie nocturne de la ville, et ne possède ni le poids ni l'audience des autres mastodontes de la nuit rock zagréboise, tel le cultissime Kulusic, qui, avec 800 places, et sa situation en plein centre-ville, brasse plus de monde à cette époque.


L'entrée de la Jabuka.



Le lieu se développe donc un peu à l'écart, presque dans la discrétion. Mais ce qui paraît être un handicap s'avère être en fait un atout: pour rejoindre le club, il faut, soit arpenter une colline boisée, avec un bon dénivelé par endroits, soit ne pas rater le dernier bus qui part en fin de soirée de "Britanac" ("pron. Britanatz, "le britannique", le surnom affectueux par lequel les Zagrébois désignent "la place de Grande Bretagne"), dans la ville basse, pour s'aventurer dans les méandres des collines dominant la ville, dont celle de Jabukovac. Ces conditions opèrent une sélection naturelle qui éloigne de fait les relous, les parasites de soirée, les petites frappes et autres šmekeri (prononcer "chmèkèri"=les "petits bourges", les "minets". Mot d'origine allemande. On dit parfois aussi "šminkeri", pron. Chming'kèri). Venir à la Jabuka est un vrai choix. Celui ou celle qui s'y rend l'a vraiment et mûrement décidé.



C'est pour cette raison que se cristallise dans les années 80 ce qu'on pourrait appeler la "génération Jabuka", les "Jabučari" en argot zagrébois (pron. Yaboutchari"= Les "Yaboukiens"): un public d'adolescents et de jeunes adultes d'horizons divers, que fédère la quête d'autres sons et d'autres ambiances sans se prendre la tête et sans se ruiner. Les bières sont bon marché, et les "videurs" sont davantage là pour protéger les usagers que pour les empêcher d'entrer, contrairement à d'autres lieux de la capitale.



Les différentes tribus musicales cohabitent là-bas en bonne intelligence, d'autant que tout le monde finit par se connaître. Les incidents de type bagarres ou embrouilles sont rares, au point d'ailleurs que l'un des slogans du club, présent sur de nombreux flyers est "pas de panique, nous gardons vos enfants" (photo ci-dessous).


Personne à vrai dire ne souhaite compromettre cet endroit précieux, considéré comme un îlot de liberté. De cette "génération Jabuka" émergeront diverses personnalités connues aujourd'hui du paysage médiatique et culturel, comme Borut Separovic, directeur de la compagnie de danse/théâtre Montazstroj, ou, plus surprenant, Tomica Petrović, le manager de Severina, qui affirme encore aujourd'hui son amour, intact (contracté à 15 ans), pour le club de Jabukovac. Ou encore, pour l'anecdote et pour rester dans la variété, le danseur et chorégraphe, Emil Matešić, que l'on voit en boxeur dans le clip de "je t'aime mélancolie" de Mylène Farmer (Matešić a quitté Zagreb pour Paris dès la fin des années 80, pour y étudier la danse). Véritable incubateur, le club est aussi un tremplin pour Zdenko Franjic, futur patron du cultissime label "Listen Loudest", qui y fait entre autres ses premières armes en tant que DJ.

La piste de danse.


Toujours dans ces "golden 80's", le Jabuka devient le point de chute de tous les groupes alternatifs de la fédération, ainsi que des artistes étrangers, pour qui le club zagrébois devient un passage obligé en Yougoslavie. Le Jabuka est associé avec le centre culturel étudiant SKUC, de Ljubljana, ce qui lui permet de proposer une date supplémentaire aux artistes en tournée en Europe Centrale, faisant souvent escale en Slovénie, territoire par lequel la plupart des subcultures, du mouvement hippie au punk, entrèrent en Yougoslavie. Vers la fin de la décennie, sa bonne réputation resserre les liens de cette génération, alors que l'ambiance change doucement en Croatie, comme ailleurs dans le pays. La "ruralisation" de la société, prélude à sa "HDZisation", est en marche: le club, fidèle à son identité musicale rassemble celles et ceux qui restent attachés à la culture urbaine, et à une certaine intégrité rock'n'roll, alors qu'ailleurs s'installe peu à peu la musique des ploucs et le public qui va avec.



