mercredi 20 décembre 2017

Les détours de Yougosonic #1: pour en finir avec Russia Today (en quelques liens)


On le sait, l'espace yougoslave est situé à la croisée de différentes zones d'influences culturelles et géopolitiques, pour le meilleur, souvent sous-estimé, et pour le pire, volontiers exagéré. Cette double position de carrefour et de zone de frottement fait que celui qui se passionne pour ce territoire, à l'instar de ce blog et de ses lecteurs, se doit d'être également attentif à d'autres régions et cultures d'Europe et du monde, pour des raisons évidentes de liens historiques, culturels, politiques, et économiques avec la Yougosphère. Il est ainsi nécessaire, par exemple, de s'intéresser aux autres pays et communautés de langues slaves. 
Au delà de ce qu'on appelle le "monde slave", il faut aussi ouvrir ses antennes vers ce qu'on appelle "l'Europe Centrale", le "monde musulman", le judaïsme, l'espace méditerranéen, ou encore le domaine germanophone. Sans oublier de tendre l'oreille sur ce qui se passe en Turquie, en Hongrie, en Roumanie, et les territoires de langue albanaise. 
Ajoutons à ce macroscope "géoculturel" regardant tous azimuths, qu'il faut aussi frayer avec de nombreuses disciplines: l'histoire, la géographie, les sciences politiques, la sociologie, l'anthropologie, la linguistique, la philosophie, le droit international, et bien d'autres encore... Il est bien-sûr impossible de tout maîtriser à la perfection, et je suis moi-même loin d'être instruit à égalité sur l'ensemble de ce qui précède. Je savoure cependant régulièrement cette opportunité, qu'offre l'étude de la Yougosphère, de pouvoir m'ouvrir ainsi à de nombreux satellites du sujet principal.

J'inaugure aujourd'hui une nouvelle rubrique dans ce blog, "les Détours de Yougosonic" dont l'idée est d'aborder occasionnellement certains de ces "satellites", d'offrir des prolongements, digressions, compléments, miroirs ou comparaisons au sujet principal. Celui-ci ne disparaîtra pas mais sera présent en filigrane. 

Premier essai avec un détour par la Russie, et sa redoutée force de frappe médiatique officielle.


Parmi les régions du monde qui demandent un suivi attentif, en parallèle à celui que l'on effectue sur l'ex-Yougoslavie, la Russie et l'ancienne URSS sont en effet incontournables. Cela peut sembler paradoxal vu que la Yougoslavie n'a jamais fait partie de ce qu'on appelait le "bloc soviétique", et s'est même inscrite en rupture avec celui-ci, mais le paradoxe n'est qu'apparent. Que ce soit par la langue, l'histoire, la culture, la géopolitique, le passé ou le présent, la Yougosphère et l'ex-URSS sont liées en de nombreux aspects, fussent-ils parfois contradictoires ou conflictuels. 
La Russie est proche en particulier des peuples yougoslaves de culture orthodoxe, Serbes en tête, même si cette proximité est parfois exagérée, tant sur place qu'en Occident. Contrairement à certains discours identitaires et religieux en Serbie, et à la vision réductrice d'un "monde orthodoxe" homogène qui domine en Occident, tous les Serbes ne sont pas de farouches partisans de l'ancrage de leur pays dans la sphère d'influence russe, et certains même la redoutent, que ce soit par nostalgie de la voie indépendante yougoslave, conscience des différences mutuelles, méfiance envers les tendances impérialistes russes, sensibilité démocratique ou orientation pro-occidentale. Ceci exposé, il y a bien un regain des affinités russo-serbes, en partie ranimé par les guerres des années 90, puis renforcé ensuite par l'absence de perspectives de changement en Serbie, par l'"humiliation" que constitue l'indépendance du Kosovo, ou encore par la bienveillance de l'Occident envers les pouvoirs serbes successifs, jugés, non à tort, incompétents et corrompus. Le "grand frère" russo-orthodoxe, avec ce talent qu'il faut lui reconnaître à flairer le vide et le désarroi, est ainsi venu placer ses pions économiques, politiques, médiatiques et culturels, sans rencontrer de résistance farouche. Ce renforcement des liens russo-serbes constitue aujourd'hui une lame de fond indéniable qu'il serait malhonnête de nier ou de minimiser. 
Hors régions de tradition orthodoxe, la Russie séduit aussi des niches idéologiques dans la pourtant très catholique Croatie, comme par exemple chez certains militants de Zivi Zid, ou, comme ailleurs dans le monde, dans des nébuleuses conspirationnistes ou confusionnistes. Cette conquête de parts de marché idéologiques par la Russie, assortie des autres liens évoqués (histoire, langue, etc.), justifie à elle seule cette attention que le yougophile se doit d'accorder à la Russie et à l'ex-URSS.


Siège serbe de Gazprom à Belgrade

Cependant, suivre les affaires russes et post-soviétiques pose de nos jours un certain nombre de problèmes aux "progressistes" attachés aux libertés civiques, et estimant que la question tchétchène ou LGBTIQ ne se règle pas en butant du pédé caucasien dans les chiottes. La réticence se ressent aussi chez certains contempteurs, comme moi, de l'Occident ultralibéral et de l'impérialisme US, qui trouvent côté russe autant d'impérialisme détestable et dangereux , de libéralisme décomplexé (sauce mafieuse), et ne voient pas en eux une alternative séduisante, au vu de leurs déclinaisons musclées en interne, et parfois carrément saignantes en externe. Même si le tout est dissimulé derrière le visage avenant des speakerines de Russia Today, ou les tuyaux pour séduire les femmes russes, méthodiquement expliqués par Russia Beyond The Headlines.



Dans le grand brouhaha porte-nawak du web 2.0, où l'avis de Patrick Jeanfoutre, pilier de comptoir virtuel déblatérant depuis son F1 de Champigny sur Marne, est mis au même niveau qu'une thèse de troisième cycle ayant fait date dans le domaine de compétence de son auteur, ce qui nous arrive de et à propos de la Russie est de nos jours globalement aussi imbuvable que les vodkas frelatées qui déciment le petit peuple russe. On y perçoit le goût du mensonge, l'odeur de la manipulation, ainsi que les poisons du conspirationnisme, du néo-autoritarisme, du réactionnarisme religieux ou néo-paganiste, tous déguisés en pseudo alternatives (géo)politiques innovantes, par les âmes errantes du grand vide intellectuel et politique de notre société à bout de souffle, post-ceci et post-cela (post-communiste, post-démocratique, post-moderne, post-idéologique...). 