Arrivent les années 90. La "dark dance" se fait danse macabre. C'est le bruit des bottes qui donne le tempo. Zagreb, devenue capitale du nouvel Etat croate, est épargnée par les affrontements qui sévissent dans d'autre parties du pays, hormis quelques attaques aériennes sans conséquences majeures. La ville s'enfonce néanmoins dans une nuit de larmes et de tensions. L'Etat de guerre, auquel s'ajoute l'autoritarisme congénital de Franjo Tudjman laisse évidemment peu de place à une jeunesse, qui, non seulement voit partir, dans tous les sens du terme, ses pères et ses frères, mais est priée de ne pas faire de vagues. Un semblant de vie nocturne subsiste, mais son versant "rock" subit volontiers intimidations, fermetures arbitraires et razzias de la police. C'est que le rock demeure suspect, suspect d'insoumission, voire de penchants yougoslavistes, même si en réalité, en cette période de guerre puis d'occupation de régions croates par l'armée serbo-yougoslave, le rock croate, même le plus "alternatif", affiche majoritairement son patriotisme, et pas grand monde n'a envie d'écouter "le rock de l'ennemi", fusse-t-il de la décennie précédente et anti-nationaliste. Ceux qui se risquent à passer du Disciplina Kicme, Idoli ou EKV, le font en cachette, entre quatre murs, à la maison et au milieu d'une audience choisie. Ces groupes, dont le seul tort est d'être serbes, disparaissent globalement des dancefloors croates, pas forcément toujours parce que les DJ's sont nationalistes, mais par une sorte de "principe de précaution"...



Malgré le climat lourd de cette période, la Jabuka parvient à rester ouverte. Une volonté de ses responsables de l'époque, désireux d'offrir un espace d'évasion voire de défoulement à ceux qui ont la chance d'échapper à la mobilisation (les mineurs, les étudiants, les "inaptes", ...et quelques planqués de "bonne famille"). Le lieu tourne alors de 20h à 1h du matin, dans une discrétion redoublée. Malgré le conflit qui sévit à quelques dizaines de kilomètres de Zagreb, il accueille aussi des groupes étrangers, un besoin vital dans cette Croatie en partie coupée du monde. Les DJ's passent d'ailleurs peu de rock croate, et privilégient la fine fleur du grunge, de la fusion et autres néo-métal anglo-saxons en pleine émergence à cette époque. Parmi les groupes de passage, les mythiques UK Subs enregistrent en 1993 à la Jabuka un album live, édité par Radio 101, au titre explicite : "Don't you know there's a war on" (extraits disponibles sur youtube).


L'affiche du concert des UK Subs à la Jabuka.



Pendant ce temps là, le paisible quartier de Jabukovac, avec ses villas, sa tranquillité, et son environnement sylvestre, séduit les diplomates des pays qui ont reconnu la Croatie, et qui y établissent leurs ambassades. Celles-ci voisinent avec le club, permettant d'ailleurs à la police qui garde les bâtiments des représentations étrangères, de discrètement surveiller la clientèle. J'en ferai la désagréable expérience moi-même en hiver 95 (j'y reviens plus bas). 

Car après avoir bourlingué jusqu'à plus soif depuis 1990 dans cette "autre Europe" à découvrir, de Prague à Budapest, en passant par l'ex-RDA, mon attirance irrépressible pour ce qui n'est déjà plus la Yougoslavie, m'amène, à l'été 1994, à venir traîner mes guêtres de routard du côté de Ljubljana et Zagreb. J'atterris sans surprise, sur les conseils avisés d'une zagréboise alpaguée près de "Britanac", à la Jabuka qui deviendra vite mon point de chute nocturne régulier durant mon séjour dans la capitale croate. Un part notable du public y est alors très jeune. Certains n'ont même pas 15 ans. Une jeunesse très défoncée soit dit en passant, je veux dire, pas juste imbibée d'Ozujsko ou embrumée d'herbe qui rend nigaud, mais semblant tourner aux diverses saloperies qui doivent circuler dans le même package que les armes fourbies en sous-main à l'armée croate. Poudres à canon et poudre blanche. Sans doute un moyen de garder cette jeunesse sous calmants et de la dissuader de demander des comptes, car déjà à cette époque, le grand rêve national s'avère ne pas tenir toutes ses promesses.

Il va sans dire que ces jeunes ivres de rock à guitare énervé, bien que frustrés par la situation générale et par l'ambiance d'Etat policier, sont, pour une majorité d'entre eux, assez nationalistes. Plus par conformisme ou par colère (certains sont des réfugiés de Vukovar ou même de Bosnie-Herzégovine), que par raisonnement mûri. Ce nationalisme est aussi parfois teinté d'un goût de la subversion qui vient frayer avec les penchants undergrounds de cette jeunesse: dans cette construction mentale, la Croatie est une terre rebelle qui a eu le courage de s'affranchir de siècles d'oppression... C'est sur ce ressort que s'appuiera plus tard, pour perdurer et prospérer, le rock nationaliste croate façon Thompson. 
Toujours est il que le discours moraliste ou modéré occidental sur le mode "mais il y a sûrement des gens bien parmi les Serbes, non ?" n'a aucune chance de passer face à ce public. Je comprends alors très vite qu'il faut abandonner le préchi-précha, et laisser les gens venir à soi, doucement. Au fil de la conversation, l'interlocuteur finit par faire la part des choses, justement parce qu'on ne lui aura pas asséné du prêt-à-penser progressiste complètement hors-sol dans le contexte.


Je ne suis de loin pas un fan des Cranberries, mais leur morceau "Zombie", sur le conflit nord-irlandais, passe en boucle à la Jabuka, lors de mes séjours à Zagreb, remplissant chaque fois la piste de danse. 
On peut aisément se dire que les jeunes fréquentant le club à cette époque trouvaient dans cette chanson un miroir de leurs propres ressentis et vécus.


Je rencontre aussi d'autres gens, souvent plus âgés et plus éduqués (des étudiants), qui gardent la tête froide et se montrent circonspects face au mainstream nationaliste ou au mensonge officiel d'une Croatie libre, forte et fière. Les échanges sont d'autant plus intéressants que je suis l'un des seuls étrangers que ces jeunes rencontrent, qui ne soit ni un humanitaire, ni un agent de l'ONU, ni un mercenaire de l'armée croate. La plupart de mes interlocuteurs sont ravis de pouvoir discuter à bâtons rompus, et d'avoir en retour un regard extérieur, ouvert et n'essayant pas de juger (j'ai très vite laissé mes grands principes d'occidental repu dans ma chambre d'hôtel). Je suis aussi frappé par leur impressionnante maturité, et une certaine envie de vivre, intensément, malgré tout. Nous devisons ainsi jusqu'à pas d'heure, et refaisons le monde à notre manière, au comptoir du bar, ou sur l'immense terrasse d'été qui jouxte le club, le tout étant ponctué d'allers-retours sur la piste de danse.



La terrasse de la Jabuka 
Photo (c) Boris Štromar


En dépit des quelques amitiés d'un soir ou de quelques jours, que je développe sur fond de décibels soniques, l'ambiance est quand même très particulière dans le club. Au milieu des gamins et des étudiants en sursis de mobilisation, il y a aussi des grands gaillards en uniformes de camouflage au comptoir du bar, sirotant leur bière, le visage fermé et le regard ombrageux. Je comprends très vite que ce sont des bidasses en perm', venant pour quelques heures s'enivrer de rock dur, avant de repartir tenir les positions croates dans les zones encore soumises à turbulences. Leur présence ne dérange personne, et je suis d'ailleurs bien le seul à m'émouvoir de celle-ci. 



Pour que la tableau soit complet, il faut aussi préciser que l'ambiance est aussi particulière en ville. A cette époque, m'expliquent très sérieusement deux jeunes punkettes, rencontrées place du Ban Jelačić, la jeunesse de Zagreb est divisée en deux clans antagonistes: il y a les "pankeri" ("les punks", terme générique désignant toute la jeunesse un peu rock'n'roll) et les šmekeri. "Bah", me dis-je, "c'est un peu comme ça partout!" Sauf qu'à Zagreb, c'est une vraie guerre qui oppose les enfants du jeune Etat croate. Comprenez, on ne se contente pas de se mépriser souverainement, on se bat, et on se tue si besoin à coup de couteau. Lors de mon séjour, un de ces "šmekeri" est d'ailleurs poignardé par un "panker", et ce dernier est présenté comme un véritable héros par mes deux punkettes dont les yeux brillent d'enthousiasme lorsqu'elles me narrent cette histoire. Ce conflit est tellement sérieux qu'il y a des bars, des rues, des immeubles, des quartiers à éviter...