Les voix indépendantes, progressistes, citoyennes, "alternatives" de la Russie et de l'ex-URSS sont quasi inaudibles. La difficulté est la même pour les travaux et analyses de spécialistes de ce territoire, originaires de là bas ou occidentaux, professionnels (universitaires, journalistes...) ou amateurs (blogueurs...), mais ayant tous en commun de servir la recherche, la culture, le dialogue, la compréhension de l'autre, et non les intérêts du Kremlin ou les délires messianiques grand-russes.

Le problème a pris une telle proportion que même en essayant de combattre la propagande et le soft-power poutiniens, on finit par l'alimenter et même par lui donner une forme de crédit. Les médias "kremlinistes" et leurs supporters l'ont bien compris en hurlant à la censure, au déni de démocratie (qu'ils défendent vigoureusement quand elle les arrange, alors qu'autrement, ils la dédaignent), ou au commentaire biaisé chaque fois qu'on les attaque, selon une mécanique désormais bien rodée. On passe désormais le plus clair de son temps à démentir et à démonter les mensonges poutinophiles, dans des débats souvent sans fin et virant au dialogue de sourds. 

De son côté, le discours occidental "mainstream" sur la Russie, désormais omnibulé par Poutine et sa propagande, ainsi que par de nombreux clichés au delà du politique, peine volontiers à proposer d'autres angles et regards, que celui d'un pays arriéré, misérable, souffrant d'éthylisme congénital et dont la seule modernité est celle, tapageuse et vulgaire, des nouveaux riches. Loin de moi de dire que tout va bien en Russie et que tout ce qui précède est complètement faux. Le tableau général est effectivement assez sombre et inquiétant. Cependant, ce narratif demeure malgré tout assez caricatural, et manque volontiers de nuances et de mises en perspective. 
A titre d'exemple, on présente souvent Poutine comme un leader fascistoïde et nationaliste, alors que, pour faire court, il s'avère être davantage un opportuniste "désidéologisé", qui joue la carte, toujours payante, du nationalisme et de l'autoritarisme, pour se maintenir au pouvoir et maintenir au pouvoir la petite oligarchie corrompue et mafieuse dont il fait partie, née de la transition post-communiste. J'y reviens plus bas.

Face à cet état des lieux du discours sur la Russie et l'ex-URSS, d'ici ou de là-bas, je ne prétends pas avoir de solution 100% miracle. L'une d'elle néanmoins me semble être de tout simplement donner à entendre d'autres voix de et sur la Russie.

A l'heure où arrive en France la chaîne putaclique poutinienne "Russia Today", Yougosonic, dans son infinie bonté, a choisi de partager ici une petite sélection de personnes et de sites à suivre sur le net. Patiemment constituée au fil du temps, c'est une sélection subjective de personnes et de sites d'horizons et de profils divers, s'inscrivant dans des positionnements politiques variés, allant en gros du centrisme pro-UE à l'extrême-gauche libertaire, en passant par la recherche universitaire et les travaux de simples passionnés. Ce sont aussi bien des sources issues de l'ex-URSS, que d'Occident, et elle sont principalement en anglais. Un certains nombres d'entre elles sont sur facebook; désolé pour les anti-tronchelivre, mais ce réseau social, même s'il contribue largement au gros n'importe quoi actuel et à la notoriété des Patrick Jeanfoutre sus-évoqués, accueille aussi ça et là des gens compétents, intelligents, instruits, modérés, qui font l'effort de partager leur connaissance et leurs idées auprès du plus grand nombre. Nous nous devons de les soutenir. Last but not least, certaines de ces sources traitent aussi en parallèle de l'ex-Yougoslavie, c'est donc parfois un double jack-pot que de les suivre.

Le but de cette sélection est donc d'offrir divers angles d'approches permettant de mieux connaître et comprendre la Russie et l'ex-URSS, sans pour autant que ces sources renardent le torse suant de Vlad après la chasse à l'ours, ou que l'on risque de tomber sur un poil de la longue barbe d'Alexandre Douguine, l'illuminé théoricien du néo-Eurasisme, et coqueluche de toute une nébuleuse fascistoïde et conspirationniste..


Découverte récente mais devenu très vite ma principale source sur la Russie et l'ex-URSS, ce chercheur ukrainien partage actuellement son temps entre l' "Institut für die Wissenschaften vom Menschen" de Vienne (Institut des Sciences de l'Homme) et le University College de Londres. Le domaine de recherche de Shekhovtsov n'est pas directement l'espace post-soviétique. Son coeur de métier, ce sont les extrêmes-droites et les néo-fascismes contemporains, qu'il explore de manière très approfondie et originale: il y en a plusieurs et ils s'expriment sous plusieurs formes, d'où l'usage ici du pluriel. 

Shekhovtsov s'intéresse volontiers, comme moi, aux liens, fussent-ils empreints de soufre, entre contre-cultures et politique: il a ainsi analysé de façon remarquablement fouillée les subtiles entreprises de (re)conquête du champ intellectuel et culturel par la branche de l'extrême-droite influencée par Ernst Jünger et Julius Evola, deux écrivains cultes dans les milieux intello-fascistes. Cette branche, pour faire court, considère que le grand jour du retour à l'ordre autoritaire et national n'est pas encore arrivé, mais qu'il se prépare activement dans l'ombre. Pour ce faire, elle se livre entre autres à un noyautage de niches musicales underground ultra-confidentielles comme les scènes "néofolk" et "martial industrial". Un excellent boulot qui démontre, si besoin en était, que cette inquiétante reconquête se fait au delà du classique champs socio-médiatico-politique, dans les marges les plus obscures et sous le visage toujours excitant de la subversion. 

Avec une telle approche, Shekhovtsov ne pouvait que me "parler", mais au delà des subcultures, le chercheur enquête aussi avec beaucoup de pertinence sur les liens entre la Russie de Poutine, le néo-Eurasisme de Douguine, et les droites extrêmes européennes. Des liens à la fois idéologiques, politiques et économiques, qui, contrairement à ce que l'on pense souvent, remontent au XXe siècle et à l'émergence de l'Union Soviétique. C'est le sujet de son dernier ouvrage, "Russia and the Western Far-Right: Tango noir", qui, cocorico dont on se passerait, affiche Marine Le Pen en couverture, serrant la main de Vladimir Poutine. 



Malgré ce clin d'oeil rappelant les liaisons bien connues du FN français avec la pouvoir russe, ce livre d'un haut intérêt n'est pour l'instant pas disponible en français. Si vous lisez bien l'anglais, on peut le commander par ici. Shekhovtsov publie aussi abondamment sur le net. Son blog comme son compte facebook sont des mines d'information et de réflexion, non seulement sur les extrêmes droites et leurs avatars complotistes, confusionnistes, ésotériques ou, comme évoqué ci-dessus, contre-culturels, mais aussi sur la Russie, l'espace post-soviétique et l'Europe de l'Est, des régions que Shekhovtsov connaît à la perfection. Même sur facebook, le moindre de ses posts donne à penser et ouvre des horizons. 
C'est Shekhovtsov qui, récemment, a démontré que Poutine est davantage un opportuniste à la tête d'une "kleptocratie" dont il assure la survie, qu'un véritable nationaliste, dans une éclairante interview à Médiapart.

Voix politiquement modérée et intellectuellement rigoureuse, Shekhovtsov est une personne à suivre impérativement!


Autres sources russes/post-soviétiques

"Réduire le fossé entre Russie et Occident (...) dans un dialogue honnête et respectueux", telle est l'ambition d'Anton Barbachine, un jeune journaliste russe de Novosibirsk. Cette ambition se concrétise via "Intersection", un magazine en ligne bilingue anglais-russe qui fédère journalistes et experts russes et étrangers, déjà établis ou de la nouvelle génération, dont le journal entend porter le regard et les préoccupations. On y traite principalement de politique, d'économie, de droit et de société, avec un regard critique quant au pouvoir et à la démocratie de façade de celui-ci : lire par exemple leur récent article gentiment ironique sur les 150 promesses de Poutine, qui, tenues ou non, ne prédisent pas "un futur brillant pour les Russes", ou encore sur la surveillance des citoyens en Russie. Intéressants points de vue russes "from the inside", sans que cela ne soit "le" point de vue russe officiel. Intersection est bien-sûr aussi sur facebook.


Pour les courageux, quelques sources un peu plus pointues et spécialisées: citons le "Journal of Soviet and Post Soviet politics and society", rendez vous de chercheurs travaillant sur l'espace post-soviétique. La page facebook publie certains articles de ce qui est à la base une revue. Notons que l'équipe éditoriale est composée à la fois d'Occidentaux et de personnes de l'ex-URSS. 

On pourra aussi jeter occasionnellement un oeil sur "Ab Imperio: The network of empire and nationalism studies", là aussi un rendez-vous d'universitaires russes et post-soviétiques dont la page souhaite promouvoir le regard et les analyses, dans une perspective de promotion de la démocratie, et de décryptage des questions liées à l'impérialisme et au nationalisme dans cette région du monde.


La voix des "autonomes" russes

Avant de passer à quelques sources américaines, britanniques et françaises, on recommandera encore de suivre la page et le site "Avtonomoyé Deïstvié" ("Action autonome"), qui développe sur le web, en russe et en anglais, le travail, les thèmes et les débats qui agitent la mouvance dite "autonome", russe et post-soviétique. Derrière ce terme d' "autonome" effrayant le bourgeois et la presse occidental qui le résument, pas complètement à tort, il est vrai, à des casseurs cagoulés faisant le coup de poing en manif, le site et la page se revendiquent du communisme libertaire. Même si l'on n'est pas un partisan de cette orientation idéologique, on trouvera chez Avtonomoyé Deïstvié d'instructives informations sur les courants politiques marginaux de gauche, à l'oeuvre dans l'espace post-soviétique, et en particulier sur le militantisme antifasciste, qui mérite attention et soutien, car il existe et lutte activement, malgré un manque de moyens évidents, une absence de relais médiatiques, et les violences conjointes de la police et des bandes fascistes/nazies que le pouvoir réprime très mollement. 


Moscow Death Brigade (MDB) est l'une des figures de la scène antifasciste russe. C'est un mélange de rap, de punk et de hardcore qui pète à la gueule. 
N.B.: les cagoules, c'est pas pour se la jouer "attention, nous on est des vrais durs!", mais une nécessité: beaucoup d'antifas russes s'affichent masqués en manif pour ne pas être reconnus. En effet, les nazis et fascistes russes n'hésitent pas à tuer. 
A lire, la très intéressante interview de MDB et de leurs confrères de What we feel réalisée lors de leur concert à Paris en 2014.


Regards américains et britanniques

Contrairement au cliché tenace sur les Américains ignares, russophobes primaires et incapables de comprendre l'Europe, les Etats-Unis offrent des sources d'information passionnantes et très bien informées sur la Russie et l'ex-URSS. On suivra ainsi avec intérêt le blog de Sean Guillory (image ci-contre) diplômé d'histoire russe à l'université de Pittsburgh. Ce blog aborde la Russie via des podcasts où divers intervenants compétents s'expriment sur des sujets comme le mouvement LGBTIQ et la "nouvelle gauche" en Russie, l'histoire américaine vus par les russes, l'antisémitisme et la Révolution, ou encore la place des féministes dans le mouvement Maïdan. Avec ces deux comptes facebook, celui de son blog, et celui de son profil perso, Guillory offre de nombreux angles de compréhension et de réflexion. Ses points de vue sont équilibrés et font la part des choses, y compris concernant Poutine et le soft-power médiatique russe. Son travail s'inscrit dans une perspective plutôt de gauche, mais indépendante de tout dogme et parti, et capable de porter un regard autocritique. 

Toujours aux USA, The Charnel House est un site/blog passionnant, très touffu mais très fouillé. Rien de charnel ni d'érotique, "charnel house" est un faux ami en anglais et désigne un ossuaire ou un charnier... Ce curieux nom est tiré d'une citation de Le Corbusier: "Notre monde, comme un ossuaire, est couvert des détritus d'époques mortes". Indéfinissable cabinet de curiosité en ligne, ce blog se pique d'architecture (d'où la référence à Le Corbusier), d'avant garde, d'histoire, de philosophie, d'utopie et de réflexions politiques de gauche. Le tout avec une curiosité affichée pour l'ancienne Europe communiste, qui fut précisément le berceau de certaines avant-gardes artistiques et intellectuelles. Si l'on n'y traite pas que de la Russie et de l'URSS, ce territoire bénéficie toutefois de nombreuses entrées, où il est abordé hors des sentiers battus. Il faut un peu fouiner via le moteur de recherche du blog, ou en surfant sur celui-ci, mais l'exploration vaut en général le détour. Double jack-pot, on y trouve aussi quelques articles liés à l'ex-Yougoslavie, notamment un point de vue critique bien argumenté concernant le bouillonnant mais parfois controversé philosophe slovène Slavoj Zizek. 