Le sociologue qui sommeille en moi se dit alors que l'ambiance générale dans le pays n'y est pas pour rien dans cette rivalité à couteaux tirés. Avec un Etat dont les aspirations à l'indépendance, au demeurant pas 100% illégitimes, ont rapidement viré en rejet de tout ce qui n'est pas croatiquement correct (Serbes, pacifistes, opposants politiques, journalistes indépendants...), ce rejet finit par flotter dans l'air au sein même de la société en phase d'être globalement purifiée de ses éléments allogènes. La violence politique du pouvoir, l'Etat de guerre, les traumatismes et les frustrations des "rapatriés" intérieurs, les non-dits pas très propres du combat national, viennent compléter le cocktail qui fait que, bien qu'unie et patriote en façade, la jeunesse croate est minée de l'intérieur. Rien d'étonnant: à la même époque, c'est au sein même du mouvement "alternatif" de Novi Sad, en Serbie, que les affrontements violents faisaient rage, avec des bagarres opposant des jeunes de différents quartiers antagonistes, ou de différentes tribus musicales. C'est ce que rapporte le film "Kontakt", un documentaire récent sur l'underground de Novi sad. L'un des témoins de cette époque précise l'influence du contexte général, l'absence de perspectives, la sensation d'étouffement, la violence rampante et obsédante dans la Serbie d'alors, et le besoin de dépasser ce climat en relâchant sa propre violence, quitte à l'exprimer sur ses propres frères d'armes subculturelles. 


Le conspi qui sommeille en moi, se dit, lui, que dans les deux cas, les pouvoirs se sont probablement satisfaits de cette "guerre des boutons" en mode "Orange mécanique" qui sévissait au sein de la jeunesse. Comme les calmants précédemment évoqués, une jeunesse que s'entretue ne posera pas les questions qui fâchent sur le coût très élevé de la réalisation du projet national. 



Pour refermer mon retour d'expérience autour de la Jabuka, évoquons mes brefs et bénins ennuis avec la maréchaussée locale. Nous sommes en janvier 95: après mon séjour en été 94, je suis retourné à Zagreb pour une dizaine de jours autour du Nouvel An. Par un soir glacé, enhardi par l'alcool, sans toutefois être ivre, après quelques verres sifflés en ville basse, je remonte à pied la colline qui mène au club. Il n'est pas si tard mais il n'y a pas âme qui vive. Arrivé devant la Jabuka, je me fais interpeller par un condé croate, de faction devant l'une des ambassades établie dans le quartier. J'ai déjà quelques rudiments de croate, et comprend grosso-modo ce que me dit le représentant de la force publique, mais l'instinct du moment et un soupçon d' "inat" (relire ici pour le sens de ce mot) me poussent à répondre invariablement en anglais et à prétendre ne rien comprendre à ce qu'il me dit, Monsieur l'agent ne parlant ni anglais, ni allemand, bien qu'il me semble néanmoins piger tout ce que je lui dit (peut-être prétend il lui aussi la même chose que moi de façon inversée). Passeport, motif du séjour, durée, lieu de résidence, nom de mon père, profession de mon père, qu'est ce que je fous à Jabukovac à 23h?, l'interrogatoire est interminable, et d'autant plus que, chacun prétendant ne pas comprendre, tout demande à être répété ou reformulé 3 fois. J'ai aussi droit à mon prénom et mon nom, annonné de façon méconnaissable en phonétique croate par mon condé à un collègue via un talkie-walkie grésillant. La réponse lointaine et métallique de celui-ci, entre deux bips électroniques et trois bruits blancs, me vaut enfin, au bout d'une demi-heure, d'être libéré de cette conversation déplaisante. Je ne figure visiblement pas dans la banque de donnée répertoriant les ennemis du valeureux peuple croate. Je sonne alors à la porte de la Jabuka d'où filtre en sourdine la musique. Le portier m'ouvre pour me dire que c'est fermé, bien qu'il me semble qu'il y ait encore pas mal de monde et d'ambiance à l'intérieur. La porte se referme et je regarde le flic dans sa guérite avec haine. Je comprends alors que le dernier bus à prendre à Britanac semble faire partie d'une sorte d'encadrement invisible du public: qui arrive après, par ses propres moyens, non seulement est suspect et se voit contrôlé, mais ne bénéficie pas ensuite d'un droit d'entrée au club. 