Des punks à Volgograd, 1988.

On piochera aussi des infos intéressantes sur la page facebook "Russian punk book", animée par Alexander Herbert, un autre américain russophone et russophile, passionné par la scène punk russe et soviétique, laquelle n'a pas à rougir de sa dynamique passée comme présente. "Russian punk book" est la page correspondant au livre éponyme, publié à compte d'auteur et via un crowdfunding par Alexander Herbert. On parle fatalement beaucoup de punk sur la page comme sur le profil d'Herbert, ce qui donne des clés intéressantes sur la Russie via le prisme de cette contre-culture. De temps en temps cependant, Herbert commente d'autres visages de la Russie contemporaine, avec une rigueur et une volonté de faire la part des choses similaires à celles de Sean Guillory. 

De notre côté de l'Atlantique, les Britanniques ne sont pas en reste dans l'exploration du monde russo-ex-soviétique. Un très bon site en la matière est Open Democracy Russia (ODR), basé à Londres et lié au groupe "Open Democracy", proche des travaillistes britanniques, et soutenu par diverses fondations dont Avaaz et celle de George Sörös (liste des partenaires ici). Comme son nom l'indique, Open Democracy promeut les valeurs de la démocratie à l'occidentale et une "société ouverte", avec une forte sensibilité aux droits de l'homme. ODR décline les mêmes axes par rapport à la Russie et à l'ex-URSS. On y trouve des informations et des points de vue de plumes, aussi bien occidentales qu'issues de l'ex-URSS, sur la société, les minorités, la politique, les mouvements citoyens, etc. Le tout volontiers hors des sentiers battus, centré sur des thématiques contemporaines, et dans le style exigeant, rigoureux et factuel qu'on attribue souvent à l'approche anglo-saxonne. On peut aussi suivre ODR sur facebook.

Autre média s'exprimant depuis Londres, et plus précisément depuis la Calvert Street qui lui donne son nom, The Calvert Journal (TCJ) a été fondé en 2009 par l'économiste d'origine russe Nonna Materkova. Autoproclamé "A guide to the New East"("Un guide pour le Nouvel Est"), TCJ aborde l'ensemble de l'Europe de l'Est, le Caucase et l'Asie Centrale, via un prisme essentiellement socioculturel: on y traite de musique, de photo, de cinéma, de divertissement, de tourisme, de cultures alternatives, etc. avec une volonté de présenter les territoires explorés de façon positive, moderne, et pourquoi pas optimiste, sans toutefois ignorer les problématiques et difficultés locales... Les entrées sur la Russie et les pays de l'ex-URSS, territoire largement abordé, sont disponibles via le moteur de recherche interne au site (pictogramme en forme de loupe à droite), en tapant le nom du pays qui vous intéresse. Là encore, double bingo, on y traite bien-sûr aussi de l'ex-Yougoslavie (même principe, passer par le moteur de recherche).

Toujours au Royaume Uni, on pourra s'abonner ou simplement jeter un oeil au compte facebook de Stephen Coates, musicien au sein du groupe "The Real Tuesday Weld", mais aussi documentariste, et auteur à ce titre d'un passionnant court-métrage sur un phénomène méconnu, à savoir le recyclage en URSS de vieux films radiographiques pour y graver la musique interdite, qu'elle soit soviétique ou occidentale. Ce fut bien-sûr un phénomène totalement underground, mais les passionnés qui s'y livraient, récupérant des radiographies dans les poubelles des hôpitaux, et dealant ensuite les enregistrements au coin d'une rue, comme d'autres dealent de la drogue, risquaient gros pour un morceau des Beatles ou la chanson d'un barde dissident. Le documentaire est en accès libre ici ou ci-dessous.



Si le compte de Stephen Coates se consacre essentiellement à l'actualité de ce film, on y trouve occasionnellement des infos sur la Russie, la culture russe d'hier et d'aujourd'hui, etc. 



Visages du monde "post-pravda"...
Ici dans le métro de Tbilissi
Photo de (c) Lasha Tzersvadze, 
glanée dans Postpravda magazine (voir ci-dessous)


Entrez dans la dimension "post-pravda"!

Toujours en anglais dans le texte, mais de provenance géographique non identifiée, je recommande aussi la lecture de l'excellent Postpravda Magazine. Ce journal en ligne a pour ambition de s'inscrire dans ce fameux monde "post-" qui serait celui dans lequel nous vivons: un monde incertain, mouvant, fragile, désillusionné, soi-disant "désidéologisé. Le magazine raccroche cet état des lieux global du monde avec le vécu des sociétés post-communistes. Il suggère ainsi, non sans pertinence selon moi, que les mutations survenues en Europe de l'Est avec la chute du communisme, l'écroulement de l'URSS puis de la Yougoslavie, outre qu'elles ont cruellement démenti la promesse de progrès, de liberté et de bien-être dans ces régions d'Europe, sont désormais à l'oeuvre aussi en Occident. Dans ce constat sombre et sans illusion, la vérité, les certitudes, c'est à dire ce que l'on tenait pour acquis, n'est plus, ou bien est sujet à caution. 

En Russe, la vérité se dit "Pravda". C'était le nom du grand quotidien communiste soviétique, donnant chaque jour "la vérité" à une population, qui ne croyait pas forcément ou intégralement cette vérité, mais dont c'était malgré tout le cadre de référence organisant le vécu. Malgré l'absence de libertés et de nombreuses autres contraintes, cette vérité avait aussi sa dimension de "confort", que ce soit dans le travail pour tous, les loisirs, l'éducation et la culture pris en charge, ou dans la possibilité de vivre sans trop se poser de question, ce qui était d'ailleurs préférable au demeurant. 

N'était ce pas un même confort, malgré quelques différences notables, à l'oeuvre en Occident, où l'on pouvait aussi vivre sans se poser trop de questions, et peut-être même cela aussi était-il au demeurant préférable ? Non pas que l'on risquait la prison, mais peut-être que l'on risquait le danger, l'angoisse, le précipice béant des possibles que représente l'affranchissement de l'absurde société de consommation? Vaste débat que l'on laissera ici ouvert avec ces points d'interrogation pour revenir au postulat du magazine qui affirme que nous sommes désormais dans l'ère de la "postpravda". Rien à voir avec la "post-vérité" de Trump, le titre est antérieur à la médiatisation des délires du magnat américain devenu président, et de ses supporters de l' "alt-right". 

Le magazine, derrière le constat sombre et inquiétant sur notre monde, n'est pas non plus dans une vision catastrophiste et pessimiste. Il semble plutôt surfer sur le vieux théorème que les temps de crise sont générateurs de nouveautés excitantes, et de remises en question audacieuses, et c'est cette dimension qu'il entend explorer. Tout cela peut sonner un peu pédant et prétentieux, mais le résultat me semble plutôt réussi, si l'on fait l'effort de s'y pencher. Postpravda creuse profondément dans les méandres et les fissures des sociétés de l'Est, et en ressort des perles originales. On y traite beaucoup d'underground, de marginalités, de minorités socioculturelles, de vies à part dans des bouts du monde en stand-by ou des pays "non officiels" (ex: les LGBTIQ en Transniestrie!); des angles et des thématiques qui ne sont pas étrangers à ceux qu'on affectionne dans ce blog. Le ton et l'approche rappellent un peu le magazine "Actuel" de la grande époque. Bref, "Postpravda" sonnera certes pointu, voire parfois "branché" à celui qui n'est pas familier des thématiques abordées, mais c'est un support indispensable pour découvrir l'ex-URSS dans ses facettes les plus originales et méconnues. 

Et là encore bingo dans le bingo, Postpravda traite non seulement aussi de l'ex-Yougoslavie et de l'Europe de l'Est en général, mais plus globalement des différentes régions du monde, avec la même approche hors-gabarit. Un must!


Sources francophones

On peut aussi s'informer et s'instruire en français sur la Russie et l'ex-URSS. 

Géré par des chercheurs de l'INALCO et des journalistes, le portail Regards sur l'Est fait partie des sources intéressantes en français. Comme son nom l'indique, on y parle de toute l'Europe de l'Est et du Caucase (et donc aussi des Balkans). Le traitement se veut informatif et éclairant sur les grandes questions sociales, politiques, économiques, culturelles qui se posent dans ce vaste espace, avec une volonté d'aborder des thématiques originales. L'ensemble est assez factuel et accessible, mais les publications sont épisodiques (toute l'équipe est, comme moi, bénévole). Concernant la Russie, les articles des dernières années portent sur des sujets aussi variés que l'écologie, la (non) célébration de la Révolution d'Octobre, l'interdiction de la lingerie en dentelle (!), ou encore la société civile...

A consulter également, la page web de l'association "Russie-Libertés", qui milite pour une vraie démocratisation de la Russie, suit avec attention et relaye toute information liée aux droits de l'homme, aux libertés civiles dans ce pays. Ce militantisme consiste aussi à organiser des manifestations et des campagnes de sensibilisation sur ce qui se passe en Russie, ou des actions de soutien envers des journalistes ou activistes emprisonnés. L'organisation du site manque à mon sens de clarté pour accéder aux articles de fonds ou aux infos factuelles, répartis sous divers menus (une structuration plus proche d'un blog serait plus lisible). Ces réserves de formes étant exprimées, on trouve sur le site de "Russie Liberté" des infos et des regards éclairants, pas forcément développés ailleurs.

On pourra aussi consulter les entrées concernant la Russie sur Conspiracy Watch (CW), l'autoproclamé "observatoire du conspirationnisme". Je ne partage pas toujours à 100% les points de vue et interprétations de Rudy Reichstadt, l'infatigable veilleur/animateur de CW, mais cela n'enlève rien à la qualité globale de l'intense travail de dépistage des différentes formes de complotismes, qu'il décrypte et "debunk" inlassablement. Les articles de CW sur la Russie sont éclairants, et on y trouve des analyses des liens entre le binôme Russia Today/sputniknews, l'extrême droite et le complotisme, ainsi que sur les méthodes de cette chaîne pour attirer le public occidental


Sur facebook, je recommande de suivre le compte d'Anna Colin Lebedev (ACL, photo ci-contre), universitaire spécialiste de l'ex-URSS, et très compétente en particulier sur l'Ukraine (dont elle est, me semble-t-il, originaire..?). ACL tient aussi un blog chez Médiapart, blog actuellement en sommeil, mais les posts existants sont très intéressants. La chercheuse y partage son regard personnel, et parfois ses sentiments, sur les questions politiques et sociétales de l'Ukraine et de la Russie contemporaines. 
On trouve sur son profil facebook des "debunkings" occasionnels de reportages poutiniquement orientés ou péchant par omission (volontaire?) sur le conflit russo-ukrainien. En disant cela, je ne prétends pas qu'il n'y ait pas de propagande ni de torts de la part du pouvoir ukrainien, que je trouve autoritaire, bananier et corrompu, mais cela ne signifie pas qu'il faille faire preuve de mansuétude idéologique concernant le "camp d'en face", surtout quand c'est, comme le révèle le journaliste du Monde, Benoît Vitkine, un ancien du parti néofasciste italien le MSI (aujourd'hui dissous) qui ment à la télévision sur les nombreuses zones d'ombre de Maïdan. By the way, Benoît Vitkine est aussi quelqu'un à suivre sur facebook. Il est lui-aussi un bon debunkeur de fakes ou de reportages orientés, et il n'hésite pas, si besoin, à payer de sa personne pour répondre aux trolls poutinophiles.

Toujours sur facebook, citons enfin Christine Pokotilova, dont le profil couvre régulièrement la situation en Russie, le rôle de la Russie en Syrie, ainsi que le conflit russo-ukrainien. On y trouve volontiers des infos et des angles que l'on ne trouve pas ailleurs. Pour situer, Christine Pokotilova fut un temps l'animatrice de la page francophone de soutien aux Pussy Riot emprisonnées, page qui ne semble plus être en activité aujourd'hui. 


Autres langues en bref et pour finir...