Je suis toutefois conscient de ma chance d'être étranger. Mon passeport français m'ayant sans doute évité un contrôle plus musclé. Certains jeunes Croates que je rencontre à la Jabuka relatent des arrestations aussi arbitraires qu'humiliantes.


Le régime n'hésite d'ailleurs pas à frapper, au sens strict du terme, sa propre jeunesse. La veille de la Toussaint, en octobre 1995, Samobor, charmante et paisible bourgade baroque des environs de Zagreb, est le théâtre d'une action policière que n'aurait pas renié un Pinochet: un festival punk y est violemment réprimé par la police. 




Très joliment dans l'air du temps, voir vaguement prémonitoire, 
le flyer du festival de Samobor.



Passages à tabac, têtes frappées contre les murs, coups de matraques, coups de pieds, coups de feu, la flicaille n'y va pas avec le dos de la cuillère, à la stupéfaction des habitants de la commune, abasourdis par la disproportion de la répression policière envers des jeunes parmi lesquels figurent même des mineurs, indistinctement violentés, tout comme les filles. La rumeur dit que certains agents mobilisés à Samobor sont fraîchement de retour du front et ont besoin de passer leurs nerfs sur ces insupportables "narkomani" (toxicomanes). Certains jeunes ne doivent leur salut que par le fait d'avoir été cachés par des habitants, d'autres par la fuite à travers les champs de maïs qui entourent la petite ville. Par miracle, il n'y aura pas de morts.




"La nuit qui a horrifié Samobor" (En haut)
"Sur la façade, on trouve encore des traces de sang de la tête d'une jeune fille que la police a frappée contre le mur" (en bas).
L'article sensationnaliste du journal Arena, une semaine après les faits.

Le scandale de ce "bal tragique" à Samobor n'aurait en principe pas dû connaître les lumières de la place publique. S'il est finalement révélé, c'est parce que parmi ces soi-disant "marginaux" et "dégénérés" figurent des enfants de notables, et pas des moindres: Domagoj Šeks, le propre fils du président du parlement croate Vladimir 
Šeks (Šeks se prononce "Chèks"), était avec ses copains à Samobor, le soir de cette chasse aux sorcières. C'est lui qui témoigne dans la presse quelques jours plus tard. Un cas intéressant que celui du fils et du père Šeks, qui illustre le fossé entre les générations à cette époque: si le père est un nationaliste convaincu, n'ayant pas dédaigné de recourir aux basses besognes et aux crimes de guerre en Slavonie, avec son sinistre comparse Branimir Glavas (relire ici), son punk de fils, lycéen modèle puis étudiant en philosophie, est un partisan du pacifisme et de l'altermondialisme.



Vladimir Šeks en 1991, lorsqu'il met en place le pouvoir spécial (para)militaire à Osijek. 


Domagoj Šeks, dans ses années "Goa-trance". 


Cruelle ironie de ce fossé générationnel, Domagoj Šeks ira au bout de son rêve néo-hippie et en mourra: musicien de dub et de trance, il s'installe à Goa dans les années 2000 avec sa compagne. C'est là qu'il décède dans des conditions jamais élucidées (assassinat, accident, overdose...?). Son père restera de son côté l'incarnation pathétique de celui qui a réussi à sauver sa chemise, en louvoyant au milieu des non-dits et des tabous de la sale guerre croate. 