Je l'évoquais en introduction, tous les Serbes ne sont pas forcément chauds-bouillants quant à la Russophilie en vigueur chez bon nombre de leurs compatriotes. Un groupe facebook serbe intitulé "Kakva bre crna majka Rusija???" (prononcer "Kakva bré tseurna maïka roussiya"/à traduire approximativement par "What the fuck que cette histoire de notre foutue mère la Russie???"), fédère les sceptiques et les mécontents du rapprochement russo-serbe. On est sur facebook, pas à un symposium de géopolitique, et donc ça ne vole pas systématiquement très haut. Il y a à boire et à manger...Certains contributeurs se défoulent ou critiquent par le petit bout de la lorgnette, plus qu'ils ne donnent des infos ou points de vue de fond. Ces réserves étant pointées, on trouve toutefois dans le groupe des articles intéressants et des débunkings démentant les supposés bienveillance, liens historiques et soutiens de la Russie. Un ilôt de résistance critique, imparfait mais qui a le mérite d'exister, au milieu d'un océan de sites et de pages glorifiant Poutine et les "braća Rusi" (prononcer "bratchya Roussi", "les frères russes").


Les contradictions de la société serbe, pointées par le groupe 
"Kakva bre crna majka Rusija???". 
en haut, écrit en noir: "Opinion/orientation politique". 
En blanc:"Le patriotisme [serbe] c'est d'être un russophile qui aspire au passeport de l'UE". 
Sur la pancarte, en russe: "La mère Russe".


Si vous comprenez l'allemand, c'est chez Ostpol, autoproclamé "le magazine de l'Europe de l'Est", que vous trouverez des infos et éclairages intéressants sur tout ce territoire et donc aussi sur la Yougosphère. En italien, même principe avec East Journal. Lire entre autres cette analyse de "l' influence russe face à la crise de la légitimité occidentale"

Et pour mes followers de Belgique, flamands, ou francophones comprenant le néerlandais, je conseille les articles et posts facebook de Pieter Stockmans (photo ci-contre), journaliste à "Mondiaal Nieuws", un magazine basé à Bruxelles. Stockmans est un connaisseur avisé de l'Europe de l'Est, ex-Yougo incluse (en particulier de la Bosnie-Herzégovine). Il est aussi compétent dans de nombreux autres domaines. Certains de ses articles sont disponibles en anglais voire, quoique dans une moindre mesure, en français. Son dernier article, à ce jour uniquement en néerlandais, esquisse les portraits de quelques représentants de la "génération Poutine".


Cette liste n'est bien-sûr pas exhaustive. Ceux qui le souhaitent pourront partager leurs suggestions éventuelles en commentaire (lien + brève description). Attention, chaque lien sera attentivement vérifié avant publication (ce qui pourra parfois prendre du temps): inutile donc d'essayer de glisser discrètement du caviar médiatique de contrebande kremliniste. 
Quant à la photo qui ouvre ce post, le pourquoi de ce choix est ici.

Comme chacun l'aura remarqué, le blog a opté pour de nouvelles couleurs, en espérant qu'il soit désormais plus lisible et agréable à lire.

8 commentaires:

  1. Bonjour,
    Merci pour cette liste de liens foisonnante et ce travail de triage.

    Pourquoi pas accabler RT pour son conspirationnisme et son côté rance. Mais alors dans ce cas , je ne comprends pas pourquoi citer Reichstag comme source fiable. Côté complotisme en mode ''je vois des complotistes partout'',dénonciation par association successives, utilisation floue de l’expression ''confusionnisme'' pour qualifier tout ce qui déplaît à son camp, il n'a rien à envier aux illuminés poutiniens. Les analyses néoconservatrices du personnage d'ailleurs sont indigentes. Les connaisseurs ne s'y trompent pas: ils sont fans (La règle du jeu'', Brice Couturier,etc...) . Peut-être que ce qu'il fait sur la Russie est mieux, mais alors pourquoi ne pas accorder le même crédit à RT sur d'autres sujets que la Russie?
    D'ailleurs avec de tels adversaires, RT joue sur du velours. On ne parlait pas de fake news quand a commencé la guerre en Ukraine mais on a été servi.Il n'était pas nécessaire d'avoir beaucoup d'esprit critique pour se rendre compte que c'était de la propagande (se souvenir de l'intervention spectaculaire de Caroline Fourest à France Culture sur les yeux arrachés des militaires ukrainiens). Certains se sont engoufrés (Sputnik, RT). A se demander si les autres n’étaient pas payés par les Russes (je rigole).

    Il est curieux de voir qu'une grande de la presse et des journalistes (dont le Couturier cité plus haut)
    qui ne manque pas une occasion de dézinguer Poutine a porté à bout de bras Macron et continue à en faire l'éloge de manière plus ou moins feutrée. On se moquait pas mal de la presse russe avec ses photographies torse nu ou en plongeur. Franchement les hagiographies de Macron en philosophe supra-doué, élève du maître Ricoeur (alors qu’il suffit de l’écouter parler deux minutes pour savoir que c’est une blague ou encore de se renseigner sur la façon dont il a menti en prétendant être l’élève de Balibar) ne sont pas moins ridicules. Je passe sur le côté surhomme capable de ne pas dormir et de tout faire. Côté répulsion/fascination, il y a sûrement des choses à creuser. C’est encore plus confondant quand on se rend compte que ces groupes de presse sont soutenus par des oligarques qui l’ont mis sur orbite (Xavier Niel par exemple). On pourrait trouver mille exemple avec lesquelles on ne se priverait pas d’accabler la presse russe (le dernier en date, c’est l’interview par Delahousse).
    Et certains ont poussés plus loin le parallèle (à environ 30mn) :https://www.youtube.com/watch?v=hoKhWtNSwVU
    Bon, j’ai réussi à ne pas citer le site prokremlin que je consulte régulièrement (en tout cas dénoncé comme tel par Reichstag et le Decodex du Monde).

    Dovidjenja

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    1. Bonjour et merci pour votre commentaire.

      Pour ce qui est de Rudy Reichstadt / CW: tout d'abord, je trouve le jeu de mot Reichstag/Reichstadt très limite, vu l'odeur de brûlé années 30 que génère le mot Reichstag, associée au fait que M.Reichstadt est très vraisemblablement israëlite. Vous avez le droit d'être en désaccord avec lui, mais essayez de rester dans la critique argumentée plutôt que dans des jeux de mots dignes de "Durafour crématoire", qui n'ont pas leur place ici. Ceci posé, passons au reste: Rudy Reichstadt fait un travail de veille permanente à travers son site, dont le focus est le conspirationnisme sous diverses formes et latitudes. Cela peut effectivement donner l'impression qu'il en voit partout, et parfois à tort, mais c'est le principe de ce genre de sites de vigilance et de décryptages ad hoc. Si vous m'avez bien lu, j'ai écrit que je n'étais pas toujours d'accord avec M.Reichstadt: je désapprouve par exemple sa récente critique, publiée sur son FB, de l'exposition à Berlin sur la thématique des martyrs, où des terroristes islamistes figuraient avec d'autres "martyrs" comme Jan Palach, Rosa Luxemburg... Rudy Reichstadt se désolait qu'on mette sur le même plan des terroristes et des martyrs "plus nobles" (il ne le disait pas exactement comme ça mais je résume). Or ce n'était aucunement le propos des artistes de l'exposition qui voulaient questionner cette notion de "martyr" sous toutes ses formes. Il n'y avait aucune apologie du terrorisme (http://www.liberation.fr/planete/2017/12/04/berlin-libe-a-visite-l-expo-presentant-un-kamikaze-du-bataclan-comme-martyr_1614418).