Pour revenir à Samobor, personne ne répondra véritablement des faits horribles qui y sont survenus. Refrain connu en d'autres pays à 2h d'avion de Zagreb, on accusera les "narkomani" d'avoir ouvert les hostilités en attaquant la police. Ce clash sanglant entre contre-culture et violence d'Etat sera plus tard considéré par beaucoup de ses victimes comme une sorte de rite initiatique fondateur sur le chemin de la subversion. Il témoigne en tout cas de la considération du jeune Etat croate envers ses enfants, et probablement aussi de la nervosité du régime de Tudjman, qui, bientôt, n'aura plus la guerre comme prétexte pour garder la société sous cloche. "Oluja" a déjà "libéré" les derniers territoires "occupés", et Dayton n'est pas loin. Avant de lâcher fatalement du lest, il faut encore procéder à d'ultimes démonstrations de force pour éradiquer ce qui peut l'être, afin de pouvoir rester au pouvoir et rendre le moins de comptes possibles. 



Mais la jeunesse sait rendre les coups, et c'est lorsque le pouvoir tente de museler Radio 101, la seule radio alternative et impertinente de la capitale, en 1996, que des milliers de zagrébois descendront dans les rues pour défendre "Stojedinica" (pron. Stoyédinitsa""La cent une", le surnom de la radio). Ce sera la première manifestation d'opposition au pouvoir tyrannique de Tudjman (photo ci-dessus), une bouffée d'air frais dans une Croatie, qui, maintenant que la paix est là, aspire à un vrai Etat de droit et aux libertés civiques. Appuyée par une large mobilisation dépassant les clivages politiques, sociaux et générationnels, et soutenue par l'ambassadeur des Etats-Unis et même par certains membres du HDZ sentant qu'il est temps de virer leur cuti, ne serait-ce que pour rester au pouvoir, Stojedinica sera sauvée. Tudjman, fragilisé, et sentant les premiers frimas d'un vent du nord venu de La Haye, ne sera dispensé de répondre de ses probables crimes et complicités de crime, que grâce au cancer l'emportant en 1999, mais c'est une autre histoire...



Revenons sur la colline de Jabukovac, que nous avons un peu délaissée, même si, chacun l'aura compris à ce stade de la lecture, ce post aux nombreux détours et prolongements, est autant, sinon davantage, que le portrait d'un club, celui, plus global, des époques troublées qu'il a traversées contre vents et marées. 



De ces années sombres et lourdes, la Jabuka ressort plutôt grandie, auréolée du prestige d'avoir tenu bon, d'être restée ouverte, d'avoir su gardé son statut précieux d'îlot de liberté et de bon goût musical. Un autre fait d'armes lui vaut crédit et estime: le club a relancé peu à peu une vie rock à Zagreb et en Croatie. Le rock croate revient d'abord doucement aux platines, puis, via l'organisation par la Jabuka du festival "Fiju Briju" (pron. "Fiyou Briyou") à la Dom Sportova ("La Maison des Sports", l'une des plus grandes jauges de la capitale à l'époque), où se produit la fine fleur des groupes croates, et parfois slovènes.

Affiche de l'édition 96 du festival.
"Fiju Briju" est une expression typique du slang zagrébois, calquée sur l'onomatopée "fiju" indiquant quelque chose de fou, et le verbe "brijati", "(se) raser", mais signifiant en argot local différentes choses comme "être défoncé", "envoyer le bois sur scène", "dépoter"....
Un équivalent français de "Fiju-Briju" pourrait être "teuf de ouf!".
L'expression fut d'abord utilisée comme nom d'une soirée hebdomadaire à la Jabuka, où l'on passait du rock alternatif croate, avant de donner son nom au festival produit par le club.
Encore aujourd'hui, avoir participé, en tant que public ou que musicien, à cet événement est une marque de "rock'n'roll-credibility".

Le succès de l'événement est tel qu'il se décline ensuite aussi à Split et à Sarajevo. La Jabuka esquisse ainsi aussi un début de renaissance des réseaux rock dans ce qui ne s'appelle pas encore la Yougosphère, mais dont les prémices se dessinent doucement à travers cette première décentralisation de "Fiju Briju". Enfin, le club s'investit dans l'édition de CDs, avec son propre label, Jabukaton, un nom qui n'est pas sans rappeler celui de l'ancienne maison de disque yougoslave, Jugoton. Ce dynamisme stimule d'autres initiatives et contribue à "structurer" toute une nébuleuse où se retrouvent musiciens, disquaires, tatoueurs, ou encore graphistes comme les excellents "Božesačuvaj!" (prononcer "Bojésatchouvaï", "Dieu me garde/Dieu m'en préserve!", expression plus courante en serbo-croate qu'en français), auteurs de nombreux flyers, affiches, pochettes de CD, mais aussi de désopilantes cartes postales ironisant sur le "merveilleux paradis que constitue la Croatie libre".


"Police. République Croate (RH). Ministère de l'Intérieur (MUP).
Sincères salutations de la démocratique, amicale, catholique, reconnue internationalement, pour la première fois indépendante après 900 ans, et fortement dévouée à vous et à votre pays, République de Croatie."
Carte postale signée Božesačuvaj, vers le milieu des années 90.


Paradoxalement, c'est avec la démocratisation que les vrais ennuis du club commencent, avec des résonances jusqu'à aujourd'hui. Il est fermé en 1999 pour cause de nuisances sonores. Les nouveaux riches des quartiers mitoyens de Jabukovac et de Pantovčak (pron. Pantov'tchak), où se trouve la présidence croate, ne veulent plus de ce club. Celui-ci réouvre pourtant en 2002, après des travaux de mises aux normes et d'insonorisation. Il change également de régime juridique, passant du statut de club associatif (un relent de l'époque socialiste) à celui de SARL. 

Entre temps, la ville s'est réveillée d'une certaine torpeur, et de nouveaux lieux ont peu à peu vu le jour, comme la Močvara, salle alternative située près du parc de loisir de Jarun, en banlieue sud de Zagreb, ou encore la Medika, non loin du centre-ville. Ces nouveaux lieux fédèrent de nouvelles énergies et une nouvelle génération, autour des valeurs alternatives partagées ailleurs en Europe dans des espaces similaires: politisation, conscientisation, végétarisme, défense des minorités, rock engagé ou underground. La Jabuka, dont l'action politique fut en fait de ne jamais véritablement faire de politique, et de rester soi-même face aux ères du temps mouvantes qu'elle a traversée, apparaît alors comme datée. Elle l'est d'autant plus que sa programmation semble elle aussi datée, avec des soirées où les DJ's ont leurs platines calées sur le meilleur des années 80 et 90. Mais là encore, ce qui semble au départ être un handicap, le piège de la ringardise ou de la nostalgie, s'avère être un atout: d'abord, la Jabuka a gardé une partie de son public, lequel a vieillit mais cultive, comme elle, la mémoire musicale des décennies où elle s'est épanouie. Un public plus jeune, désireux précisément de découvrir la musique de ses aîné(e)s, répond aussi présent.


C'est que la Jabuka a su garder sa réputation d'intégrité et de lieu de bon goût, un bon goût qu'elle garde désormais comme du bon vin, sortant ses bonnes bouteilles chaque soir comme autant de millésimes qu'elle partage avec un public de connaisseurs avertis. Loin d'être ringarde, la salle de Jabukovac est la mémoire vivante et intemporelle d'une certaine idée du rock et de la nuit à Zagreb: on continue de s'y retrouver, dans une ambiance bon esprit, à l'écart des modes, du temps et du centre-ville livré aux franchises internationales, aux lounges et aux bars à "cajke" (pron. "tsaïké", la daube croate).

Bref, la Jabuka a traversé l'histoire et ses tourments sans se renier et en restant elle-même. "Un club qui ne pourrit pas"comme le dit l'un de ses récents slogans.

Les 50 ans du club ont pourtant un goût amer, et la fête n'est pas complète. Le lieu qui a survécu au régime socialiste, à la guerre, à l'autoritarisme de Tudjman est aujourd'hui victime de chicaneries et d'humiliations infligées par une mairie démocratiquement élue. A l'heure où le club devait souffler ses 50 bougies, des ouvriers, escortés par des "inconnus" musclés, sont venus démolir à la pelleteuse sa terrasse d'été, où des générations de Jabučari ont bu, dansé, dragué, fumé, ri, refait le monde... Déjà l'an dernier, des "inconnus" musclés avaient mis sous scellés la fameuse terrasse, empêchant l'équipe comme le public du club d'y accéder.

La terrasse de la Jabuka ces dernières années...


La même terrasse fermée et condamnée l'an passé.



La destruction de la "scène d'été" qui se trouvait sur la terrasse, en février 2018...