      Tout cela ne m'empêche pas malgré tout de consulter CW et le compte FB de M.Reichstadt avec intérêt, et de la rejoindre sur bon nombre de ses analyses. Il est vénéré par les Couturier et BHL, dites vous ? Sachez qu'on ne choisit pas toujours ses fans. Mon blog est suivi et apprécié par certaines personnes dont je désapprouve totalement les idées. Cela me pose parfois questions, mais je ne crois pas, en toute modestie, que cela enlève de la valeur à ce que je produis ici. Le travail de R.Reichstadt est aussi reconnu par des gens que je considère comme "de qualité", comme le chercheur et politologue Stéphane François, dont je ne pense pas qu'on puisse dire qu'il est néocon (https://laspirale.org/texte-332-stephane-francois-le-complot-cosmique.html)

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    2. Sur le reste, je ne suis pas Macroniste, très loin de là, et ne suis aucunement dupe non plus, ni de la Macronophilie médiatique, ni de la manière de "régner" de Macron, ni enfin des reculs liberticides en vigueur sous sa présidence, en continuité de ce qu'ont fait ses prédécesseurs en la matière. Je n'ai jamais dit non plus qu'il n'y avait pas de propagande ou de manips de "notre" côté, mais ce n'était pas le sujet de ce post.

      Après, le fait qu'on observe de tels phénomènes en France ne rend pas plus excusable ni moins inquiétant ce qui se pratique au niveau de certains médias russes. Vous ne le dites pas textuellement, mais c'est un peu ce que vous semblez suggérer, à l'instar d'un certain relativisme actuel qui postule que RT et BFMTV, c'est un peu kif-kif bourricot. Certes, je déteste BFMTV, et la télévision en général, qui est l'instrument de manipulation et de "débilisation" suprême, mais encore une fois, cela n'appelle selon moi aucune indulgence face à RT et autres Sputnik.

      Quant à la question d'accorder du crédit à RT sur d'autres sujets que la Russie, parlons en: concernant par exemple les pays occidentaux, RT développe une lecture de l'actualité basée sur l'idée de chaos, de désordre: elle filme abondamment et au + près les affrontements en manifs, par exemple lors de celles contre la loi travail, pour donner l'impression d'un pays au bord de l'explosion, et pourquoi pas suggérer un besoin d'ordre, tout en séduisant certains opposants à la loi travail, "parce que RT, au moins, elle montre tout!". Depuis peu, RT s'est intéressé à l'indépendantisme catalan et a donné la parole à Puigdemont (qui est tombé dans le panneau), juste parce que cet indépendantisme fissure un grand Etat occidental et démontre ainsi que cet Etat est au bord du gouffre. Cela dit, tout cela est fort bien joué de la part de RT, il faut le reconnaître, mais du coup aussi, redoubler de méfiance.

      Bien à vous.

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  2. Bravo pour le travail
    Merci pour la générosité
    Chalheureuses fêtes à vous
    E.C.

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    1. Merci à vous, et par avance,heureux passage dans la nouvelle année.

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  3. L’erreur ‘’Reichstag/Reichstadt’’ n’est pas volontaire et je suis désolé qu’elle ait pu être considérée comme infamante. A vrai dire, je suis surpris que vous portiez l’interprétation si loin. Je ne commenterai pas la mise sur le même plan de mon erreur avec ‘’Durafour-crématoire’’ car vos écrits montent que la mauvaise foi ne fait pas partie de vos armes. J’ajoute juste que si j’essaie de suivre votre raisonnement, je ne comprends pas quel intérêt j’aurais eu à faire volontairement cette erreur puisque si je m’affiche comme antisémite, tout ce que je dis ensuite n’a plus aucune valeur.
    Le sentiment que j’ai, c’est qu’à vouloir infantiliser les gens en leur disant ce qui est bien ou pas bien, ce qui est dangereux ou pas produit l’effet inverse de celui recherché. On nous vante sans cesse la ‘’pédagogie’’, mais faire grandir ou changer quelqu’un demande un minimum de finesse et de faire au moins l’effort de comprendre pourquoi l’autre pense ainsi sans le considérer comme un débile. A défaut, on a se retrouve dans les meilleurs des cas au point de départ.
    Reichstadt participe à ce mouvement là . Le mac carthysme soft auquel il participe tend à dégénérer (voir les derniers propos de Valls sur Taddei ou sur Mediapart). Là où on commence à entrer dans des zones dangereuses, c’est que tout cela se fait au nom de la Démocratie, de la Liberté et d’autres détournements du langage dont les néocons nous ont habitués dans d’autres circonstances. Ces détournements neutralisent certains mots et les rendent inopérants (prenons par exemple l’expression ‘’Droits de l’Homme’’ qui devient presque péjorative tant elle a été galvaudée et instrumentalisée par les néocons). Ce n’est pas une raison pour ne pas discuter avec eux. Cependant la base de la démocratie, c’est de pouvoir débattre afin d’identifier les points sur lesquels on n’est pas d’accord. Débattre, ce n’est pas balancer des accusations d’ansitémitisme à la légère (d’ailleurs condamné par la loi) et de complotisme à tout va (souvent accouplé à des interprétations psychiatrisantes) .En effet tout le monde peut convenir qu’on ne discute avec un antisémite ou un fou (et pas seulement pour des raisons de principe mais par que cela ne mène nul part). En cela, les procédés de Reichstadt minent le débat démocratique et le rendent tout simplement impossible. Considérons en outre l’effet de ces anathèmes sur la personne sensible aux thèses considérées comme complotistes (à tord ou à raison) :il est impossible qu’elle adopte des réactions plus rationnelles (si en plus elle était déjà sensible à des thèses farfelues). Et on assiste alors à une sorte d’effet larsen de la bêtise :ça tourne en boucle et ça s’amplifie. Il est alors de plus en plus difficile de considérer son adversaire comme un sujet autonome (je ne me suis d’ailleurs pas privé de cette malhonnêteté en sous entendant plus haut que les neocons forment un bloc monolithique et je ne me prive pas de continuer). Les neocons et les complotistes ont au moins cela en commun :leur bêtise. Il suffit d’ailleurs de voir l’évolution de certains pour réaliser que neocons et fachos ne sont pas si éloignés que cela. Je pense à Robert Ménard mais on pourrait citer Pascal Bruckner qui va assister à une conférence en Hongrie aux côtés du fondateur de Breibtard (site de désinformation des soutiens de Donald Trump) et de militants d’extrêmes droite allemands et hongrois : http://hungarianspectrum.org/2017/12/29/the-orban-governments-international-conference-on-the-future-of-europe-with-milo-yiannopoulos/
    Au passage la seule source française que j’ai trouvé était RT….