Derrière ces différents incidents se cache une bataille entre le club et la mairie de Zagreb, dirigée par l’indéboulonnable Milan Bandić, toujours populaire chez une majorité de "Purgeri" (pron. Pourguèri, "les bourgeois", surnom péjoratif des zagrébois dans toute l'ex-Yougoslavie) qui le réélisent malgré ou à cause de sa bétonisation à outrance de la capitale, de son clientélisme et de sa profonde bêtise. 

Bandić souhaite construire un parking à l'emplacement de la terrasse du club (Bandić adore construire des parkings sur des espaces verts !). Accessoirement, il veut la peau du club qui dépare dans ce quartier rupin où se trouvent probablement bon nombre de ses électeurs. Pour ce faire, Bandić prétend que cette terrasse n'a jamais appartenu à la Jabuka, et que celle-ci l'occupe donc illégalement, s'appuyant sur un flou juridique lié au fait que le club a vu le jour à une autre époque, dans un autre Etat, et sous un autre régime politique, aujourd'hui non reconnu, ce qui rend le droit de propriété du club caduque (je résume). Bandic prétend aussi que la présence du club dérange l'école primaire mitoyenne, alors que la direction de la Jabuka fait état de relations excellentes avec le personnel éducatif. On voit de toute façon mal comment un lieu ouvert et travaillant la nuit peut gêner des enfants présents le jour. Le bras de fer, qui date des années 2000, où la Jabuka fut déjà inquiétée, semble vouer à durer, et va s'exprimer désormais par avocats interposés, la direction du club ayant déposé plainte suite aux destructions de ce qu'elle considère comme son bien. 

Le lieu peut néanmoins poursuivre ses activités, mais à l'intérieur de ses murs, sans sa terrasse abritée par les arbres, indispensable en été, lorsque la chaleur du climat continental s'abat sur la ville...

Nombreux internautes, une partie de la société civile, et même certains médias se mobilisent pour soutenir le club que d'aucuns sur place considèrent comme une institution musicale appartenant à l'histoire de la ville et du pays, qu'elle a indéniablement contribué à mettre sur la carte du monde rock. Un point de vue et des préoccupations que je partage d'autant plus que, j'ai, à mon humble niveau et quoique de manière temporaire, été un Jabučar, dans une période fondatrice de ma vie, qui a beaucoup contribué à l'idée de lancer ce blog. Longue vie à la Jabuka !




Photo (c) Citypal



Prolongements:


Outre mes souvenirs et connaissances personnels du lieu, quelques articles en serbo-croate ont servi de source pour la rédaction de ce post. A lire en complément, si vous parlez la langue:

http://www.index.hr/black/clanak/video-u-bivsoj-kuglani-ante-pavelica-je-prije-50-godina-nastao-klub-u-kojem-se-stvarala-povijest/1026530.aspx

http://strazarni-lopov.blogspot.fr/2015/10/dark-dance.html

https://www.tportal.hr/magazin/clanak/evo-zasto-volimo-klub-jabuka-20131201

La page facebook de la Jabuka:
https://www.facebook.com/GKJabuka/


Aller à la Jabuka:
GK Jabuka, Jabukovac 28, Zagreb
Bus (au départ de Britanski Trg/"Britanac") N° 102 ou 105, arrêt "Paunovac". Une fois sorti(e) du bus, redescendre légèrement en arrière et prendre la première à gauche (rue Jabukovac). La Jabuka se trouve tout de suite après l'école ("Osnovna Škola"), derrière le petit parking...

N.b.: La photo d'ouverture de post montre l'entrée de la Jabuka lors d'une soirée Halloween.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les commentaires sont modérés avant publication. Au vu de l'Histoire récente de la Yougoslavie, et étant donné que je n'ai pas envie de jouer à EULEKS ou à la FORPRONU du web entre les suppôts de la Grande Serbie, les supporters de la Grande Croatie, ceux de l'Illyrie éternelle ou les apôtres de la guerre sainte, les commentaires à caractère nationaliste, raciste, sexiste, homophobe, et autre messages contraires à la loi, ne seront pas publiés et l'expéditeur sera immédiatement mis en spam.
Les débats contradictoires sont les bienvenus à condition de rester courtois et argumentés. Les contributions qui complètent ou enrichissent les thèmes abordés seront appréciées. Merci