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  4. J’ai été faire un tour sur le site de Monsieur François. Je prends acte qu’il considère le travail de Reichstadt comme sérieux (avec un peu trop d’emphase à mon goût…). Notons toutefois que la dénonciation de fascisme et des droites extrêmes n’est pas un gage d’infaillibilité et de prudence (je pense à certains jugements hâtifs et catégoriques de Daeninckx ou de Corcuff).
    Il est d’usage de se moquer la paranoïa dont font preuve les complotistes, mais l’inquiétude autour de RT me semble quelque peu surjouée. Cela me rappelle un peu le jeu que certains ont joué avec le FN (je ne dis pas ça pour vous). On se rassure sur nos principes en dénonçant un adversaire diabolique puis on lui donne de l’importance qu’il n’a pas et on finit par adopter ses idées et ses manières de fonctionner petit à petit même chez les soi-disants adversaires de la première heure (voir la déchéance de nationalité). C’est plutôt cela qu’il faut craindre : si RT est vraiment catastrophique au niveau déontologique, on peut pronostiquer sans risque que certains médias français qui la dénoncent avec la plus grande vigueur sauront s’ inspirer de RT et prendre pour exemple le pire de ce qu’elle produit. Cela ne veut pas dire bien entendu que le FN et RT ne sont pas dangereux en soi.
    En ce qui concerne les admirateurs dont on n’est pas responsable, je suis d’accord (Reichstadt utilise d’ailleurs ce procédé par citations successives pour discréditer ses adversaires politiques). C’est beaucoup plus problématique quand l’admiration est mutuelle ou quand Reichstadt participe au documentaire de Fourest et à la Règle du Jeu (qui au passage en matière de fake news est assez bien référencée). C’est aussi problématique quand il reprend sur son site des articles de P.A Taguieff dont certaines thèses sont proches de l’extrême droite (et qui avait qualifié Bourdieu de complotiste, on voit le niveau).
    Je ne dénie pas la connaissance de Reichstadt en ce qui concerne les complots sur les illuminati, les fables sur la mort d’Hitler, etc… Et ça paraît normal vu qu’il passe sa journée à faire ça depuis des années (et il a trouvé un créneau porteur puisque même l’Institution E.N. utilise son site). Certes, son site a pour objectif de démasquer les complotistes mais visiblement il cherche à faire du chiffre et ramasse tout ce qui passe (le proverbe dit :‘’faute de grives, on mange du merle’’, dans le cas de Reichstadt là il faudrait ajouter ‘’on mange même des cailloux’’). C’est dommage car sa fréquentation de sites complotistes lui a sans doute donné accès aux mécanismes de pensée des complotistes. Il a donc surement des choses intéressantes à raconter. Mais comment alors expliquer sa stratégie contre -productive qui ne convainc que les convaincus? Ses pratiques offrent d’ailleurs un miroir négatif tout à fait rassurant pour les complotistes. Etait-ce l’effet recherché ? Mais alors quel est l’objectif de Conspiracy Watch ?

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  5. Pour répondre à cette question, on peut avoir l’esprit mal tourné (comme moi) et remarquer que ses mises à l’index sont parfois justifiées de façon absconse, agissent par simplifications outrancière et amalgament dans un même article des personnes qui n’ont rien à voir (Dieudonné et Lordon par exemple) avec pour objectif je suppose de miner la respectabilité du plus respectable. D’autres parts, s’il dénonce quelqu’un comme complotiste ou sous-entend qu’il est antisémite alors qu’il ne l’est pas, comment lui accorder du crédit quand il accuse des complotistes ou antisémites qui le sont vraiment et au dernier degré ? Offrir des tenues de camouflage gratuites aux Soral, Dieudonné et aux autres allumés de ce genre (un comble pour quelqu’un qui prétend dénoncer le confusionisme) : ce n’était sans doute pas l’objectif de son travail, mais en tout cas c’est l’objectif qu’il a le plus certainement atteint.
    Maintenant, je ne doute pas qu’il ait fait des choses pertinentes sur la Russie (puisque vous le dîtes, et je vous fais à priori confiance. Si je vous fais confiance, c’est justement parce que vous êtes capable de nuancer vos jugements).
    Je ne vous fais pas un procès pour macronisme. Je ne sais pas si c’est kif kif bourricot car je n’avais jamais regardé RT. En revanche est-ce-ce qui menace le plus la démocratie en France, c’est l’arrivée de RT ? Mais franchement, relisez l’interview de Macron par Delahousse, ou les derniers développements médiatiques sur le ‘’mysticisme et les visons’’ de Macron et son ‘’côté prophétique’’, c’est incroyable. Et puisque vous parlez de la loi travail et avez souligné à juste raison que RT ne rend pas forcément service aux manifestants (j’ai regardé, ça ressemble à de l’info divertissement), souvenez -vous de la façon dont ont été traité les manifestants par la police puis par la télé et la façon dont l’épisode de la vitre cassée de l’hôpital a été traitée par la même télé. S’il y a des médias qui ont bien obéi à la demande de remise en ordre du gouvernement et qui l’ont même précédé, ce sont les médias français.
    Je suis surpris qu’il y ait souvent une forte adéquation entre l’obsession pour la Russie et l’indulgence ou la participation au système oligarchique médiatique français. Pour certains, c’est visiblement une aubaine d’avoir RT et Poutine pour s’auto-attribuer des brevets de démocratie. C’était l’objet de la deuxième partie de mon commentaire. Il était peut hors sujet.
    Dovidjenja

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